Presque la moitié du pays (République Centrafricaine) est menacée de désertification

 

BANGUI, 10 mai 2007 (IPS) - ‘’A l'heure actuelle, presque la moitié de la superficie centrafricaine est menacée de désertification’’, estime Antoine Kémba, consultant en environnement, maître de conférence à l'université de Bangui.

 

Selon certains spécialistes de l'environnement, dont Kémba, les régions du nord, du nord-est et de l'ouest du pays sont les plus menacées par l’avancée du désert.

 

Dans le nord-est de ce pays d’Afrique centrale qui couvre une superficie de 623.000 kilomètres carrés, les signes de désertification sont devenus palpables : les nappes d'eau se sont asséchées, les fissures du sol sont devenues plus visibles, et la production agricole a considérablement baissé à cause de la rareté des pluies.

 

Les préfectures de l'Oham Mpéndé, Ouham et Nana Mambérée, faisant frontière avec le Tchad, dans le nord du pays, jadis réputées pour leurs productions agricoles remarquables, ont connu une baisse de production de l’ordre de 40 pour cent pour l’Ouham et l’Ouham Mpéndé, et 35 pour cent pour Nana Mambéré, au cours des dix dernières années, selon des statistiques fournies par le ministère centrafricain de l’Agriculture.

 

Ailleurs dans le pays, à Birao par exemple, ville du nord-est frontalier avec le Soudan, l’intensité de la sécheresse a déjà fait fuir beaucoup de villageois. Ils sont allés s'installer, pour la plupart d’entre eux, dans les localités voisines de Ouada et Ndélé, au climat plus clément, rapporte René Amadi, instituteur à la retraite, habitant de Birao

 

La région de Birao a toujours été considérée, en Centrafrique, comme une région menacée de désertification avec un faible taux d’occupation par rapport aux autres régions du pays. Les agents de l'Etat qui y sont affectés protestent toujours contre la décision d’affectation à cause des conditions de vie très difficiles.

 

‘’Birao est une localité pratiquement dépourvue d'eau. A cause des longues saisons de sécheresse, les vivres aussi n’y sont plus produits car les conditions climatiques ne sont pas favorables à l’agriculture’’, a indiqué à IPS Amadi.

 

Les problèmes environnementaux de la Centrafrique en général, et la lutte contre la désertification en particulier, figurent en bonne place parmi les priorités de l’Etat centrafricain depuis la grande saison sèche qui a frappé l'ensemble du pays en 1984, déclare à IPS, Gisèle Panaga, directrice en charge de la lutte contre la Désertification au ministère de l'Environnement.

 

En effet, en 1984, la Centrafrique a connu une sécheresse sans précédent qui avait provoqué une grave crise alimentaire dans l’ensemble du pays.

 

Les autorités en charge de l'environnement, conscientes du danger, ont alors élaboré un programme national de lutte contre la désertification adopté en 1991, et révisé en 2002

 

Ce programme préconise une sensibilisation des populations sur l'urgence de protéger la nature, le renforcement des capacités des acteurs de lutte contre la désertification, et la conduite d’études sur les changements climatiques

 

Il préconise, en outre, la formation, d'ici à 2008, d'un millier d'agents de sensibilisation sur la lutte contre la désertification.

 

‘’Ce programme ne peut être efficace que si les moyens financiers sont disponibles. Le gouvernement centrafricain compte sur l'apport des institutions et autres partenaires financiers pour le mettre en application’’, indique à IPS Panaga.

 

Ce soutien, le gouvernement centrafricain l’a, en partie, déjà trouvé sous la forme de la représentation nationale du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui, en 2005, a mis sur pied le projet d'auto évaluation des capacités et besoins institutionnels pour la gestion de l'Environnement en Centrafrique.

 

Ce projet avait pour but d’aider le gouvernement à mettre en œuvre son programme national de lutte contre la désertification qui, malheureusement, n’emporte pas encore l’adhésion de tous les acteurs du domaine.

 

‘’La politique du gouvernement dans le cadre de la lutte contre la désertification est irréaliste car le gouvernement ne dispose pas des moyens financiers et humains adéquats pour la mettre en œuvre’’, confie à IPS, Jacobe Oubélé, président de l'Association nationale pour la protection de la nature (ANPN).

 

De l’avis de Oubélé, les autorités centrafricaines ‘’se contentent d’un programme non réaliste, qui plus est, ne donne aucune possibilité d’action concrète, faute de ressources appropriées’’.

 

Un impératif se pose alors au gouvernement centrafricain, selon Oubélé : former du personnel qualifié sur les questions environnementales. Selon lui, les agents des eaux et forêts, formés peut-être depuis 30 ans, et qui n’ont connu aucun stage de recyclage depuis lors, ne sont plus qualifiés pour faire face aux défis de la désertification. (FIN/2007)

  

Jean Louis Gondamoyen

http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=3638