Roch Marc Christian Kaboré élu président du Burkina Faso avec 53,49 % des voix au premier tour organisé dimanche 29 novembre 2015

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Burkina Faso: l'élection d'un nouveau président met fin à une année de transition tourmentée 

 

Algérie Presse Service - 01 décembre 2015

 

ALGER - Les Burkinabés ont choisi Roch Marc Christian Kaboré comme leur nouveau président, tournant la page d'une année de transition politique difficile mise en place après l'insurrection populaire qui avait chassé du pouvoir Blaise Compaoré après 27 ans de règne.

Roch Marc Christian Kaboré, a été élu président du Burkina Faso pour un mandat de cinq ans dés le premier tour de la présidentielle de dimanche dernier pour laquelle 14 candidats étaient en lice dont deux femmes.

Il a obtenu la majorité absolue avec 53,49% des suffrages contre 21,65% recueillis par son plus sérieux rival Zephirin Diabré qui a reconnu sa défaite, selon les résultats provisoires rendus publics mardi par la Commission électorale indépendante (Céni).

Couplé à des législatives, ce scrutin était organisé un an après l'insurrection populaire qui a chassé du pouvoir Blaise Compaoré en octobre 2014, alors qu'il tentait de modifier la Constitution pour briguer un nouveau mandat.

Quelque 5,5 millions d'électeurs étaient inscrits sur les listes électorales d'un pays qui espère désormais être sur la voie de la démocratie après une histoire marquée par de nombreux coups d'Etat.

Initialement prévues le 11 octobre, ces élections avaient été reportées en raison du putsch raté le 17 septembre dernier de l'ancien bras droit de M. Compaoré, le général Gilbert Diendéré. Cette tentative de coup d'Etat, avait été mise en échec par la mobilisation de la population et de l'armée loyaliste.

   M. Kaboré: nous devons servir le pays

Dés l'annonce des résultats provisoires, M. Kaboré a déclaré à ses partisans: "Nous devons nous mettre au travail immédiatement. C'est tous ensemble que nous devons servir le pays". "Aux jeunes, aux femmes et aux anciens", il a promis sa "détermination à ouvrir des opportunités de lendemains meilleurs".

Le nouveau président a aussi adressé ses "chaleureuses félicitations aux organes de la transition", mis en place après la chute du régime de Compaoré et qui ont organisé le scrutin.

Cet ancien partisan du système de Blaise Compaoré, qui a changé de camp juste avant la chute du régime, avait déjà promis de s'attaquer au chômage des jeunes, endémique dans le pays, de moderniser le système de santé promettant notamment la gratuité des soins pour les moins de 6 ans, et de mettre l'accent sur l'éducation.

Par ailleurs, le président de la Commission électorale indépendante (Céni), Barthélemy Kéré, a reconnu "quelques anomalies", estimant que le déroulement du scrutin, suivi par toute l'Afrique, avait été "globalement satisfaisant".

"Nous arborons un large sourire, nous poussons des soupirs de soulagement", avait déclaré, de son côté, Me Halidou Ouedraogo, président de la Codel, la plateforme de la société civile qui a observé les élections.

La Codel a jugé "crédible ce scrutin qui marque un tournant décisif dans l'histoire politique du Burkina Faso" et "appelle les candidats et partis politiques à respecter le verdict des urnes".

A l'étranger, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a salué "la manière pacifique" dont ont été conduites les élections et plus particulièrement la "forte participation des femmes au processus électoral".

M. Ban a "encouragé tous les dirigeants politiques et les protagonistes nationaux à maintenir cette atmosphère paisible" dans ce pays pauvre de 18  millions d'habitants d'Afrique de l'Ouest.

 

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Au Burkina Faso, avec les partisans du nouveau président Roch Marc Kaboré

Par Morgane Le Cam (Contributrice Le Monde Afrique, Ouagadougou) Le Monde.fr le 01.12.2015 à 13h29


Roch Marc Kaboré a remporté l’élection présidentielle au Burkina Faso avec 53,49 % des voix au premier tour organisé dimanche 29 novembre. Crédits : JOE PENNEY / REUTERS

Accoudé au balcon du deuxième étage, Soma Kader sourit, le regard tourné vers l’orangé du soleil couchant. « Regarde, c’est la couleur de notre parti, de notre président », lance le militant avant d’entonner quelques paroles victorieuses. Il n’est que 17 heures ce lundi 30 novembre, au lendemain du premier tour des élections présidentielles. Mais au siège du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), dans la capitale Ouagadougou, les militants qui arpentent les quatre étages du QG se félicitent déjà. « Je savais que nous allions gagner depuis le début de la campagne, se targue Soma Kader. C’est comme dans un combat de boxe. Quand un boxeur monte sur le ring en étant sûr de lui, il remporte le combat. »

Un « coup K. O. ». Une expression répétée sans cesse avec vigueur, ce lundi 30 novembre. « Ce concept est de Salif Diallo, notre mentor politique. C’est un père pour nous », poursuit le militant. Salif Diallo, « l’animal politique », comme certains ont surnommé le directeur de campagne de Roch Marc Christian Kaboré, le nouveau président du Burkina Faso.

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Attente et nuit blanche

A quelques heures de la publication des résultats provisoires par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), son attitude posée et distante tranche avec l’agitation générale. « Ce qui a fait notre force pendant la campagne, c’est notre organisation. Nous avions 909 295 délégués dans le pays », expose derrière son bureau de verre noir Salif Diallo, un géant d’1 m 90 qui a servi le régime de Blaise Compaoré comme ministre et ambassadeur avant de rejoindre Roch Marc Christian Kaboré dans l’opposition. Dans un coin, un lit de camp est replié. « J’ai passé la nuit ici et je n’ai pas bougé depuis, pour attendre les résultats », poursuit-il.

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Une attente qui n’en était pas complètement une. Trois étages plus haut, Mamata Tiendrebeogo, membre du bureau exécutif du MPP, revient sur le secret révélé dans la journée : une application a permis au MPP de procéder à un comptage parallèle des votes. 368 « agents smartphones » répartis dans chaque commune du Burkina ont ainsi pu envoyer au département central les résultats des élections dès la fin du dépouillement. Un processus plus rapide que celui mis en place par la CENI. « C’était notre source interne, un moyen pour nous de nous préparer rapidement à un éventuel second tour », explique Mamata Tiendrebeogo.

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Autour d’elle, l’excitation de la victoire n’empêche pas l’épuisement. Certains dorment, allongés sur un bout de tissu ou avachis derrière leur ordinateur. Les quelques éveillés pianotent sur leurs téléphones et ordinateurs mais gardent un œil méfiant sur les personnes franchissant les portes de leur service. « Accès interdit à toute personne », indique une affichette sur la porte. « Nous mangeons là, nous dormons là, nous nous douchons là. Cela fait 72 heures que nous ne sommes pas sortis car nous n’avions pas le droit de parler [hors du siège] », poursuit Mamata Tiendrebeogo.

L’espoir du changement


Dans un bureau de vote, à Ouagadougou, le 29 novembre. Crédits : ISSOUF SANOGO / AFP

Les paroles de la jeune femme sont vite masquées par le son des basses. Il est 19 heures et devant le bâtiment, des artistes et des militants commencent à se succéder sur une large scène. La façade du siège du parti a été décorée aux couleurs du parti, le blanc et l’orange. Entre deux écrans géants, des milliers de Burkinabés s’amassent, venus assister à un jour que beaucoup ont qualifié d’« historique » pour l’Afrique. Minuit approche.

« Avec ces élections, nous avons montré l’exemple, estime Innocent Ouedraogo, collé contre les barrières de sécurité. Maintenant qu’elles sont terminées, j’espère que cette présidence va apporter un vrai changement politique à notre pays. » Quelques minutes plus tard, les têtes se tournent vers les écrans et les voix se taisent. Roch Marc Christian Kaboré est élu au premier tour avec 53,49 % des voix, annonce Barthélemy Kéré, le président de la CENI, à 00 h 10. La foule en délire agite des drapeaux à l’effigie du nouveau président du Burkina et entonne l’hymne du MPP. Entouré de sa garde rapprochée, Roch Marc Christian Kaboré monte sur scène et entame un discours sobre, sous les acclamations des Burkinabés qui découvrent leur nouveau « prési ».

A l’intérieur du bâtiment, plusieurs candidats sont venus adresser leurs félicitations à celui qui devrait être officiellement déclaré président du Burkina Faso par le Conseil constitutionnel dans les prochains jours. « Cela montre aux plus grandes puissances du monde que le Burkina reste bien le pays des hommes intègres », affirme Amado Ganemtore, militant au MPP, avant de s’en aller. Le couvre-feu ayant été maintenu de 1 à 4 heures du matin, les abords du QG se sont rapidement vidés. Les derniers ont attendu le départ de Roch Marc Christian Kaboré, peu avant une heure. « Je ressens beaucoup de fierté et d’humilité, nous glisse le vainqueur avant de quitter le siège. Je sais que la tâche qui nous attend est lourde. »

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Burkina Faso: Kaboré élu président pour tourner la page Compaoré

Par Romaric Ollo HIEN, Patrick FORT | AFP 01/12/2015

Roch Marc Christian Kaboré, élu président du Burkina Faso dès le premier tour lundi et dont la victoire a été reconnue par ses principaux adversaires, doit désormais mener sur la voie de la démocratie et du développement un pays à l'histoire marquée par des coups d'Etat.

Le nouveau président, élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois, doit toutefois attendre le résultat des législatives, un scrutin à un tour à la proportionnelle par circonscription, pour savoir quelle sera sa marge de manoeuvre.

La composition de l'Assemblée nationale sera déterminante, notamment le poids du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l'ancien parti du président déchu Blaise Compaoré, chassé par la rue il y a un an après 27 ans de pouvoir. M. Compaoré est actuellement en exil en Côte d'Ivoire voisine.

Le CDP n'a pas présenté de candidats à la présidentielle car une loi bloque les responsables ayant soutenu la réforme devant permettre au président déchu de briguer un nouveau mandat. Mais aux législatives, il pourrait réaliser un bon score grâce à sa bonne implantation dans les campagnes.

Crédité de 53,49% des suffrages contre près de 30% à son principal adversaire Zéphirin Diabré, M. Kaboré a invité les Burkinabè à se "mettre au travail immédiatement".

"C'est tous ensemble que nous devons servir le pays", a affirmé l'ancien baron du système.

-'Choix de la raison'-

Le président français François Hollande, depuis Paris, s'est dit "très heureux que les élections se soient passées de manière transparente, démocratique et que les résultats ne souffrent aucune contestation".

"On a un nouveau président, nous souhaitons qu'il réussisse sa mission pour le bonheur du peuple insurgé et de tous les burkinabè", estime Harouna Kaboré, porte-parole d'une vingtaine d'organisations de la société civile dont le Balai Citoyen, en pointe lors de l'insurrection d'octobre 2014.

"C'est au président de prouver maintenant (...) que les Burkinabè ne se sont pas trompés, en agissant pour les satisfaire".

"C'est l'une des élections les plus propres que l'Afrique ait organisée", estime le politologue Salam Kassem. "Les Burkinabè ont fait le choix de la raison pour gérer l'après-Compaoré, ils ont opté pour Roch parce qu'ils ne veulent pas une rupture brutale, ils veulent une sortie en douceur du système".

"Là où les attentes sont fortes, c'est la gestion des dossiers judiciaires (liés à l'ancien régime), Kaboré ne doit pas faire l'impasse", ajoute-t-il.

Dr Abdoul Karim Saïdou, politologue du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) reste toutefois sceptique. Le Mouvement du peuple pour le Progrès, parti de Kaboré, "est une machine électorale puissante: ils ont la chefferie traditionnelle, les opérateurs économiques. Ils ont utilisé les mêmes méthodes que lorsqu'ils étaient au CDP: argent, tee-shirts... Une telle machine ne peut que tout écraser et c'est ce qu'on a vu".

A Ouagadougou, l'activité était normale mardi.

"Kaboré était avec Compaoré mais il l'a quitté quand il a compris qu'il fallait changer parce que cela allait mal. Il a l'expérience", assure à l'AFP Abraham Thiombiano, un gardien d'immeuble.

- 'Pas le pouvoir mais l'espoir' -

"Je n'ai pas le pouvoir mais l'espoir", plaisante Médard Nébié, un serveur qui a voté pour Diabré.

"L'élection a été parfaite. Donc, il (Kaboré) mérite de gagner. Maintenant on attend le travail", poursuit-il.

Cette élection clôt l'année de Transition ouverte à la chute du régime de Compaoré, qui avait été suivie par toute l'Afrique et citée comme un exemple de démocratie.

Prévus le 11 octobre, les scrutins avaient été reportés en raison du putsch raté le 17 septembre. Cette tentative de coup d'Etat, dans un pays qui en a connu beaucoup, avait été mise en échec par la mobilisation de la population et de l'armée loyaliste.

M. Kaboré, ancien banquier, est resté avec M. Compaoré pendant 26 ans, occupant des postes prestigieux avant de tomber en disgrâce et de quitter le régime 10 mois avant sa chute.

Le nouveau président promet de s'attaquer au chômage des jeunes, endémique dans ce pays pauvre de 18 millions d'habitants ou de moderniser le système de santé, promettant notamment la gratuité des soins pour les moins de 6 ans.

 


 

 

Le Burkina Faso en cinq points

Par AFP - mardi 01/12/2015

AFP/AFP - Des militants pro-Kaboré fêtent sa victoire à Ouagadougou le 1er décembre 2015 Roch Marc Christian Kabore has won Burkina Faso's presidential election, official results showed, after a year of …plus  turmoil that saw the west African country's former leader deposed and the military try to seize power  

Le Burkina Faso, où Roch Marc Christian Kaboré a été élu dès le premier tour dimanche pour tourner la page de 27 ans du régime de Blaise Compaoré, est un des pays les plus pauvres du monde.

- Thomas Sankara, éternel héros du Burkina Faso -

Ancienne colonie française, la Haute-Volta accède le 5 août 1960 à l'indépendance. En 1966, un soulèvement populaire renverse le premier président Maurice Yaméogo, avant une succession de sept coups d'Etat militaires.

En 1983, de jeunes officiers révolutionnaires dirigés par Thomas Sankara prennent le pouvoir. Celui-ci change le nom de son pays, qu'il rebaptise Burkina Faso, "pays des hommes intègres".

Sankara va tenter de conduire son pays sur la voie du développement économique, mais sa politique est menée d'une main de fer.

Le 15 octobre 1987, Blaise Compaoré, que des divergences opposent à Thomas Sankara, prend le pouvoir lors d'un coup d'Etat meurtrier : le "père de la révolution" burkinabè est tué ainsi que 12 de ses collaborateurs.

Trente ans après, le culte de celui qu'on surnommait "Che Sankara" est encore entretenu à travers toute l'Afrique, et particulièrement dans son pays.

- 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré

En 1991, Blaise Compaoré rétablit le multipartisme, mettant fin à onze ans de régime militaire.

Il est élu en 1991, puis réélu en 1998. En 2005, il est réélu, pour un mandat présidentiel réduit à cinq ans. L'opposition participe pour la première fois au scrutin. En novembre 2010, Blaise Compaoré est de nouveau réélu, sans surprise, avec plus de 80% des suffrages, pour un second quinquennat.

Entretemps, l'assassinat fin 1998 du journaliste Norbert Zongo alors qu'il enquêtait sur une affaire de meurtre mettant en cause le frère du président avait provoqué une crise politique et sociale sans précédent.

Le 31 octobre 2014, Blaise Compaoré est chassé par la rue pour avoir voulu modifier la Constitution et se maintenir au pouvoir.

- Un des pays les plus pauvres au monde -

Le Burkina Faso, pays essentiellement agricole, est confronté à des crises alimentaires chroniques.

L?or a détrôné en 2009 le coton comme premier produit d'exportation. Les ressources aurifères contribuent pour plus de 12% au PIB. Le pays produit également du sorgho, du maïs et du riz.

Malgré des progrès en matière d'éducation et d'accès à l'eau potable, le Burkina, avec un PIB par habitant de 710 dollars, demeure un des plus pauvres au monde, arrivant au 165e rang sur 184, selon un classement du FMI de 2013.

- Pays enclavé au coeur du Sahel

Pays sahélien sans accès à la mer, le Burkina est frontalier de la Côte d'Ivoire, du Mali, du Niger, du Bénin, du Togo et du Ghana. Sa population s'élevait à 17,42 millions d'habitants en 2014 (Banque mondiale). Une soixantaine d'ethnies dont les Mossi, majoritaires. Les musulmans comptent 60% de la population et les chrétiens 23%.

- Le Fespaco, grand festival du cinéma africain

Fondé en 1969, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), qui se tient tous les deux ans au Burkina Faso, est la plus grande manifestation du septième art africain.

Il a acquis au fil des années une envergure internationale, jusqu'à devenir un lieu de toutes les rencontres du cinéma africain et l'un des rares moments où l'on peut voir les productions du continent.