L'armée du Burkina Faso lance un ultimatum aux putschistes

 


Reuters/Reuters 22 septembre 2015, 12h31  - Soldats de l'armée régulière devant leur camp à Ouagadougou près de manifestants hostiles au coup d'Etat. L'armée du Burkina Faso a enjoint aux militaires putschistes de la garde plus présidentielle de déposer les armes d'ici 10h00 GMT sous peine d'être attaqués. /Photo prise le 22 septembre 2015/REUTERS/Joe Penney

 

OUAGADOUGOU (Reuters) - L'armée du Burkina Faso a enjoint aux militaires putschistes de la garde présidentielle de déposer les armes d'ici 10h00 GMT sous peine d'être attaqués, a déclaré mardi un officier.

Passée l'heure butoir, les soldats loyalistes ont dit se préparer à donner l'assaut sur le camp Naaba, près du palais présidentiel, où se trouvent les putschistes.

Ces derniers contrôlent toujours le palais présidentiel, alors que l'armée tient la plupart des autres points stratégiques de Ouagadougou, rapportent des témoins.

Les putschistes ont par ailleurs libéré le Premier ministre de transition Yacouba Isaac Zida, qui a regagné sa résidence officielle dans la capitale, a dit son aide de camp Boris Nadie.

Des soldats venus de plusieurs bases de province sont entrés lundi soir dans la capitale, Ouagadougou, sans rencontrer de résistance, tandis que leurs chefs entamaient des discussions sur la reddition des 1.200 hommes du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), auteur du coup d'Etat de mercredi dernier.

Le putsch a fait dérailler le délicat processus de transition mis en place après la chute du président Blaise Compaoré en octobre 2014 et qui prévoit la tenue d'élections présidentielle et législatives le 11 octobre.

Le président par intérim Michel Kafando, qui a été arrêté pendant le putsch pour ensuite être placé en résidence surveillée, a trouvé refuge lundi à la résidence de l'ambassadeur de France à Ouagadougou.

Les chefs d'Etat et de gouvernement de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) doivent se rencontrer dans la journée à Abuja, au Nigeria, pour examiner la situation.

Un accord de sortie de crise élaboré dimanche par le Sénégal et le Bénin, qui prévoyait notamment une amnistie pour les putschistes et la possibilité pour les anciens partisans de Blaise Compaoré de se présenter aux élections, a été rejeté par la société civile et l'opposition.

Le chef de la junte, le général Gilbert Diendéré, a publié un communiqué lundi soir dans lequel il annonçait son intention de libérer le Premier ministre Yacouba Isaac Zida et promettait de remettre les clés du pouvoir à un gouvernement provisoire.

"Nous promettrons de travailler à la cohésion de l'armée (et) présentons nos excuses au pays et à la communauté internationale", a-t-il dit à la télévision. On ne sait pas où se trouve l'officier putschiste.

Le président français François Hollande a appelé lundi les auteurs du coup d'Etat à déposer les armes immédiatement et a menacé de sanctions ceux qui s'opposeraient à la tenue d'élections régulières à l'issue du processus de médiation en cours. Il a également annoncé la suspension de l'aide financière et militaire à Ouagadougou jusqu'au rétablissement du gouvernement de transition.

Les présidents du Tchad et du Niger ont également demandé aux hommes du RSP de déposer les armes.

(Nadoun Coulibaly, Mathieu Bonkoungou, Joe Bavier, Joe Penney; Danielle Rouquié et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)

 

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Burkina : « Nous allons trouver une solution entre frères d’armes », assure le chef des putschistes

Propos recueillis par Joan Tilouine - Le Monde.fr

 

Alors que les négociations se poursuivent entre les putschistes du régiment de sécurité présidentielle (RSP) et les responsables militaires restés loyaux à la transition qui ont convergé vers Ouagadougou dans la nuit du 21 au 22 septembre, le général Gilbert Diendéré explique être prêt à tout pour éviter les affrontements. Le chef du RSP, nommé président du Conseil national de la démocratie, l’organe des putschistes, s’est confié dans la matinée de mardi au Monde Afrique.

Où en sont les négociations avec les militaires de l’armée régulière qui ont convergé lundi 21 septembre à Ouagadougou et qui veulent désarmer le RSP ?

Dire qu’ils veulent désarmer le RSP me semble exagéré et injuste. Nous sommes en train de discuter avec les cinq unités venues à Ouagadougou. Ils ont émis des revendications dont je ne peux vous parler pour l’instant. Nous négocions en ce moment même.

Nous allons trouver une solution entre frères d’armes pour éviter l’affrontement qui peut mener au pire. Nous sommes prêts à faire des concessions. Quant à la dissolution du RSP, cela est prévu dans le projet d’accord de la Cédéao [Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest]. Et je respecterai ce projet d’accord. Nous sommes investis et mobilisés pour éviter que des violences explosent. Je suis prêt à tout pour éviter le pire car, pour être sincère, je crains les affrontements.

Quand allez-vous quitter la tête du Conseil national de démocratie ?

Je vais quitter la présidence du Conseil national de la démocratie, je l’ai déjà dit et je maintiens cette position. Je suis clairement disposé à céder la présidence à une personnalité civile qui sera choisie par consensus. Ce n’est pas à moi d’interférer dans ce choix qui revient à la Cédéao et aux personnalités politiques burkinabées.

Condamnez-vous les violences commises par des éléments du régiment de sécurité présidentielle sur les populations. Ont-ils été sanctionnés ?

Il est clair que je déplore les violences et les dérapages inadmissibles de certains éléments du RSP. Car c’est contraire à nos valeurs. Il est difficile, en ces moments de tension, de savoir exactement qui a fait quoi dans mon régiment.

Vous êtes aujourd’hui mis en cause par une partie de la population, et par certains militaires…

Je le sais et je les comprends. Mais un jour, je veux penser qu’ils comprendront mon geste et mes actions, car j’agis pour le bien de la nation. Peut-être que je me trompe, mais l’histoire en jugera.

Regrettez-vous ce coup d’Etat ?

Il y avait une obligation de le faire. Toute la communauté internationale condamne ce coup d’Etat, il y a donc lieu de se poser des questions, de se remettre en question. Mais je continue de croire que c’est un mal nécessaire. L’action n’a pas été violente. La réaction l’a été. Et certains éléments du RSP ont réagi à ces réactions par la violence, ce qui est intolérable. Aujourd’hui, l’essentiel pour moi est d’organiser des élections et de remettre la transition en marche sur de bonnes bases. On me demande souvent ce que je ferai après ces événements. En réalité, je ne suis qu’un détail.