Centrafrique : le chef de la mission de l’ONU, le général Babacar Gaye, renvoyé à la suite des accusations de viols

 

Le Monde.fr avec AFP Le 12.08.2015 à 19h23 • Mis à jour le 13.08.2015 à 07h14

Le diplomate sénégalais Babacar Gaye, 64 ans, qui dirigeait la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (Minusca), a été renvoyé à la suite d’une série d’accusations d’abus sexuels contre des enfants commis par des casques bleus. Il « a remis sa démission à ma demande », a annoncé mercredi 12 août Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU).

« Il m’est impossible de mettre en mot la colère, le tourment et la honte que je ressens après ces accusations récurrentes au fil des années d’exploitation sexuelle et d’abus commis par des forces onusiennes (…). Je ne tolérerai aucun agissement de ceux qui remplacent la confiance par la peur (…). Assez, c’est assez ».

Cette annonce est faite au lendemain de l’ouverture d’une enquête sur des accusations de viol contre une fillette et l’homicide d’un adolescent de 16 ans et de son père qui auraient été commis par des casques bleus au cours d’une opération armée dans la capitale centrafricaine au début d’août.

Au moins cinq personnes, dont un casque bleu, avaient été tuées et des dizaines blessées pendant cette opération qui s’est déroulée les 2 et 3 août, et visait à arrêter un ancien chef de l’ex-rébellion Séléka dans l’enclave musulmane du PK5 à Bangui. La Séléka, à dominante musulmane, avait pris le pouvoir à Bangui en mars 2013, avant d’en être chassée l’année suivante, mais elle y a gardé des sympathisants, notamment dans le quartier du PK5.

Quatorze Français impliqués dans une autre affaire

L’enquête fait suite à plusieurs cas similaires mettant en cause des casques bleus marocain et burundais. Dans une affaire séparée, Paris enquête sur des allégations d’abus sexuels commis par ses soldats sur des enfants en République centrafricaine entre décembre 2013 et juin 2014. Ces accusations visent notamment 14 militaires français qui faisaient partie de l’opération « Sangaris » menée par la France en République centrafricaine et n’étaient pas sous le commandement de l’ONU.

Toutefois, l’ONU a aussi nommé une commission indépendante pour enquêter sur ce cas et plus précisément sur la façon dont les Nations unies ont géré l’affaire, après des critiques pointant du doigt la lenteur de sa réaction sur le dossier.

 

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RCA: le patron de la Minusca renvoyé après les accusations de viols

Par RFI - Publié le 12-08-2015 Modifié le 13-08-2015 à 10:35

 

Des soldats de la Minusca patrouillent à Bangui.AFP PHOTO / Pacome PABANDJI

 

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a annoncé mercredi 12 août que le chef de la mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca) a été renvoyé après plusieurs accusations d'abus sexuels contre des enfants commis par des casques bleus.

A Bangui, l’annonce du renvoi du patron de la mission de l’ONU en Centrafrique ne provoque pas beaucoup de réactions mercredi 12 août au soir. Du côté de la Minusca, le mutisme est total. On refuse de faire un commentaire sur la révocation du chef de la mission onusienne dans le pays. On refuse également de faire un lien avec la récente accusation de viol et d’homicide portée par l’ONG Amnesty International à l’encontre des casques bleus.

Difficile pourtant de voir un autre motif à la démission forcée de Babacar Gaye. Dans son communiqué, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon dit sa colère de voir les rapports d’abus sexuels s’accumuler. Le dernier événement en date remonte à quelques semaines, les 2 et 3 août dernier. Lors d’une opération militaire dans le quartier du PK5, un casque bleu aurait violé une fillette de 12 ans. Le lendemain, des soldats auraient tiré sur deux personnes, un homme de 61 ans et son fils de 16 ans, sans raison apparente, avant de refuser d’emmener les deux blessés à l’hôpital. Ils sont tous les deux décédés.

Ces accusations à l’encontre des soldats de la paix s’accumulent en Centrafrique. Il y a quelques mois, des rapports successifs avaient accusé des soldats de la Minusca d’abuser d’enfants des rues à Bangui. C'est ce qui a coûté la tête du général Babacar Gaye. Peu après son éviction, il confiait : « Il (Ban Ki-moon) a demandé à ce qu’on mette en œuvre ce qu’il a toujours appelé la responsabilité institutionnelle des Nations unies par rapport à ce phénomène et aujourd’hui je suis celui qui incarne cette responsabilité en disant : très bien, j’en prends la responsabilité au nom de l’institution. C’est une question de principe, je suis dans cet état d’esprit, un état d’esprit guidé par le devoir. »

Alors si publiquement personne n'ose encore faire de commentaire, en coulisse, les quelques diplomates interrogés n'hésitent pas à le dire : cette dernière affaire est le scandale de trop. De son côté l'ONG Amnesty International qui est en partie à l'origine de l'évènement, estime que ce limogeage prouve que l'ONU prend aux sérieux les accusations.

Deux enquêtes ouvertes

Une enquête avait déjà été ouverte après l'opération militaire des 2 et 3 août dernier, car un casque bleu ainsi qu'au moins quatre personnes sont décédés dans les évènements. Mais suite aux allégations d'Amnesty International, les investigations risquent d'être accélérées. Une équipe disciplinaire, appuyée notamment par la section des droits de l'homme et par la police de la Minusca, va enquêter sur le terrain pour vérifier les dires de l'ONG. Leur rôle est de vérifier si les procédures qui régissent l'intervention des casques bleus ont bien été respectées. La force onusienne espère pouvoir donner quelques éclaircissements dès le 16 août. C'est du moins ce qu'assure son porte-parole de la force onusienne.

Du côté centrafricain, une enquête préliminaire a été ouverte dès le week-end des événements. Sur le plan pénal, le parquet de Centrafrique n'a aucun pouvoir, car les casques bleus jouissent d'une immunité. Si un ou plusieurs soldats venaient à être pointés du doigt, ce serait alors à leur pays d'origine d'engager ou non des poursuites pénales à son encontre.

Sur le plan civil en revanche, si le parquet estime que les dégâts matériels sont conséquents, il peut attaquer en justice la Minusca. Contacté par téléphone, le ministre de la Justice se réserve le droit de recourir à cette éventualité, mais attend les résultats de l'enquête préliminaire.

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Le chef de l'ONU en Centrafrique limogé

Tanguy Berthemet - lefigaro.fr le 12/08/2015 à 19:50

 

Le général Babacar Gaye en centrafrique

Crédits photo : ISSOUF SANOGO/AFP

Le général Babacar Gaye, responsable de la Mission de l'Onu en Centrafrique, a quitté son poste mardi. Ce départ forcé intervient alors qu'Amnesty international a publié lundi un rapport accusant un casque bleu de viol sur une fillette de 12 ans.

Le chef de la mission des Nations-Unies en Centrafrique (Minusca) a été limogé mardi alors que des accusations de viols sont portées contre des casques bleus. Fait rare, l'Onu a reconnu que le général Babacar Gaye, arrivé à Bangui en 2013, a donné sa démission à la demande de Ban Ki-Moon.

Le départ de l'officier sénégalais intervient au lendemain de la publication d'un rapport par Amnesty international (AI) relatant le viol d'une fillette par un soldat de l'Onu ainsi que les meurtres d'un adolescent de 16 ans et de son père. L'Onu avait immédiatement annoncé l'ouverture d'une enquête, mais cette réaction tardive n'a pas suffi. Les faits rapportés par l'ONG sont en effet très précis et remontent à la nuit du 2 août. La Minusca avait lancé une vaste opération au «PK5», le dernier quartier musulman de la capitale. Au cours des perquisitions effectuées dans des maisons, un soldat aurait abusé d'une jeune fille de 12 ans. «La fillette s'était cachée dans la salle de bains. Un homme portant, semble-t-il, un Casque bleu et un gilet des forces de maintien de la paix des Nations unies l'a emmenée à l'extérieur et violée derrière un camion», raconte AI. L'organisation s'interroge aussi sur la mort de Balla Hadji, 61 ans, et de son fils Souleimane Hadji, 16 ans, tués par balles devant leur maison. «Ils [les Casques bleus] ont tiré sur tout ce qui bougeait», explique un témoin cité par l'ONG.

L'opération au PK5, conduite pour arrêter un dirigeant de la Séléka, la rébellion musulmane, avait été un échec: au moins cinq personnes, dont un Casque bleu camerounais de la Minusca, avaient été tués et des dizaines blessés. Ce fiasco survient dans un contexte lourd. La Minusca doit faire face, comme l'armée française, à plusieurs accusations de viols notamment sur des enfants.

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Revue de presse Afrique

A la Une: le chef de l’ONU en Centrafrique limogé

Par Frédéric Couteau - RFI - Diffusion : jeudi 13 août 2015

 

Le diplomate sénégalais, le général Babacar Gaye, 64 ans, a remis sa démission hier à la demande du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon. Le chef de la Minusca a été renvoyé après une série d’accusations d’abus sexuels contre des enfants commis par des Casques bleus.

« Babacar Gaye, le patron de la Minusma, jette l’éponge », s’exclame Walfadjri. Le quotidien sénégalais note que la démission du patron de la mission de l’Onu en Centrafrique a provoqué la réaction des autorités dakaroises. « Le gouvernement du Sénégal salue le sens du devoir du Général Babacar Gaye », a ainsi affirmé le ministère sénégalais des Affaires étrangères. « M. Gaye a honoré son pays en travaillant au service de la Communauté internationale avec dignité, abnégation et esprit de dépassement, a-t-il poursuivi. Vétéran des opérations onusiennes, rappelle Walfadjri, Babacar Gaye a été sur le terrain, au Liban, en Iraq, en Syrie, en République démocratique du Congo, en Gambie. Il avait été également ambassadeur du Sénégal à Berlin… »

« Il faut dire que l’affaire commençait à devenir bien gênante, commente le quotidien Aujourd’hui à Ouaga, bien gênante pour le distributeur de paix mondial, à savoir l’ONU, tant ses ouailles dans l’ex-Oubangui-Chari prenaient trop de liberté avec les enfants qu’ils étaient pourtant censés aller défendre, en quittant leur pays respectif, pour débarquer sur le sol centrafricain. (…) Il fallait donc agir et sanctionner pour, non seulement l’exemple, mais aussi montrer que les hautes autorités onusiennes ne restaient pas indifférentes à l’avalanche des affaires de viols et d’abus sexuels. On devinait aisément que les grelots allaient tinter sur cette affaire, car les itératifs attouchements coupables de certains soldats onusiens sur des êtres innocents ne pouvaient pas rester impunis. Il y va de la respectabilité de la Maison ONU. »

Trop tard ?

« Après une résistance laborieuse, l’Onu a dû se rendre à l’évidence, renchérit le site d’information guinéen Ledjely.com. Au rythme auquel s’accumulaient les accusations de viols et d’abus sexuels contre les casques bleus déployés en République centrafricaine, une réaction était nécessaire, voire obligatoire. Au risque de cautionner l’infamie. Eh bien, cette réaction a fini par arriver. (…) Seulement, s’interroge Ledejely.com, il est à se demander si une telle décision n’arrive pas trop tard ? En d’autres termes, au-delà du diplomate sénégalais, n’est-ce pas toute l’instance onusienne qui a pris relativement à la légère le scandale de viol et d’abus sexuels sur des enfants centrafricains, dès au début ? N’eut-été notamment l’impertinence salvatrice de notre confrère britannique, The Guardian, qui avait révélé le scandale impliquant des soldats français, aurait-on jamais appris ces pratiques bestiales ? »

En tout cas, « Ban Ki-moon peut bien afficher sa colère et sa gêne. Ce n’est pas ce qui permettra de disculper aussi facilement son institution, estime le site guinéen. Pour que l’organisation en tant que telle, soit lavée des soupçons de complicité ou de tentative d’étouffement du scandale, les enquêtes annoncées doivent être rigoureuses et avec célérité. De même, quand les coupables auront été identifiés, ils devront subir une sanction à la hauteur des pratiques inhumaines qu’ils ont fait subir à ces innocents enfants centrafricains. »

« Pourvu que l’exemple serve, estime également Guinée Conakry Infos. Mais cela ne nous paraît pas évident, car le général pouvait très peu de choses contre les soldats aux braguettes faciles. Leurs activités parallèles sexuelles s’exerçant certainement à l’ombre de tout regard. A notre avis, estime encore Guinée Conakry Infos, le tri doit être plus sévère en amont. Les Nations unies devraient revisiter les conditions de recrutement des soldats, pour plus de rigueur sélective au niveau de chaque pays participant aux missions de paix et de sécurité. Si cela n’est pas fait, l’ONU sera pas à l’abri de ces 'faits divers' qui prennent des proportions médiatiques et politiques énormes, la preuve de la réprobation morale de l’humanité devant ces comportements qui n’honorent ni leurs auteurs, ni la grande organisation qui les emploient. »