Jacob Zuma, bénéficiant d'un non-lieu dans son procès, en route pour briguer la présidence Sud-africaine

 


Afrique du Sud: Zuma peut briguer la présidence après un non-lieu dans son procès

Par Justine GERARDY

PIETERMARITZBURG (AFP), 12 septembre 2008 - Le chef du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) Jacob Zuma va pouvoir librement briguer la présidence sud-africaine en 2009, après l'invalidation vendredi des poursuites à son égard dans une affaire de corruption.

"C'est une victoire!", a lancé devant des milliers de militants Jacob Zuma, après avoir entonné un chant zoulou sur les blessures d'un guerrier.

Le juge "a dit que les droits de Zuma étaient piétinés et que ces gens ne respectaient pas la loi. C'est une leçon que nous ne devons pas oublier si les gens à qui nous donnons le pouvoir, abusent de ces pouvoirs", a-t-il poursuivi en zoulou, sa langue maternelle.

Le juge Chris Nicholson du tribunal de Pietermaritzburg (sud-est) a accepté la requête en non-lieu de la défense dans le procès pour corruption du chef de l'ANC.

Le juge Nicholson a motivé sa décision par le fait que le parquet n'avait pas entendu M. Zuma avant de l'inculper.

Les avocats du populaire tribun avaient déposé cet énième recours en annulation dès l'ouverture du procès mi-août, arguant que les conditions de son inculpation violaient ses droits constitutionnels.

Les accusations pour corruption, fraude, racket et blanchiment d'argent sont donc levées contre le leader de l'ANC, mais "l'Etat peut choisir de poursuivre le requérant sur n'importe quelle autre procédure", a souligné le juge Nicholson.

Jacob Zuma, 66 ans, avait été inculpé une première fois dans ce dossier, après la condamnation en 2005 à 15 ans de réclusion criminelle de son conseiller financier Shabir Shaik, mais un juge avait annulé les poursuites faute de preuves.

Le juge Nicholson a trouvé "curieux" que Zuma n'ait pas été poursuivi en même temps que son conseiller financier.

Le favori à la présidence de la République était soupçonné d'avoir accepté, alors qu'il était vice-président du pays (1999-2005), des pots-de-vin d'une filiale du groupe français Thales.

Il aurait demandé de 500.000 rands (68.000 euros) par an pour empêcher que l'entreprise soit inquiétée dans le cadre d'une enquête sur un contrat d'armement.

Après la condamnation de Shaik, le chef de l'Etat Thabo Mbeki avait limogé M. Zuma de la vice-présidence de la République. Ce dernier a pris sa revanche en décembre en emportant la présidence de l'ANC face à M. Mbeki, à l'issue d'un congrès aux allures de révolution interne.

Dix jours plus tard, il était inculpé pour la deuxième fois dans la même affaire.

Depuis, ses partisans ont multiplié les attaques contre la justice, estimant qu'elle était manipulée par le clan Mbeki pour empêcher leur héros de devenir président de la République.

Les allégations de "complot politique" n'étaient peut-être pas totalement infondées, selon le juge Nicholson, en faisant référence à "une influence politique négative".

Quelque 10.000 partisans de "JZ" comme l'appelle la presse, rassemblés devant le tribunal, se sont mis à chanter et danser en apprenant le non-lieu. "Aujourd'hui, nous sommes lavés de tout soupçon", a déclaré sous les applaudissements le secrétaire général de la puissante confédération syndicale Cosatu, Zwelinzima Vavi.

Le juge a dit des "choses terribles sur notre président Thabo Mbeki", a affirmé M. Vavi, à l'avant-garde du soutien au candidat de l'ANC à la présidence, avec le Parti communiste (Sacp).

M. Zuma va toutefois devoir continuer à travailler pour améliorer son image, entachée tant à l'étranger qu'à l'intérieur par ses déboires judiciaires.

En 2006, il avait été acquitté du viol d'une jeune femme séropositive mais avait suscité l'indignation en affirmant à la barre s'être lavé du virus du sida en prenant une douche.

 

 

Jacob Zuma, un tribun qui tourne à son avantage les déboires judiciaires

Par Alexandra LESIEUR - http://www.france24.com

Vendredi, 12 septembre 2008, 14h00 - Tribun aussi populaire que controversé, le chef du parti au pouvoir en Afrique du Sud, Jacob Zuma, a désormais la voie libre pour la présidence de la République en 2009, après avoir une fois de plus tourné à son avantage ses déboires judiciaires.

Vendredi, M. Zuma a bénéficié d'un non-lieu dans une affaire fleuve de pots-de-vin qui lui avait coûté en 2005 son poste de vice-président.

En rejetant le dossier d'accusation pour vice de forme, le juge de Pietermaritzburg (est) a relevé les "curieuses" conditions de son inculpation, intervenue quelques semaines après son élection mi-décembre à la présidence du Congrès national africain (ANC), d'où il avait évincé le chef de l'Etat Thabo Mbeki.

Deux ans plus tôt, l'ancien chef des renseignements de l'ANC pendant la lutte contre l'apartheid avait été acquitté du viol d'une jeune femme séropositive.

Mais ce père de famille, marié à quatre reprises, avait suscité l'indignation en affirmant à la barre qu'il s'était lavé du virus en prenant une douche après un rapport non protégé. Une énorme bourde dans l'un des pays les plus affectés par la pandémie.

Le Zoulou aux accents populistes est aussi contesté au sein des classes moyennes et des élites pour ses déclarations contradictoires, qui varient selon les interlocuteurs.

Conscient de ces défauts, il cherche à peaufiner à l'étranger comme en interne une image d'homme d'Etat rassembleur, misant sur une empathie non feinte qui l'oppose au distant Thabo Mbeki.

A 66 ans, il déclare par exemple briguer un seul mandat à la tête de l'Etat, à l'instar de l'icône Nelson Mandela, le premier président noir d'Afrique du Sud (1994-1999). M. Mbeki a enchaîné deux mandats à la présidence et a cherché à conserver le contrôle de l'ANC.

Mais ses efforts sont souvent entachés par les déclarations intempestives de certains de ses partisans. Comme, par exemple, lorsque le chef de la Ligue des jeunes de l'ANC s'est dit en juin "prêts à tuer" pour que "JZ" accède à la présidence de la République.

Dans ses déboires judiciaires, il se présente systématiquement comme la victime d'une machination ourdie par le pouvoir. Un argument qui fait mouche auprès des classes défavorisées, marquées par l'instrumentalisation de la justice sous l'apartheid.

Lui qui aime à esquisser un pas de danse lors des meetings ou à serrer les mains des pauvres, noirs comme blancs, mise beaucoup sur son passé d'homme du peuple.

M. Zuma a connu la misère. Fils d'une domestique et d'un policier décédé quand il était très jeune, cet autodidacte, né le 12 avril 1942 à Nkandla (Kwazulu-Natal), a très vite travaillé pour subvenir au besoin de la famille.

"Je n'avais pas de père et les circonstances ne m'ont pas permis d'aller à l'école, j'ai décidé de me construire moi-même", raconte Jacob Gedleyihlekisa Zuma, auquel un cousin a appris à lire et écrire.

A 15 ans, il découvre l'ANC et s'engage deux ans plus tard au sein des combattants anti-apartheid. Peu après l'interdiction du mouvement, il en rejoint la branche armée et sera arrêté en 1963.

Prisonnier pendant dix ans à Robben Island au large du Cap (sud-ouest), où Mandela et d'autres figures de la lutte ont été détenus, il reprend son engagement dès sa libération jusqu'à devenir le chef des renseignements de l'ANC en Zambie.

Dans les années 1990, pendant la délicate transition vers la démocratie, ce négociateur hors pair s'illustre dans les pourparlers avec un mouvement radical zoulou. Principal médiateur du processus de paix au Burundi, Zuma a démontré une force de persuasion indéniable.

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