Egypte : constitution suspendue, Mohammed Morsi démis par l’armée

 


L'armée égyptienne a écarté mercredi le Président Morsi, en annonçant la suspension de la constitution et une nouvelle feuille de route politique.

 

BBC, 3 juillet, 2013 - 19:23 GMT. Le président renversé a été remplacé par le président du conseil constitutionnel, selon une allocution télévisée lue par le chef d'état major, le général Abdel Fattah al-Sissi.

L'armée a annoncé la tenue d'une élection présidentielle anticipée, ayant donc suspendu de fait le président islamiste Mohamed Morsi.

L'annonce a été accueillie par une explosion de joie des opposants qui manifestaient en masse à travers le pays.

Le président Morsi dans sa dernière déclaration avait proposé comme solution à la crise la formation d'un gouvernement de coalition mais il écartait de démissionner.

L'un de ses conseillers décrivait déjà les événements de la journée comme un coup d'Etat militaire.

Des journalistes de la BBC ont constaté une présence accrue de l'armée avec des blindés dans les rues de la capitale.

La feuille de route prêtée aux militaires consisterait en la mise en place d'un conseil intérimaire après consultations avec les responsables politiques.

Il dirigerait le pays le temps de modifier certains articles de la constitution, allant trop dans le sens d'une islamisation des institutions et de la loi et pour préparer une nouvelle élection présidentielle.

Par ailleurs le Front de salut public, qui regroupe les partis libéraux, laïcs et de gauche ainsi que "Tamarud", mouvement de la jeunesse protestataire, ont désigné el-Baradeï, l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, pour négocier une transition avec les militaires.

 

 


 

 

L'armée égyptienne suspend la Constitution, démet Mohamed Morsi

 

Près du palais présidentiel, au Caire. Dans une déclaration à la télévision, le général Abdel Fattah al Sisi, chef de l'état-major de l'armée égyptienne, a annoncé que la Constitution égyptienne …plus  avait été provisoirement suspendue et que le président Mohamed Morsi allait être remplacé à la tête de l'Etat par le président de la Cour constitutionnelle. /Photo prise le 3 juillet 2013/REUTERS/Amr Abdallah Dalsh

Près du palais présidentiel, au Caire. Dans une déclaration à la télévision, le général Abdel Fattah al Sisi, chef de l'état-major de l'armée égyptienne, a annoncé que la Constitution égyptienne …plus  avait été provisoirement suspendue et que le président Mohamed Morsi allait être remplacé à la tête de l'Etat par le président de la Cour constitutionnelle. /Photo prise le 3 juillet 2013/REUTERS/Amr Abdallah Dalsh  

 

LE CAIRE (Reuters), 03 juillet 2013 - L'armée a démis le président Mohamed Morsi de ses fonctions et a suspendu temporairement la Constitution, mercredi, ouvrant une période de transition jusqu'à l'organisation de nouvelles élections présidentielle et parlementaires pour sortir l'Egypte de la crise politique.

L'annonce de ces mesures d'exception a été faite mercredi soir à la télévision nationale par le général Abdel Fatah al Sissi, chef de l'état-major de l'armée, à l'issue d'une rencontre avec les dirigeants de l'opposition et des communautés religieuses ainsi qu'avec les représentants des mouvements de jeunesse.

L'armée, qui a toujours joué un rôle déterminant dans l'exercice du pouvoir en Egypte, a repris sa place au centre du jeu politique lors de cette journée à rebondissements.

Les militaires avaient donné au chef de l'Etat jusqu'à 17h00 pour répondre aux attentes des centaines de milliers de manifestants réclamant son départ depuis plusieurs jours.

A l'expiration de ce délai, et alors qu'aucun accord n'avait été trouvé, les choses se sont accélérées.

L'armée a d'abord pris position dans plusieurs lieux stratégiques du Caire, près du palais présidentiel et devant le siège de la télévision nationale, alors que Morsi se trouvait dans une caserne de la Garde républicaine.

Elle a ensuite apporté son soutien à la "feuille de route" mise au point par l'opposition, les dignitaires religieux et les organisations de la jeunesse.

Enfin, elle a informé à 19h00 Mohamed Morsi qu'il n'était plus président de l'Egypte, un an après sa prise de fonction, rapportait le journal officiel Al Ahram citant une source présidentielle sur son site internet.

RÉVISER LA CONSTITUTION

Dans son allocution télévisée, Abdel Fatah al Sissi a précisé que le président de la Cour constitutionnelle suprême devenait chef de l'Etat par intérim en remplacement de Mohamed Morsi.

Il reviendra au nouveau président, doté du pouvoir de gouverner par décrets, de désigner un gouvernement de technocrates pendant la période de transition.

Au cours de cette période, une commission sera chargée de réviser la Constitution, a ajouté le général Al Sissi.

Par ailleurs, le militaire a annoncé la création d'un comité de réconciliation nationale incluant les mouvements de la jeunesse, en pointe dans la contestation contre Mohamed Morsi.

Ces dispositions ont été approuvées par les dirigeants religieux, le grand cheikh de la mosquée Al Azhar et le patriarche de l'Eglise copte, Théodore II, ainsi que par le chef de file de l'opposition Mohamed ElBaradeï.

Ce dernier est lui aussi intervenu à la télévision pour appeler de ses voeux une élection présidentielle anticipée. Selon lui, la révolution du Nil qui avait été confisquée par la Frères musulmans dont était issu Mohamed Morsi a été relancée par les militaires.

Le calendrier des prochaines échéances électorales sera déterminé par le gouvernement intérimaire, a indiqué un porte-parole de l'armée.

Le parti Nour, deuxième formation islamiste d'Egypte, a annoncé qu'il soutenait la feuille de route afin d'éviter un conflit au pays.

LIESSE SUR LA PLACE TAHRIR

L'annonce d'Abdel Fatah al Sissi a été accueillie par des cris de joie et des scènes de liesse sur la place Tahrir au Caire où se rassemblaient les anti-Morsi.

De son côté, le chef de l'Etat égyptien a dénoncé sur son compte Facebook un "coup d'Etat militaire".

Les partisans de Mohamed Morsi, réunis dans la banlieue du Caire, ont réagi avec colère à l'annonce des militaires, certains arrachant des pavés et dénonçant les annonces d'Al Sissi comme "nulles".

Mohamed Morsi se trouvait, lui, dans une caserne de la Garde républicaine sans que l'on sache s'il était détenu ou restait libre de ses mouvements.

Selon des témoins, les soldats ont dressé des barrières et ont installé des fils de fer barbelés autour de la caserne.

Un conseiller en communication de Mohamed Morsi a reconnu qu'il n'était pas en mesure de préciser si le président était libre de quitter la caserne dans laquelle il se trouvait.

Dans la journée, Mohamed Morsi et de hauts responsables des Frères musulmans s'étaient vu interdire tout déplacement hors d'Egypte.

Une liste de 40 noms a été remise aux services de sécurité des aéroports dont ceux de Khaïrat al Chater et d'Essam el Erian, membres de la direction de la confrérie.

Dans un message adressé à ses partisans, le chef de l'Etat a appelé à résister pacifiquement "au coup d'Etat militaire" et à ne pas avoir recours à la violence contre les soldats.

Le département d'Etat américain a fait part de sa "profonde inquiétude" face aux événements qui se déroulaient en Egypte.

 

 


 

Comprendre le casse-tête égyptien

 

BBC - 3 juillet, 2013 - 15:42 GMT

L'Egypte traverse des moments d'incertitude avec des vagues de manifestations balayant le territoire national.

Le principal cri de ralliement de la fronde populaire est un appel à la démission du Président Mohammed Morsi. Mais quels sont les principaux ressorts de cette crise?

Genèse

Le mécontentement a commencé en novembre 2012 quand le Président Morsi s'est avisé de promulguer une clause constitutionnelle controversée qui lui octroie des pouvoirs étendus. Depuis lors, la scission politique dans le pays entre, d'une le Président et les Frères Musulmans, et d'autre part les mouvements libéraux qui se veulent révolutionnaires, n'a fait que s'accentuer. La division politique est alimentée par le fait que la constitution a été rédigée par un panel dominé par les Islamistes.

Elle a en outre été aggravée par ce que l'Opposition qualifie d'approche "monopolistique" adoptée par le gouvernement. Certains soutiennent que plusieurs nominations des membres des Frères Musulmans à des postes importants n’ont été dictées que par la loyauté plutôt que par la compétence. Ce contexte trouble est doublé d’une absence d’un ordre public et d’une détérioration des conditions économiques dont l’Egyptien lambda continue d’éprouver la rigueur.

Frondeurs

La fronde est portée par le mouvement Tamarod (Rébellion) qui recrute ses militants au sein des couches populaires de la société. Le mouvement se veut une coalition de jeunes gens sans affiliation politique, du moins tel était le cas début mai. Le mouvement dit avoir récolté plus de 22 millions de signatures demandant la démission de Morsi.

Des millions d'Egyptiens, enragés par la détérioration des conditions économiques, ont répondu à un appel à manifester le 30 juin, date du premier anniversaire de l'investiture du Président Morsi. Au centre de leurs revendications, la tenue d'une présidentielle anticipée.

L'armée

La Grande Muette va-t-elle intervenir? Il se pourrait bien. L'armée interviendrait si le Président Morsi et ses opposants ne parviennent pas à se conformer aux exigences des militaires. L'armée a en effet lancé un ultimatum de 48 heures aux différents protagonistes pour parvenir à un accord. Par la même occasion, elle a adressé un ordre indirect à Morsi, lui enjoignant de satisfaire les revendications des manifestants. A l'échéance de cet ultimatum, à en croire l'armée, elle interviendrait pour imposer une feuille de route pour l'avenir. Ambiguïté s'il en est en une, vu que l'armée dément les intentions qu'on lui prête d'envisager un coup d'Etat.

Morsi

Et que dit le Président Mohammed Morsi ? Eh bien ! Tout en admettant avoir fait des erreurs, Morsi semble imputer la plus grande responsabilité de la situation à des facteurs qu’il présente comme des survivances de l'ancien régime. Il s’en à l'opposition qu'il accuse d'avoir ignoré ses appels au dialogue national. Sur ce point, il a clairement explicité ses griefs dans un discours qu'il a adressé à la Nation le 26 juin dernier.

Depuis ce discours, le Président n'est plus apparu en public, et c’est à travers la page Facebook de la Présidence qu’il a martelé son refus de l’ultimatum. Il indique qu'il s'en tiendrait à son propre schéma de réconciliation nationale plutôt que de prendre en compte l'injonction des militaires.

Morsi présente son plan comme un mécanisme prévoyant une concertation avec toutes les forces vives de la Nation en vue de l'élaboration d'un chemin clair de sortie de crise qui fera l'objet d'un accord. Morsi ajoute qu'il n'a pas été consulté par l'armée avant la déclaration que celle-ci a rendue publique, ce qu'il considère comme un facteur d'accentuation de la confusion et de la division au sein du public.

Manœuvre

Le Chef de l'Etat a-t-il une marge de manœuvre? En tout cas, il est à noter que l'armée l’a acculé dans son dernier retranchement, en lui sommant clairement de répondre aux revendications de la rue. Mais Morsi peut convoquer une présidentielle anticipée, remanier le gouvernement ou organiser un référendum lors duquel le peuple répondra par OUI ou NON à une question du genre : Voulez-vous que le Président achève son mandat. En attendant, ça relèverait du miracle que son gouvernement reste opérationnel après les démissions en cascade des derniers jours.

Avenir

Où tout cela pourrait-il conduire le pays ? La tournure que prennent les événements laisse entrevoir que l'Egypte se dirige vers une nouvelle période d'instabilité, surtout si l'armée venait à contraindre Morsi à quitter le pouvoir malgré le soutien des Frères Musulmans dont il continue de jouir. Et si Morsi s'en allait et que cela occasionnait une présidentielle anticipée, la constitution stipule que le Premier Ministre assure l'intérim jusqu'à l'installation du nouveau président élu.