Centre de rétention de Vincennes: 14 personnes ont pris la fuite après l'incendie des deux bâtiments hébergeant 249 personnes

 

 


Le centre de rétention administratif (CRA) de Vincennes, touché par un incendie, le 22 juin 2008.
©AFP - Pierre Verdy

PARIS, AFP, 23 juin 2008 06h20 - Quatorze retenus du centre de rétention administrative de Vincennes (CRA) ont finalement pris la fuite après l'incendie qui a détruit ses deux bâtiments, selon un nouveau bilan fourni lundi matin par la préfecture de police (PP) qui avait dimanche soir avancé le chiffre d'une cinquantaine.

Après des opérations de recomptage effectuées dimanche dans la soirée, sur les 249 retenus présents dans le centre d'une capacité de 280 places au moment de l'incendie, seules 14 personnes manquaient à l'appel lundi matin et se seraient enfuies.

Dimanche, la préfecture de police avait tout d'abord évoqué le chiffre "d'au moins une trentaine" avant de parler d'une "cinquantaine".

 


Le centre de rétention de Vincennes détruit par le feu. Durée: 1mn15.
©afp.com

Dans le nuit de dimanche à lundi les retenus, qui avaient été regroupés dans le gymnase de l'école de police

proche du CRA, ont été transférés vers d'autres centres en France situés à Lille (Nord), Nîmes (Gard), Palaiseau (Essonne) et Oissel (Seine-Maritime).

Sur les dix-huit blessés légers dénombrés lors de cet incendie et qui avaient été conduits à l'hôpital parisien de l'Hôtel-Dieu, dix s'y trouvaient toujours lundi matin. Ils devaient sortir dans la matinée, selon la PP.

 

 


 

L'incendie de Vincennes relance le débat sur la rétention

 

LE MONDE - 23 juin 2008, 10h53

Théâtre de vives tensions depuis plusieurs mois, le Centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes (Val-de-Marne), le plus grand de France, a été ravagé par les flammes, dimanche 22 juin. L'établissement, qui hébergeait 249 étrangers en instance d'expulsion, était hors d'usage dimanche soir.

Le sinistre a eu lieu au lendemain de la mort d'un Tunisien, âgé de 41 ans, qui a succombé à une crise cardiaque dans ce centre, samedi 21 juin en fin d'après-midi. A l'annonce de son décès, les autres retenus ont, selon la préfecture de police, "légitimement souhaité connaître la situation". Et, "malgré la tentative d'incendie d'un matelas, le centre est demeuré globalement calme toute la soirée" de samedi.

C'est le dimanche en milieu d'après-midi, selon les témoignages de retenus recueillis par la Cimade – seule association habilitée à être présente dans les CRA –, qu'un début d'émeute a éclaté. La police est intervenue. S'en sont ensuivies "des bousculades" et, très vite, quelques chambres ont pris feu, puis tout le centre. Au même moment, une trentaine de militants du 9e collectif des sans-papiers et de RESF manifestaient aux abords de l'établissement pour en réclamer la fermeture.

Selon la préfecture de police de Paris, "plusieurs foyers d'incendie volontaire" sont détectés à 15 h 45. Malgré l'intervention rapide des secours, le feu détruit les deux enceintes de 140 places chacune qui composaient le CRA. L'une était ouverte depuis à peine plus d'un an et l'autre avait été réhabilitée après un premier incendie en janvier 2007.

Si la plupart des retenus ont pu être rapidement évacués et réunis au sein du gymnase de l'école de police voisine, dix-huit d'entre eux, intoxiqués par les fumées, ont dû être hospitalisés. Sur les 249 étrangers présents dans le centre, 193 ont été transférés dans la nuit de dimanche à lundi vers d'autres CRA, à Lille (Nord), Nîmes (Gard), Palaiseau (Essonne) et Oissel (Seine-Maritime). Quatorze manquaient à l'appel lundi matin, ayant vraisemblablement pris la fuite dans la panique.

Pour la Cimade, ces événements n'ont d'autre explication que la "non-conformité à la réglementation" du centre de Vincennes. "Depuis six mois, ce centre connaît des incidents à répétition. Il était évident que le moindre incident grave mettrait le feu aux poudres. La taille de l'établissement, d'une capacité totale de 280places, rend la situation ingérable, y compris pour les policiers", relève Laurent Giovanoni, secrétaire général de l'association.

"DÉTRESSE ET SOLITUDE"

Autorisé à entrer dans l'enceinte du centre sinistré, dimanche soir, avec d'autres élus, le sénateur socialiste de Paris David Assouline considérait que cet incident était lié à la "détresse et à la solitudede gens qui voient leur vie s'effondrer en étant arrêtés en emmenant leurs enfants à l'école". A ses côtés, le maire PS du 11e arrondissement et député, Patrick Bloche, regrettait "le manque de transparence dans les critères de régularisation" qui voit certaines familles obtenir des papiers et d'autres non, "sans qu'on en comprenne réellement les raisons".

Pour sa part, le ministre de l'immigration et de l'identité nationale, Brice Hortefeux, en déplacement au Cap-Vert, n'a pas tenu dimanche à commenter plus avant ce qui était, selon lui, "une des nombreuses illustrations des conséquences dramatiques de l'immigration irrégulière". Le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, a quant à lui estimé "pas tolérables" les "provocations" des collectifs d'aide aux sans-papiers tel RESF, les désignant implicitement comme responsables des incidents.

Une enquête pour déterminer les causes de l'incendie a été confiée à la 1re division de police judiciaire. L'autopsie du Tunisien décédé samedi a "écarté la présence de traces suspectes", indiquait dimanche en fin de journée la préfecture de police de Paris, en précisant que "l'homme se trouvait seul au moment du décès".

"Retenue en application d'une interdiction définitive du territoire français (…), cette personne était connue pour des faits de délinquance graves et réitérés, notamment en matière de trafic de stupéfiants, de violence et de viol", ajoutait la préfecture. Elle rappelait que l'homme "avait été vu par un médecin les 17 et 19 juin et qu'à ces deux occasions son état avait été jugé compatible avec la rétention".

Le député (Verts) de Gironde, Noël Mamère, a réclamé une commission d'enquête parlementaire "pour déterminer les conditions réelles de [cette] mort". Son parti a appelé le contrôleur des lieux de privation de libertés, Jean-Marie Delarue, à "se saisir en urgence de la situation des retenus de Vincennes".

Laetitia Van Eeckhout et Elise Vince

 

 

Chiffres

Locaux de rétention. La France compte 25 centres de rétention administrative en métropole, 2 centres en Guyane et à Mayotte, et plus de 100 lieux de rétention (locaux de police, etc.).

Etrangers. Les centres comptent 1 700 places. En 2007, 35 000 étrangers ont transité en rétention, dont 242 enfants, selon la Cimade. La rétention ne peut dépasser 32 jours. Au bout de 48 heures, si elle n'a pas pris fin, le préfet doit saisir le juge des libertés.

 

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