Impair, bourde du témoin P547 et les soupçons du juge au procès de Laurent Gbagbo – Blé Goudé

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Nouvel impair au procès de Laurent Gbagbo, la CPI va enquêter

Par Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance) - Le Monde.fr avec AFP le 06.02.2016 à 15h21

 

C’est un nouvel épisode malencontreux dans le procès de l’ancien président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, et de son ministre de la jeunesse Charles Blé Goudé, qui s’est ouvert jeudi 28 janvier à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Les noms de quatre témoins protégés, appelés à témoigner pour le procureur contre MM. Gbagbo et Blé Goudé, ont été révélés par inadvertance au terme des audiences, vendredi 5 février.

Aux alentours de 16 heures, le juge a ordonné le huis clos. Mais le greffe de la cour n’a pas fermé les micros, ce que le procureur ignore alors. Croyant être dans le secret du prétoire, Eric McDonald évoque alors les témoins 9, 10, 11 et 44, et livre leurs identités. Il s’agit de trois anciens généraux des Forces de défense et de sécurité et d’une personnalité politique.

Ironie de l’histoire, dans son intervention, désormais accessible sur Internet, le procureur évoquait la protection des témoins et les fuites sur les réseaux sociaux. Ces quatre témoins sont classés comme des insiders, c’est-à-dire des repentis, censés pouvoir décrire de l’intérieur le fonctionnement du régime de Laurent Gbagbo. Après avoir accepté de coopérer avec le procureur, ils ont été placés sous le programme de protection de la cour.

Samedi, la CPI de La Haye a annoncé que cet incident allait faire « l’objet d’une enquête » , selon une responsable du tribunal, Sonia Robla. C’est la seconde fois depuis le début du procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, le 28 janvier, que le nom de personnes censées être protégées est divulgué. En début de semaine, le premier témoin de ce procès, sur les 138 prévus par le procureur, dévoilait lui-même son identité au cours de son récit.

Crimes contre l’humanité

M. Gbagbo, 70 ans, est le premier ex-président poursuivi par la CPI. Son procès pour crimes contre l’humanité – meurtres, viols, persécutions et actes inhumains – s’est ouvert jeudi 28 janvier et doit durer entre trois et quatre ans. Avec son coaccusé Charles Blé Goudé, 44 ans, ex-chef de milice, il est poursuivi pour son rôle dans la crise née de son refus de céder le pouvoir à Alassane Ouattara, reconnu vainqueur par l’Union européenne, les Etats-Unis et la France de l’élection présidentielle de fin 2010.

Lire aussi : Laurent Gbagbo, un procès crucial pour la Cour pénale internationale

Son jusqu’au-boutisme avait entraîné des violences qui, en cinq mois, avaient fait plus de 3 000 morts, selon l’Organisation des Nations unies. Il avait été arrêté en avril 2011 par les forces pro-Ouattara, appuyées par la France.

La peine maximale encourue devant la CPI est normalement de trente ans d’emprisonnement, mais les juges peuvent prononcer une peine plus lourde s’ils estiment que les crimes commis sont exceptionnellement graves. Laurent Gbagbo, dont la santé est « fragile », selon ses avocats, avait été livré à la CPI en 2011, et Charles Blé Goudé en 2014. Simone Gbagbo, épouse de Laurent, a été condamnée à vingt ans de prison en Côte d’Ivoire pour son rôle dans la crise, en compagnie de 78 autres personnes.

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/02/06/nouvel-impair-au-proces-de-laurent-gbagbo_4860710_3212.html

 

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Procès Gbagbo : la bourde du témoin P547 et les soupçons du juge

Par Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance)  - LE MONDE, le 04.02.2016 à 11h22

Manifestation à Abidjan en marge de la campagne électorale de la présidentielle d'octobre 2015
Manifestation à Abidjan en marge de la campagne électorale de la présidentielle d'octobre 2015. Crédits : Thierry Gouegnon/ REUTERS

« P547 » parle vite, en dioula. Premier témoin appelé à la barre par le procureur dans le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé devant la Cour pénale internationale (CPI), mercredi 3 février, il est l’une des victimes de la répression d’une manifestation aux abords de la radio-télévision ivoirienne à Abidjan, le 16 décembre 2010. Ce jour-là, P547 est touché d’une balle dans la cuisse, puis sévèrement battu par des « soldats commandos » aux ordres d’un membre de la garde républicaine.

Selon l’accusation, la répression aurait fait 45 morts et 54 blessés. P547 est de ceux-là. Et il le raconte à la barre. Mais, par une bizarrerie assez unique dans une cour de justice, la salle d’audience de la CPI n’est pas pleinement accessible à la vue du public. La galerie surplombe la salle d’audience, et la barre des témoins a été placée sous cette galerie. La grande majorité des témoins bénéficie de mesures de protection : pseudonyme, voix distordue, visage couvert d’une mire quadrillée sur les écrans diffusant l’audience dans la galerie publique. Tandis que P547 s’exprime d’une voix tronquée, les carrés s’animent au rythme des gestes du témoin, donnant l’impression de regarder un jeu vidéo.

« J’en ai vu un écrire ! »

Ce mercredi matin, le procureur Eric McDonald enchaîne les questions et P547 raconte qu’alors qu’il est étendu à terre les soldats lui volent son portefeuille et son téléphone portable et lui demandent son nom. Patatras, dans l’élan du récit, le témoin révèle son identité. « Dois-je demander à la chambre une ordonnance de non-divulgation ? », interroge le procureur McDonald. Après quelques secondes de tâtonnement, le juge-président ordonne de ne pas divulguer l’identité de cet homme venu d’Abidjan.

Lire aussi : Laurent Gbagbo, un procès crucial pour la Cour pénale internationale

Les audiences de la cour sont retransmises sur Internet avec un délai de trente minutes, justement pour permettre de parer à de telles situations. La retransmission sera donc amputée dudit passage. Curieusement, le juge Cuno Tarfusser, au lieu d’avertir de la peine encourue en cas de divulgation de l’identité du témoin, lève le regard vers la galerie publique et s’adresse aux gardes de sécurité : « Prenez les noms des journalistes présents ! » Et ajoute : « J’en ai vu un écrire ! » Dans la galerie, une trentaine de personnes sont présentes, dont les fameux journalistes, un groupe d’étudiants, mais aussi une poignée de partisans des deux accusés.

Les risques pris par les témoins sont bien réels, mais les mesures de protection, accordées quasi systématiquement par la cour, soulèvent des questions. Dans d’autres tribunaux internationaux et devant les justices nationales, ce sont généralement les insiders, les repentis révélant les rouages d’une machine criminelle, qui bénéficient d’une protection. Laquelle ne peut jamais être garantie à 100 %, expliquent les experts.

Les mesures prises par la CPI ont montré leurs limites, notamment avec les procédures intentées contre le président kényan Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto. Le procureur d’alors avait dénoncé des faits de corruption et d’intimidation de témoins et poursuit plusieurs Kényans pour « outrage à la justice ». Le système, très coûteux, empêche en outre la cour de rendre une justice publique, alimentant un peu plus les suspicions que nourrissent les partisans des accusés qui comparaissent devant elle.

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/02/04/proces-gbagbo-la-bourde-du-temoin-p547-et-les-soupcons-du-juge_4859285_3212.html

 

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Dans l'ombre du procès Gbagbo à la CPI, l'actuel pouvoir à Abidjan rattrapé par la justice ?

Par Maria Malagardis - 1 février 2016 à 11:02

 

Laurent Gbagbo et son avocat Emmanuel Altit, le 28 janvier, attendent le début du procès devant la Cour pénale internationale de La Haye
Laurent Gbagbo et son avocat Emmanuel Altit, le 28 janvier, attendent le début du procès devant la Cour pénale internationale de La Haye. Photo Peter Dejong.AFP

 

Alors que Laurent Gbagbo est jugé à la Cour pénale internationale à La Haye, celle-ci reste souvent critiquée pour ne pas avoir achevé ses enquêtes sur le camp de l'actuel président Alassane Ouattara. Mais son numéro deux, Guillaume Soro, est désormais dans le collimateur de la justice, à Paris et à Ougadougou.

La parole est à la défense : ce lundi, c’est au tour des avocats de prendre la parole, lors du plus important procès jamais organisé par la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye aux Pays-Bas : celui de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et de son ministre de la jeunesse Charles Blé Goudé, qui a démarré jeudi.

Le procès se concentre sur la crise post-électorale qu’a connue la Côte d’ivoire entre fin 2010 et avril 2011, date à laquelle Gbagbo a été arrêté. Une période qui ne fait toujours pas consensus, une partie des Ivoiriens continuant à considérer que Gbagbo avait bien remporté les élections et que les forces de son challenger Alassane Ouattara, aujourd’hui au pouvoir à Abidjan, se sont, elles aussi, rendues coupables de graves exactions. La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, s’est engagée à enquêter également sur les exactions commises par le camp Ouattara, et affirme même que les investigations sont déjà en cours (lire Libérationdu 27 janvier).

Des déclarations qui laissent sceptiques les fidèles du camp Gbagbo : «Le mandat de la procureure se termine dans cinq ans, en 2021. Il lui a fallu quasiment cinq ans pour aboutir au procès de Laurent Gbagbo. Comment croire qu’elle pourra amorcer un procès visant le camp adverse, au pouvoir à Abidjan, dans un délai similaire ?» souligne sarcastique un proche de l’ancien président ivoirien. Comme un lancinant effet miroir, l’absence de poursuites contre le camp Ouattara va certainement empoisonner de façon récurrente le procès Gbagbo à La Haye, prévu pour durer trois ou quatre ans.

Pourtant en marge de la procédure en cours à la CPI, des nuages inquiétants s’amoncellent sur le camp Ouattara, et plus particulièrement sur l’un des protagonistes de la crise post-électorale : Guillaume Soro, ex-chef rebelle et aujourd’hui président du Parlement à Abidjan. Ce qui en fait de facto le second responsable de l’Etat (en cas de vacance du pouvoir c’est lui qui assure l’intérim).

Fils Gbagbo

L’information est passée quasiment inaperçue, mais Guillaume Soro est aujourd’hui de facto mis en examen par la justice française et risque d’être arrêté, dès qu’il pose le pied sur le sol français. Une situation particulièrement gênante pour le numéro 2 du pouvoir ivoirien, dont la femme vit dans la banlieue parisienne. En cause : précisément son rôle dans certains événements qui ont suivi l’arrestation de Laurent Gbagbo le 11 avril 2011 à Abidjan. Car dans la famille Gbagbo, il y a aussi le fils Michel, 46 ans, arrêté en même temps que son père, violemment molesté et emprisonné au nord de la Côte-d’Ivoire pendant un an, alors qu’il n’a joué aucun rôle politique pendant cette période tragique.

Michel Gbagbo, qui a la nationalité française (sa mère est française) avait porté plainte en France en 2012 «pour traitements inhumains et dégradants» avant même la fin de sa détention. Une plainte, jugée recevable à Paris et qui a conduit la juge d’instruction Sabine Khéris à convoquer Guillaume Soro à plusieurs reprises, sans succès. Après plusieurs reports, elle apprend début décembre que Soro est en France et délivre un mandat d’amener. Mais les policiers ne le trouvent pas à son domicile parisien et dressent un PV de «vaines recherches» (lireLibération du 7 décembre 2015) .

L’affaire frôlera l’incident diplomatique entre Paris et Abidjan, mais conduit surtout à la mise en examen de facto de l’intéressé (selon l’article 134 du code de procédure pénale, même sans notification officielle). Pourtant dans les médias, la thèse d’une «levée du mandat d’amener» s’impose. Et personne n’évoquera la mise en examen de Soro.«On ne peut juridiquement pas lever un mandat d’amener», soupire-t-on au parquet de Paris.

«Voyage privé»

Embarrassées, les autorités ivoiriennes avaient commencé par dévoiler (après la divulgation du mandat d’amener) «un ordre de mission» justifiant la présence de Soro à Paris en décembre (et son immunité) dans le cadre de la COP21. Alors même que Soro lui-même avait affirmé sur Twitter être à Paris «en voyage privé». Mais à l’issue de la période concernée par cet ordre de mission, «sa mise en examen intervient automatiquement», affirme-t-on de source judiciaire.

Les grandes manœuvres ont donc commencé à Abidjan, où l’on a d’abord prétendu n'avoir jamais reçu de commission rogatoire concernant le président de l’Assemblée avant de rétropédaler, lorsque l’ambassade de France sur place a confirmé avoir bien transmis la commission rogatoire aux autorités ivoiriennes. Le 12 janvier, le président Ouattara a viré deux de ses ministres, accusés de ne pas avoir fait leur travail. Invitée depuis à venir entendre Soro à Abidjan, la juge française a pour l’instant décliné, quelque peu échaudée, selon certains, par la campagne au vitriol orchestrée sur place contre l’ingérence de la justice française. Ce qui n’a pas empêché Soro de porter plainte lui aussi en France pour«diffamation», contre Michel Gbagbo.

Mais le malaise à Abidjan est peut-être plus profond encore : la semaine dernière, une fuite orchestrée par Nord Sud, un journal ivoirien connu pour être proche de Soro, affirmait que Hamed Bakayoko, actuel ministre de l’intérieur à Abidjan, était lui aussi visé par une commission rogatoire. Or en réalité, seuls cinq de ses subordonnés sont visés par cette nouvelle commission rogatoire. Laquelle a été délivrée dans le cadre d’une seconde plainte déposée en 2014 par Michel Gbagbo, qui avait été empêché de quitter la Côte-d’Ivoire et détenu pendant 24 heures par la Direction de la sécurité du Territoire (DST), lorsqu’il avait voulu se rendre en France pour rencontrer la juge parisienne.

De notoriété publique, Guillaume Soro et Hamed Bakayoko sont les deux prétendants rivaux à la succession de Ouattara. Leurs relations sont jugées «exécrables» par la presse locale. Est-ce ce qui explique cette étrange intox ? Dans l’immédiat, Bakayoko n’a toujours pas réagi.

Mais pour Soro, les ennuis ne se limitent pas à Paris. Dans le petit pays voisin, le Burkina Faso, la justice militaire a elle aussi très envie de l’entendre et a même lancé un mandat d’arrêt international le concernant. En cause : son rôle dans le coup d’état manqué fomenté en septembre par des ex-membres de la garde présidentielle restés fidèles au président déchu Blaise Compaoré (chassé du pouvoir par une insurrection populaire fin novembre 2014 et réfugié.en Côte d’Ivoire).

Depuis plusieurs mois, des enregistrements clandestins de conversations téléphoniques impliquant Soro circulent, accréditant les soupçons sur son implication dans ce putsch raté. D’ores et déjà l’ex numéro 2 de Compaoré, le général Gilbert Diendéré a été arrêté à Ougadougou.

Depuis l’époque de la rébellion contre le régime de Laurent Gbagbo, Soro est proche de Compaoré et de Diendéré. Il possède même une villa à Ouagadougou, laquelle a été perquisitionnée.

Les policiers y auraient trouvé un étrange trésor : 300 gilets pare-balles et des grenades. Plus récemment, des militaires burkinabés auraient également impliqué Soro, dans une tentative de fournir des grenades lacrymogènes et de l’argent aux insurgés.

Le Président de l’Assemblée ivoirienne avait récemment déclaré qu’aucun ex-rebelle du camp Ouattara n’irait jamais à la CPI. Peut-être. Mais mis en examen à Paris, recherché par Ougadougou, il n’a plus besoin de regarder uniquement vers La Haye.

http://www.liberation.fr/planete/2016/02/01/dans-l-ombre-du-proces-gbagbo-a-la-cpi-l-actuel-pouvoir-a-abidjan-rattrape-par-la-justice_1430249

 

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Procès Gbagbo - Blé Goudé : une accablante révélation sur Fatou Bensouda

Par Olivier Ribouis  02 Février 2016 à 16:45

 

Mme Fatou Bensouda, procureur de la CPI

Une révélation confond Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale (Cpi) dans les procès en cours de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, l’ex-ministre de la jeunesse.

Cité par la procureure comme faisant partie du « plan commun » des deux accusés pour se maintenir au pouvoir par tous les moyens, Stallone Ahoua, un Ivoirien en exil en Colombie a donné sa part de vérité dans un poste sur Facebook où il fait une révélation accablante sur la méthode de Mme Bensouda. L'intéressé affirme avoir été contacté auparavant pour témoigner contre Gbagbo et Blé Goudé. Face à son refus, il a été associé au banc des accusés.

Charles Blé Goudé : Laurent Gbagbo ne mérite pas la prison

« J'ai une seule question à poser à Fatoumata. Pourquoi, alors que je fais partie de ton" fameux plan commun " toi et tes services voulaient que je sois témoin dans l'affaire la Cpi v –contre(Ndlr)- le Président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé, et que vous auriez souhaité m'entendre au Canada avec en sus, les frais de billets, d'hôtel et des journées perdues et mon avocat à votre entière charge? » a écris le sieur Stallone Ahoua, qui informe qu’il a encore les mails échangés avec le cabinet de la procureure Bensouda.