Des réfugiés mauritaniens au Sénégal inquiets pour leur rapatriement

DAKAR, 25 octobre 2007 (IRIN) - Une association affirmant représenter quelque 30 000 réfugiés mauritaniens au Sénégal a estimé que la récente arrestation de réfugiés en Mauritanie était le signe que le rapatriement programmé de milliers d'autres réfugiés ne devrait pas démarrer tant que leurs droits et leur sécurité n'étaient pas garantis.

Le Collectif des réfugiés mauritaniens pour la solidarité et les solutions durables (CRMSSD) a affirmé que sept réfugiés, retournés en Mauritanie en 1998, avaient été emprisonnés pendant 10 jours à la suite d'un différend foncier dans le village de Ngawlé, dans la région de Trarza, au sud-ouest de la Mauritanie.

Le CRMSSD, qui compte parmi les nombreuses associations représentant au Sénégal les réfugiés mauritaniens, n'est pas membre de la coordination des associations de réfugiés, principale interlocutrice du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Lors d'une conférence de presse, le collectif a prétendu que la police avait emprisonné les protagonistes maures noirs et avait laissé en liberté leurs adversaires maures blancs ; une attitude qui, selon le collectif, révèle le climat de racisme que les autres réfugiés trouveront à leur retour.

« Nous ne pouvons pas accepter que les droits de ces réfugiés, qui ont vécu pendant 18 ans au Sénégal, soient négligés aujourd'hui », a déclaré Amadou Ndiaye, porte-parole du CRMSSD, le 19 octobre. « Nous avons été très patients [.] et nous n'accepterons pas aujourd'hui que nos droits soient bafoués ».

Problème foncier

Quelque 75 000 Mauritaniens noirs avaient été expulsés de Mauritanie en 1989 à la suite d'un incident frontalier qui avait dégénéré en violence intercommunautaire.

« Les problèmes fonciers sont récurrents », a rappelé Ibrahima Mangara, secrétaire général du CRMSSD. « Ils étaient à l'origine des déportations de 1989 ».

La question ayant été ignorée pendant des années par les précédentes administrations, Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, le nouveau président mauritanien élu, a promis au mois de juin de faire du rapatriement de ces réfugiés une des priorités de son gouvernement, et il a demandé officiellement l'assistance du HCR.

La première phase du rapatriement volontaire devrait démarrer en octobre. Le HCR, qui considère la situation comme étant l'une des plus longues crises de réfugiés au monde, a indiqué qu'il n'attendait que la signature de l'accord tripartite entre le Sénégal, la Mauritanie et le HCR pour démarrer les opérations.

Mais le collectif souhaite s'assurer au préalable que cet accord protègera réellement les droits des réfugiés.

« Nous ne voulons pas que le HCR et le gouvernement sénégalais s'empressent de démarrer le rapatriement sans avoir toutes les assurances que le retour en Mauritanie se fera dans le respect des conditions fixées par les associations de réfugiés », notamment en ce qui concerne l'indemnisation et les garanties de sécurité de ces personnes, a insisté M. Mangara.

Des versions contradictoires

Abdellahi Mohamed Mahmoud, gouverneur de la région de Trarza où ont eu lieu les arrestations, a confirmé que cinq femmes et un jeune homme avaient été arrêtés, mais pas pour une affaire liée à un acte de racisme ou au problème foncier qui a divisé les villageois, selon lui.

Par contre, a-t-il expliqué, des agents de police qui s'étaient rendus dans le village pour tenter de régler le contentieux ont été pris à partie par des femmes qui brandissaient des haches et des bâtons. « C'est pour cette raison qu'elles ont été arrêtées », a dit M. Mahmoud. « Cela n'a aucun rapport avec le contentieux foncier ».

Le gouvernement a par ailleurs insisté sur le fait que le droit des réfugiés à leurs terres était une priorité du gouvernement et que « ceux qui rentreraient retrouveraient bien évidemment leurs propriétés ».

M. Mahmoud a également dit à IRIN qu'il avait demandé la libération des personnes emprisonnées, le 20 octobre, parce que la police n'avait pas respecté les procédures lors de leur arrestation.

Pour le CRMSSD, leur libération est plutôt due à la pression médiatique qui a suivi la conférence de presse.

Quant à la Coordination des associations de réfugiés mauritaniens du Sénégal et du Mali, elle a accusé le CRMSSD de chercher à créer une « diversion ».

« Ils veulent remettre en question le [processus] de rapatriement [.] parce qu'ils sont plutôt favorables à une réinstallation dans des pays tiers », a affirmé Moustapha Touré, le porte-parole de la coordination.

Des promesses

Lors d'une rencontre entre le HCR et le CRMSSD, le 20 octobre, l'agence onusienne a promis d'impliquer le collectif dans ses opérations et a assuré les réfugiés que le rapatriement ne démarrerait qu'après la signature de l'accord tripartite.

« Pour la communauté internationale, il est important d'avoir un document juridique qui protége ces personnes », a expliqué à IRIN Francis Kpatindé, porte-parole du HCR pour l'Afrique de l'Ouest. Le HCR a ouvert un bureau de l'autre côté de la frontière, en Mauritanie, et va assister les réfugiés dès leur arrivée.

« Nous n'allons pas les rapatrier et les abandonner ensuite », a poursuivi M. Kpatindé.

Alerté par la présence prématurée de camions le long de la frontière mauritanienne et de bateaux pirogues sur les berges du fleuve Sénégal, prêts à servir pour le rapatriement des réfugiés, le CRMSSD a affirmé qu'il n'était toujours pas satisfait de la situation actuelle.

« Jusqu'à présent, l'accord n'a pas été signé. Il n'y a que des promesses », a dit M. Mangara. « Et à propos de promesses, nous allons voir maintenant si elles vont être tenues ».

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