Les réfugiés de N'Djamena installés dans le nord du Cameroun craignent toujours de rentrer chez eux

 

KOUSSERI, 15 février 2008 (IRIN) - Les affrontements ont pris fin à N'Djamena, capitale du Tchad, il y a près d'une semaine, mais de nombreuses personnes parmi les dizaines de milliers de Tchadiens qui ont trouvé refuge dans le nord du Cameroun, de l'autre côté du fleuve Chari, ne se disent pas prêtes à rentrer chez elles pour l'instant.

 

« Nous avons peur de rentrer », a expliqué à IRIN Patrice Djerane, 20 ans, un habitant de N'Djamena actuellement installé dans une tente près de la ville frontalière poussiéreuse de Kousseri. Le jeune homme s'est réfugié ici avec sa mère, tandis que son père est resté à N'Djamena pour tenir la famille au courant de la situation dans la capitale. « Nous rentrerons lorsque la paix sera rétablie. Jusque-là, nous attendrons ».

 

Les groupes rebelles qui ont assiégé la capitale ont fui vers l'est depuis la fin des affrontements. Mais ces affrontements qui ont eu lieu dans la ville ont fait craindre que les rivalités ethniques ne prennent de l'ampleur et ne se manifestent par une nouvelle forme de violence. « Il y avait une différence ethnique au cours des affrontements [de la semaine passée] », a indiqué Rimwoyal Beasoe Charles, l'un des jeunes réfugiés de N'Djamena, « assez, même, pour donner lieu à une guerre civile ».

 

Nettoyage ethnique ?

Selon Rimwoyal Beasoe Charles et ses compatriotes, lorsque les rebelles sont arrivés, ils ont essentiellement pillé les quartiers connus pour être habités par des Zaghawas, le groupe ethnique du président Idriss Déby.

 

Le président Déby est accusé de privilégier les Zaghawas au détriment des Tamas, l'ethnie de Mahamat Nour, un des principaux chefs rebelles. La semaine dernière, Amnesty International a publié un communiqué selon lequel le président tchadien serait en train de débarrasser la capitale de ses opposants politiques. Un petit nombre des figures de l'opposition se trouvent en effet en détention à l'heure actuelle, et l'on ignore leur situation exacte.

 

D'après les estimations d'un travailleur humanitaire, de nombreux Tchadiens actuellement réfugiés au Cameroun appartiendraient soit à l'ethnie des Tamas soit à celle des Zaghawas, plutôt qu'aux nombreux autres groupes qui composent la population de N'Djamena.

 

Mais les responsables humanitaires n'ont pas effectué, disent-ils, de répartition précise des réfugiés par ethnie, par tranche d'âge et par sexe. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), sur les plus de 30 000 réfugiés qui auraient fui de l'autre côté du fleuve, bon nombre sont déjà rentrés chez eux, bien que l'agence ne soit pas en mesure d'indiquer combien de réfugiés se trouvent encore au Cameroun.

 

Kousseri, la ville camerounaise qui a accueilli la majorité des réfugiés tchadiens, se situe à deux pas de la capitale tchadienne et les deux populations traversent toujours le fleuve pour se rendre d'une ville à l'autre. De plus, bon nombre de réfugiés se sont mêlés à la population, choisissant de ne pas dormir à la belle étoile dans les camps de réfugiés de fortune, désignés par les autorités camerounaises locales.

 

Des recrues toujours plus jeunes

Les réfugiés n'en sont pas moins réticents à rentrer chez eux. S'exprimant à titre officieux, certains membres des autorités de Kousseri ont dit craindre que le président Déby ne soit en train de resserrer son emprise sur la capitale et de recruter des soldats de plus en plus jeunes pour gonfler les rangs de son armée.

 

Des préoccupations partagées par les réfugiés. « Aujourd'hui, il y a de jeunes recrues dans l'armée nationale », a indiqué à IRIN Katherine Ressum, qui a fui de l'autre côté de la frontière avec ses enfants, de nuit, la semaine dernière.

 

En plus des violences actuelles, de nombreux réfugiés s'inquiètent de savoir ce qui est advenu de leurs habitations et des moyens de subsistance qu'ils ont laissés derrière eux. Boye Roberts, un enseignant de 30 ans, originaire de N'Djamena, a confié à IRIN qu'il ne retournerait chez lui que lorsqu'il serait sûr d'y trouver quelque chose. « Y a-t-il des salaires ? De l'eau ? Quelque chose à manger ? Je ne peux pas quitter [Kousseri] maintenant », a-t-il affirmé.

 

Subvenir aux besoins des réfugiés

Pour mettre fin à la crise, il est essentiel de subvenir aux besoins des réfugiés à leur retour, a affirmé Maurizio Giuliano, porte-parole du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Kousseri. « Nous devons nous assurer qu'une aide peut être apportée aux populations lorsque celles-ci souhaitent retourner chez elles », a-t-il expliqué. Des mesures ont été prises à cet effet pour pas moins de 50 000 rapatriés, réfugiés au Cameroun ou déplacés dans d'autres régions du Tchad.

 

Les agences affirment qu'elles en sauront plus sur le nombre de réfugiés et leurs besoins d'ici à la fin de cette semaine, lorsque tous les réfugiés seront réinstallés dans le camp de Maltam, à 32 kilomètres de Kousseri, conformément au souhait du gouvernement camerounais.

 

Selon Francis Kpatindé, un porte-parole du HCR présent à Kousseri, de nombreux réfugiés préfèreront sans doute retourner à N'Djamena. « [Bon nombre] craignent pour leur sécurité [et ils sont] mieux placés que quiconque pour le savoir », a-t-il néanmoins reconnu. « Le jour où la situation sera stable, ils partiront. Tout dépend de la situation à N'Djamena ».

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