UN AUTRE BOGANDA (réaction à l'article de

David Koulayom-Masséyo)





La plupart des biographies consacrées à cet éphémère président confinent à des hagiographies. Boganda, écrit David Koulayom-Masséyo, est […] un saint, un messie dans l'imagerie populaire.

Il faudra un jour briser cette imagerie populaire pour débarrasser Boganda du halo de mythe qui l'entoure. Entré dans la légende de son vivant, il était crédité des exploits les plus fantastiques, comme marcher sur l'eau, rappelé par David, mais aussi le pouvoir de chasser un jour les Blancs, tout seul, ou celui de les contraindre à travailler pour son pays. On le voyait poète, maniant la langue de Molière aussi bien, sinon mieux que Senghor. Toutes ces balivernes et bien d'autres fabulations ajoutées à sa disparition tragique ont contribué à asseoir le mythe du personnage. Boganda mort s'est transformé dans l'imaginaire collectif en un héros légendaire. Ses relations avec les Blancs, ses voyages en France et surtout son mariage avec une Blanche constituent ce qu'on pourrait appeler les aventures épiques du président.

Le peuple a tellement cru en lui que sa mort, considérée comme un sacrifice ( encore un terme religieusement connoté ) l'a laissé en déshérence.

Je n'ai pas assisté à la conférence de David. Mais le Boganda que j'ai découvert dans son texte me paraît plus humain, proche des prêtres centrafricains contemporains, plus politicien que celui qu'on a l'habitude de nous servir, formaté à la langue de bois.

Cette tribune signe, me semble-t-il, le début de la démythification du personnage.

Boganda, un saint ! Il me paraît paradoxal de faire d'un prêtre défroqué un saint. L'Eglise catholique ne le voudrait pas. Cela dit, oser écrire que Boganda n'était pas un saint, ne rabaisse nullement le président. Ce constat ne peut choquer que ceux qui ont figé son image, sur un piédestal, pour l'éternité.

Un ami me reprochait dernièrement d'avoir rejeté le genre masculin de « Centrafrique » que Boganda suggère dans les paroles de l'hymne national. Le problème du genre de « Centrafrique » ne se posait pas à l'époque du premier président avec la même acuité qu'il se pose aujourd'hui. Il suffit de consulter les dictionnaires français pour constater qu'ils ne sont pas unanimes sur le genre du nom de notre pays. J'ai proposé une solution médiane, qui ne froisse personne. On peut l'accepter ou la rejeter au nom de l'intangibilité de la parole bogandienne.

Loin de moi l'idée de prendre la tête d'une croisade antiprésident fondateur. Il ne s'agit pas, après l'avoir porté au pinacle, de le descendre en flammes, dans je ne sais quel unanimisme iconoclaste. On ne peut rien contre un mythe. Ou plutôt on ne peut que le dépoussiérer. C'est ce qui se fera, en dépit de l'opposition farouche de ses irréductibles zélateurs.

Boganda était un homme ouvert, à l'esprit critique, un prêtre engagé qui ne se privait pas de critiquer sa hiérarchie, chaque fois que celle-ci lui faisait la morale. Il n'aurait pas condamné d'autres esprits critiques, des Centrafricains qui plus est, ses compatriotes, qui n'ont de lui qu'une connaissance parcellaire et livresque, et qui ne cherchent en définitive qu'à améliorer sa perception dans le pays.



Anatole Gbandi (21/08/2015)

L'article de David Koulayom-Masséyo:"BARTHELEMY GBOGANDA : DE LA LEGENDE A LA CONSTRUCTION D’UN MYTHE (1910-1959)"