Kenya : que retenir de la visite d’Obama ?

Par Bruno Meyerfeld (correspondant Le Monde Afrique, à Nairobi, au Kenya)

Le Monde.fr Le 27.07.2015 à 14h44

 

Lors de la visite d'Obama au Kenya, le 26 juillet.
Lors de la visite d'Obama au Kenya, le 26 juillet. Crédits : Georgina Goodwin / AFP

Lendemain de carnaval, à Nairobi. Barack Obama s’est envolé pour l’Éthiopie, dimanche 26 juillet, après trois jours de visites dans le pays de son père. Les rues, vidées pendant le week-end par les services de sécurité, se remplissent à nouveau d‘embouteillages, de mendiants, de bruits et d’agitation. Les chauffeurs de motos peuvent ranger leurs drapeaux américains, les bus, changer la fréquence radio vers les stations musicales plutôt que celles d’information. Le retour à la normale est brutal, tranquillisant. Un peu triste aussi. « L’enfant du pays » est reparti.

Le week-end kényan de Barack Obama fut d’abord un triomphe de l’émotion qui a souvent prévalu sur les annonces concrètes. Dimanche 26 juillet, ce sont plus de 5 000 personnes qui se sont déplacées pour venir voir « le fils », « le frère », prononcer un discours au complexe sportif Moi International. « Je suis fier d’être le premier président américain à me rendre au Kenya et bien sûr je suis aussi le premier kényan-américain à devenir président des États-Unis ! », a commencé Barack Obama, soulevant la salle.

Dimanche, pendant quarante minutes, le chef de l’Etat américain a donné un véritable discours programme pour le futur du pays. Il a dénoncé les « mauvaises traditions » de l’Afrique. Parmi elles, on trouve le tribalisme, les violences faites aux femmes, les mariages forcés, les discriminations contre les homosexuels ou les enfants empêchés d’aller à l’école. « Ces usages n’ont pas leur place au XXIe siècle, a insisté Barack Obama. Le Kenya est à la croisée des chemins, dans un moment de péril mais aussi d’immenses promesses. »

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Aujourd’hui, plus besoin pour les jeunes Africains de faire comme son père, Barack Hussein Obama Sr., parti faire ses études aux Etats-Unis : « Grâce aux progrès faits par le Kenya, grâce à votre potentiel, vous pouvez construire votre futur ici même et maintenant ! » Le retour au pays a aussi été l’occasion d’une grande réunion de la famille Obama.

Vendredi soir, dès son arrivée au Kenya, le président américain s’est rendu dans un restaurant, où l’attendaient Mama Sarah, sa grand-mère par alliance de 94 ans, ainsi qu’une trentaine de membres de sa famille, parfois proches (comme Auma Obama, sa demi-sœur, qui l’a accueilli au Kenya il y a 27 ans), mais souvent très éloignés. Une bonne partie du dîner fut consacrée à s’excuser de ne pas être venu plus tôt, et à faire les présentations avec des cousins inconnus du président.

Malgré les tapes sur l’épaule et les quelques regards complices, Barack Obama a aussi marqué sa différence avec le président Uhuru Kenyatta. Lors d’une conférence de presse organisée samedi 25 juillet, il a rappelé son opposition aux discriminations frappant les homosexuels au Kenya. « J’ai été constant à travers toute l’Afrique là-dessus. Quand vous commencez à traiter les gens différemment, non parce qu’ils font du mal aux autres mais parce qu’ils sont différents, vous vous engagez sur un terrain où la liberté s’érode et des événements regrettables se produisent », a estimé Barack Obama.

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Le président s’est également démarqué de son homologue kényan sur la question de la lutte contre le terrorisme et le groupe Chabab, allié à Al-Qaida, et responsable de l’attaque de l’université de Garissa en avril, qui a fait plus de 140 morts, majoritairement étudiants. Le président américain s’est inquiété du sort fait aux Somaliens et aux musulmans vivant au Kenya, victimes de harcèlement de la part de la police. Il a marqué des points sur le sujet de la bonne gouvernance et obtenu d’Uhuru Kenyatta la signature d’un plan en 29 points afin de lutter contre la corruption.

Sur un tout autre sujet, Barack Obama s’est également engagé à restreindre la vente d’ivoire d’éléphants aux États-Unis, bannissant presque totalement leur commerce. Le président américain a cependant aussi mis de l’eau dans son vin. Il n’a ainsi pas pu échapper à la poignée de main avec le vice-président kényan, William Ruto, aux sorties homophobes régulières et poursuivi pour crimes contre l’humanité par la Cour Pénale Internationale pour les violences ethniques qui ont suivi les élections de 2007 et fait plus de 1 300 victimes.

Le retour au pays du père était également un voyage d’affaire. La raison officielle du voyage de Barack Obama était d’ailleurs le Sommet Global de l’Entreprenariat (GES), organisé chaque année par la Maison Blanche, et hébergé cette année par Nairobi. « L’Afrique est en marche », a lancé M.Obama, vantant le dynamisme du Kenya et de sa « Savannah Valley », terre de start-up et d’incubateurs, où 80 % de la population possède un portable.

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Peu d’annonces concrètes ont cependant été faites. Le président américain a notamment douché l’espoir de nombreux Kényans de voir naître sous peu une première ligne aérienne directe Nairobi-Washington. « Il y a des protocoles très spécifiques et des problèmes de sécurité qui doivent être étudiés et résolus », s’est justifié Barack Obama avant d’avouer qu’il n’avait pas de date à donner pour l’ouverture d’une première ligne.

Enfin, Barack Obama a promis de revenir. Mais « la prochaine fois, a-t-il plaisanté, je ne porterai peut-être pas de costume. » La fin de mandat approche pour le président américain, encore en poste jusqu’en 2016. Une chose est sûre : ce retour au pays lui a fait gagner ses galons africains. « Il nous comprend… Il est l’un des nôtres », s’est réjoui dimanche sa demi-sœur, Auma

Bruno Meyerfeldcorrespondant Le Monde Afrique, à Nairobi, au Kenya