Chine, Japon et Afrique: parténariat, coopération et un nouvel élan

 


Afrique-Japon : LE PARTENARIAT ENGAGE LA VITESSE SUPÉRIEURE
l’Essor n°16209 du - 2008-06-02 08:00:00

http://www.essor.gov.ml/jour/cgi-bin/view_article.pl?id=18967

 

Des actions concrètes sont programmées dans diverses domaines en faveur du développement du continent, dans les cinq ans à venir

Il ne fait aucun doute que depuis son lancement en 1993, la Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l'Afrique (TICAD) a servi de pont entre l'Afrique et le Japon et même avec le reste du continent asiatique. Le forum est un cadre où sont envisagées des actions susceptibles de faire bénéficier à l'Afrique, de l'expérience acquise par l'Asie en matière de développement.

 Quinze ans après le lancement de l'initiative par Tokyo, la TICAD s'est véritablement imposée dans l'agenda international. De fait, elle attire de plus en plus l'attention comme le prouve la quatrième édition qui s'est tenue la semaine dernière (du 28 au 30 mai). En effet, le rendez-vous de Yokohama aura battu le record de participation pour avoir regroupé les chefs d'État et de gouvernement, et les ministres de 51 pays du continent, les dirigeants de 34 autres États, les responsables de 75 organisations régionales et internationales et les représentants du secteur privé, des institutions académiques et des organisations de

La Conférence a pris en toile de fond une Afrique en rapide mutation, déterminée à assumer ses responsabilités. Le développement de l'agriculture et des infrastructures, l'accélération de la croissance économique, les changements climatiques, la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, la paix et la bonne gouvernance... plusieurs sujets cruciaux pour l'Afrique étaient à l'ordre du jour de la IVè TICAD qui s'est tenue cette fois-ci à Yokohama, une agglomération située à une cinquantaine de la capitale nippone.

DES MESURES A MOYEN ET LONG TERMES : La TICAD IV s'est déroulée sous le signe du concret. Dans un discours clé prononcé à la cérémonie d'ouverture, le Premier ministre japonais, Yasuo Fukuda avait donné le ton, en annonçant une série de mesures en faveur du continent (voir L'Essor du 29 mai). Dans cette logique, outre la déclaration finale traditionnelle qui sanctionne ce genre de rencontre, elle a adopté un plan d'action et un mécanisme de suivi de la mise en œuvre dudit plan qui prévoit des actions précises pour aider les pays africains dans les cinq années à venir.

Le Plan d'action de Yokohama accorde une grande place au développement de l'agriculture et à la sécurité alimentaire en Afrique. La crise alimentaire à laquelle le monde entier fait face actuellement n'est certainement pas étrangère à ce regain d'intérêt pour l'agriculture, plus spécifiquement pour la production de riz. Le Plan d'action appelle ainsi à une augmentation de l'utilisation de la nouvelle variété de riz NERICA (Nouveau riz pour l'Afrique) développée par des chercheurs africains, grâce au croisement d'une espèce de riz asiatique et africain connue pour être résistante sous les climats arides.

Les mesures à moyen et long termes contenues dans le Plan d'action prévoient de juguler la crise alimentaire sur le continent, en améliorant et en développant des variétés de riz capables de s'adapter aux changements climatiques et en faisant la promotion de la recherche pour vulgariser de nouvelles techniques et méthodes de culture.

Concernant les changements climatiques, la TICAD IV, constatant que les pays africains qui sont les moins pollueurs sont en général extrêmement vulnérables aux bouleversements du climat, s'est félicitée de l'annonce faite par le gouvernement japonais d'établir un partenariat dénommé << Cool Earth>> assorti d'un mécanisme de financement de 10 milliards de dollars (plus de 4 000 milliards Fcfa) sur la base de consultations politiques entre le gouvernement japonais et les pays en développement, y compris évidemment ceux d'Afrique. Ces mesures sont destinées à faire face aux effets des changements climatiques et à moderniser les industries de ces pays au moyen du transfert des technologies.

Le Plan d'action de Yokohama préconise un nouvel instrument post-Kyoto (en référence au Protocole de Kyoto sur les changements climatiques) dont l'exécution commencerait en 2013. Il propose d'assister les pays africains pour mettre en œuvre des mesures politiques en vue d'assurer l'accès des pays africains aux sources d'énergie propre, en faisant de sorte que le développement économique aille en harmonie avec la préservation de l'environnement.

Dans le domaine des infrastructures, les participants à la TICAD IV ont souligné le besoin fondamental de se concentrer sur le développement des infrastructures de dimension régionale. Il est ainsi prévu de faire des efforts pour intégrer les systèmes de transport et d'électricité.

Dans le but d'accélérer la croissance économique, la Conférence préconise d'établir un véritable partenariat entre le Japon et une << Afrique qui gagne >>. A cet effet, elle a mis un accent particulier sur le fait qu'il est essentiel d'accélérer la croissance économique à une grande échelle, en diversifiant la production.

Pour ce qui est de la réalisation des Objectifs du millénaire pour développement (OMD), la TICAD IV a fait remarquer qu'une impulsion forte sera nécessaire afin de les atteindre.
Le secteur privé étant considéré comme un élément primordial du partenariat entre le Japon et l'Afrique, les participants se sont réjouis des initiatives de Tokyo visant à renforcer le partenariat entre le public et le privé par la promotion du commerce et des investissements en Afrique.

DES RESULTATS PROBANTS : Enfin rien de tout cela n'étant possible sans la paix et la bonne gouvernance, l'accent a été mis sur l'importance pour l'Afrique de s'approprier le processus de consolidation de la paix et il est prévu de renforcer les forces de maintien de la paix des Nations unies. Et justement à propos des Nations unies, la Conférence de Yokohama a souligné l'importance d'une réforme accélérée des principaux organes de l'organisation internationale, y compris le Conseil de sécurité, afin de mieux faire face aux exigences de l'environnement du XXIè siècle. Il est demandé aux pays membres de faire de leur mieux pour aboutir à une reforme du Conseil de sécurité au cours de la présente Assemblée générale de l'ONU.

Les participants ont salué les initiatives prises par l'Union africaine et le NEPAD, telles que l'Architecture de la paix et de la sécurité en Afrique (APSA) et le Mécanisme africain d'évaluation des pairs (MAEP).

Dans le cadre du mécanisme de suivi du Plan d'action, des rencontres ministérielles et d'experts seront organisées chaque année sous la supervision d'un bureau qui sera mis en place au niveau des ministères des Affaires étrangères.

De l'avis général, la TICAD depuis quinze ans qu'elle existe, a produit des résultats probants et offre une base solide pour les initiatives contenues dans le Plan d'action de Yokohama. Les conclusions de la rencontre seront transmises par le Japon au Groupe des huit pays les plus industrialisés (G 8) qui se réunit en juillet à Hokkaïdo Tokayo.

Dans une interview à la presse nationale, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Moctar Ouane qui participait à la Conférence auprès du chef de l'État, a insisté sur la nouveauté introduite par la rencontre de Yokohama, à savoir la création d'un mécanisme de suivi qui veillera à ce que les engagements pris soient effectivement exécutés. Il a expliqué qu'en sa position d'hôte de la réunion du G 8, le Japon est le meilleur porte-parole des pays africains auprès de ces puissants du monde.

Le ministre Ouane s'est dit d'autant plus satisfait des résultats de la Conférence que les mesures prévues cadrent parfaitement avec les contenus du Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSRP) et le Projet de développement économique et social (PDES) du président de la République. Ces deux documents accordent en effet une large place à l'accélération de la croissance économique, à la consolidation de la démocratie et la bonne gouvernance et au développement de l'agriculture.

Envoyé spécial
S. TOGOLA

 

Le président Touré à la TICAD IV : SANTÉ, AGRICULTURE...

Les conférences internationales ont aussi l'avantage de favoriser les rencontres bilatérales. C'est ainsi que le président de la République a reçu en audience plusieurs personnalités. Au nombre de celles-ci, le docteur Torao Tokuda qui a fondé le Tukunoshima Medical Corps. Créé en 1973, le groupe a trouvé un rayonnement international. Aujourd'hui, Tukunoshima est un réseau de 65 hôpitaux dont un en Bulgarie, 33 cliniques ainsi que des centres de maternité, des maisons de retraite et des centres de soin pour les personnes âgées.

Les bénéfices du groupe au titre de l'année fiscale 2006 sont évalués à 26 milliards de yen, soit environ 1040 milliards Fcfa. Le groupe emploie 20 000 personnes. Sa philosophie : "Tous les êtres humains naissent égaux". Fidèle à cette devise, Tukunoshima crée des hôpitaux où les patients peuvent confier leur vie en toute sécurité.

Les patients n'ont pas à verser d'acompte en entrant à l'hôpital et les personnes en difficultés financières ne sont pas facturées pour la chambre d'hôpital.

En février dernier, notre pays a signé avec le Tukunoshima Medical Corps, un protocole d'accord pour la coopération sanitaire et au besoin, la construction d'un centre hospitalier moderne disposant d'une structure de formation.

C'est le promoteur de ce groupe qui a été reçu en audience par le président Touré. Le docteur Torao Tokuda qui ne peut désormais se déplacer que dans un fauteuil roulant, était accompagné de son épouse et de son fils qui l'a remplacé au Parlement japonais après un accident. Torao Tokuda a annoncé que son groupe est prêt à construire dans notre pays, un centre hospitalier moderne à hauteur de 50 millions de dollars, soit plus de 20 milliards Fcfa. "Il m'est revenu que chez vous, les gens dépensent énormément d'argent pour aller se faire soigner dans d'autres pays. Je pense qu'en construisant cet hôpital, nous allons inverser cette tendance", a dit le docteur Tokuda qui communique aujourd'hui exclusivement par écrit.

Amadou Toumani Touré s'est réjoui de cette importante annonce et a assuré qu'il veillera à l'accélération des procédures de création du centre hospitalier.

Le chef de l'État a également reçu Ryoïchi Sasakawa, le président de la Nippon Foundation et ambassadeur de bonne volonté de l'Organisation mondiale de la Santé. Ryoïchi Sasakawa est connu dans notre pays où sa fondation intervient depuis des années. Il est d'ailleurs commandeur de l'Ordre national depuis 2006.

La Nippon Foundation intervient au Mali par le biais de différents programmes dont l'ONG Sasakawa Global 2000 et l'Association Sasakawa Afrique.

Ce dernier programme vise à créer des petites structures agricoles et à produire plus pour contribuer à l'autosuffisance alimentaire.

En 2004, le conseil d'administration de l'Association Sasakawa Afrique décida de concentrer ses ressources humaines et financières sur un certain nombre de pays. Il choisit alors l'Éthiopie, le Mali, le Nigeria et l'Ouganda pour recevoir 75% de ses ressources humaines et financières.

Depuis le démarrage de ses activité au Mali, Sasakawa Global 2000 s'est donnée pour mission d'améliorer de façon durable la productivité agricole et les revenus des paysans grâce à l'adoption de techniques agricoles modernes.

Le pari de Sasakawa Association Afrique est de remplacer les produits importés par la production locale. Pour ce faire, elle encourage l'introduction de la variété de riz NERICA, le maïs QPM et l'utilisation des engrais.

Sasakawa fait également la promotion des organisations agricoles comme Nieta@kenes et la société semencière du Mali (SOSEM) qui produit depuis 2007 du maïs QPM. Elle a également introduit le SAFE (pour Fonds Sasakawa en Afrique pour prolonger l'éducation). Ce programme permet de dispenser des cours sur l'agriculture et les nouvelles techniques agricoles. Dans ce cadre, Sasakawa, l'IPR/IFRA de Katibougou travaillent en collaboration avec le ministère de l'agriculture.

A sa sortie d'audience, Ryoïchi Sasakawa a indiqué qu'en mettant dès le départ l'accent sur le développement de l'agriculture, le président Touré a fait preuve d'une grande clairvoyance. Et la crise céréalière actuelle lui donne parfaitement raison.

Signalons enfin que Amadou Toumani Touré a accordé des audiences au président de la Banque africaine de développement et au patron de l'Office des migrations internationales.

S. T

http://www.essor.gov.ml/jour/cgi-bin/view_article.pl?id=18967

 


 

«Il y a une formidable énergie chinoise pour l’Afrique»

Débat. Les investissements de Pékin, pillage ou aubaine pour le continent noir ?

Recueilli par ALEXANDRA SCH

http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/329297.FR.php

 

Après l’Occident, la Chine va-t-elle achever de piller les ressources de l’Afrique ? Deux journalistes, Serge Michel et Michel Beuret, viennent de publier chez Grasset un livre très documenté sur le sujet : La Chinafrique, Pékin à la conquête du continent noir (avec des photos de Paolo Woods). Leur conclusion n’est pas aussi pessimiste qu’on pourrait l’imaginer.

La «Chinafrique» évoque la «Françafrique». Cela signifie-t-il que la Chine a remplacé la France dans la vie politique et économique de l’Afrique ?

La vie économique, c’est sûr. On voit des Chinois prendre des parts de marché aux Français un peu partout. Il y a même des entreprises françaises qui renoncent à répondre à des appels d’offres car elles savent qu’elles ne gagneront pas contre les Chinois. Surtout, contrairement à la France, les Chinois n’ont pas de pré carré colonial, ils sont présents dans les 53 pays d’Afrique, même ceux encore en relation avec Taïwan. Sur le plan politique, c’est moins sûr. Les dictateurs soutenus par la France, qui sont les piliers de la Françafrique, sont toujours là, tel Omar Bongo.

Des entreprises françaises renoncent vraiment à répondre à des appels d’offres ?

J’ai un exemple de projet d’assainissement au Sénégal : les Chinois sont arrivés à moins d’un tiers du coût proposé par les Français ! A des prix pareils, ceux-ci s’arrachent les cheveux et, la fois d’après, ne prennent même pas la peine de répondre. On le voit pour tous les grands projets de ports le long de l’Afrique de l’Ouest, de chemins de fer ou de barrages. Les Chinois ont un gros avantage : ils peuvent, d’un claquement de doigts, amener 10 000 personnes pour travailler sur un projet pendant deux ans. Et ces 10 000 personnes mangent chinois, regardent la télé chinoise… bâtissent l’infrastructure puis redisparaissent en Chine sans laisser de traces. Aucun autre pays n’a une telle force de déploiement.

Et ce sont justement les infrastructures dont l’Afrique a besoin pour décoller, les Chinois l’ont bien compris. Pendant des années, on s’est demandé pourquoi l’Afrique restait aussi pauvre et en dehors de la mondialisation. C’est parce qu’elle n’avait pas d’infrastructures : ni barrages, ni routes, ni électricité. Vous ne pouvez pas monter de business si vous n’avez pas d’électricité !

Le commerce bilatéral entre Chine et Afrique passerait de 10 milliards de dollars en 2000 à 100 milliards en 2010 ?

Une grosse part est due au pétrole. L’Afrique représente 30 % des importations chinoises en pétrole. Son plus gros fournisseur est l’Angola qui est passé devant l’Arabie Saoudite et l’Iran.

Vous dites que ces échanges constituent une opportunité pour les deux.

Il y a des points d’interrogation quand même. Dans l’environnement notamment. Les entreprises chinoises n’ont ni charte de l’environnement, ni normes précises. En même temps, l’Afrique a été exploitée pendant un siècle par les Européens, alors on n’a guère de leçons à leur donner. Ce ne sont pas les Chinois qui ont envoyé des déchets toxiques en Côte-d’Ivoire ! Ce que je vois, c’est qu’il y a une formidable énergie chinoise pour l’Afrique, que les Européens, pour leur part, ont perdu.

Cela ne gêne pas les Africains que les Chinois viennent, prennent et repartent ? Qu’il y ait si peu d’échanges ?

Il y a un échange intensif avec les élites. A partir du moment où on est au pouvoir, on devient le copain des Chinois. Mais, c’est vrai, les échanges avec la population sont faibles. Les Chinois se mélangent très peu. Ce n’est pas un hasard s’il y a si peu de mariages mixtes. Même sur les chantiers où Africains et Chinois se retrouvent, ils ne vont pas boire de bière ensemble à la fin du boulot. Il faut dire que c’est dur de trouver deux cultures plus éloignées…

Le grand danger pour l’Afrique, c’est de retomber dans un schéma colonial où la Chine se contenterait d’importer des matières premières et d’exporter ses produits de base.

C’est une tendance lourde, la Chine en Afrique ?

On n’en est qu’au début. Mais, vu que le système est nouveau, il est fragile. Dans les pays où la Chine a voulu faire vite, comme en Angola, elle a eu des problèmes. Les Chinois sont très peu préparés à l’Afrique. Ils n’ont qu’un seul institut de recherche sur le sujet. Ils découvrent les mouvements rebelles africains au fur et à mesure des enlèvements dont leurs équipes font l’objet ! Dans certains pays, le sentiment antichinois est assez fort, comme en Zambie à la suite d’accidents du travail dans une mine de cuivre, au Sénégal où les commerçants sont furieux contre les Chinois qui cassent les prix… Si elle va trop vite, la Chine peut s’exposer à un retour de boomerang.

La Chine en Afrique, c’est plus qu’une parabole de la mondialisation, écrivez-vous, c’est son «parachèvement». Expliquez-nous.

Dans les années 80, l’Occident est allé sous-traiter en Chine une partie de sa production. La Chine a très bien géré ça, en exigeant des joint-ventures 50-50; elle a amassé du cash et s’est développée. Pour y parvenir, elle a eu besoin de matières premières, ce qui a fait grimper les prix de celles-ci en Afrique. Elle a donc enrichi l’Afrique sans y aller, puis elle y est allée. L’étape suivante logique, c’est la montée en puissance de l’Afrique, si celle-ci sait aussi bien gérer le système que la Chine en son temps.

Actualité internationale et africaine de sangonet