Quelle analyse peut-on faire sur  la  résolution du sommet des Chefs d’états de la CEEAC qui a eu lieu à  N’djamena le Jeudi 18 Avril 2013 et   la situation actuelle de la Centrafrique ?…Par Rodrigue Joseph Prudence MAYTE

                                       Trois (3) semaines après le putsch du nouvel homme fort de Bangui, les Chefs d’états de la CEEAC continuent encore de tenir en haleine la population centrafricaine dans toute son entièreté sur les accords issus des pourparlers de Libreville. Il suffit de lire les résolutions du sommet des Chefs d’états de la CEEAC qui a eu lieu le  Jeudi 18 Avril 2013 à Ndjamena pour se rendre compte que ces autorités s’arc-boutent encore sur les accords de Libreville comme étant la solution d’une sortie de crise apaisée en Centrafrique. Ainsi tout le monde s’interroge  sur la viabilité des accords de Libreville en dépit de l’éviction du Président BOZIZE qui était  un acteur clé des pourparlers. A priori, plusieurs analystes s’accordent à dire que les pourparlers de Libreville ont accouché une souris et ils soutiennent leurs  arguments par le fait qu’au sortir des assises de Libreville, les protagonistes ont respectivement  violé les termes de l’accord. D’une part, on constatait la nonchalance de l’ancienne équipe gouvernementale  a appliqué les termes de l’accord et de l’autre côté on assistait à une volonté délibérée de l’actuelle junte à découdre vaille que vaille avec l’ancien régime. Un acte prémédité que les enturbannés ont fini par mettre en exécution le 24 Mars 2013. Actuellement, la Centrafrique traverse une période de transition…La constitution a été dissoute par le Chef de la junte au pouvoir et des  mécanismes  de transition ont été mis en place.

                                Au regard du détricotage de la constitution et des acquis démocratiques par la junte au pouvoir, peut on estimer que les accords de Libreville demeurent viables ? Il n’en demeure pas moins que  les acteurs  principaux des pourparlers de Libreville ne sont plus représentants de leurs entités initiales et leurs rôles ont inversement changé. De facto, l’accord de Libreville a été vidé de sa quintessence et il n’a plus sa raison d’être. L’éviction même de l’ancien locataire du palais de la renaissance  fait une entorse  à l’accord de Libreville et le rend immédiatement caduc. Manifestement, la reconduction de l’actuel premier ministre à son poste n’est  nullement la conséquence logique de  l’esprit des accords de Libreville. A travers cette reconduction du premier ministre, la junte au pouvoir espérait féderer autour d’elle toutes les forces vives de la nation. Cependant, il faut reconnaître que l’évocation de l’ accord de Libreville lors de la reconduction du premier ministre Nicolas TIANGAYE a été  juste un alibi, une stratégie du Chef de la junte au pouvoir pour rassurer l’opinion nationale et internationale de la suite logique du processus. C’est du pipeau…Avec le coup de force du 24 Mars 2013, les accords de Libreville n’existent plus. Néanmoins, pour ressusciter cet accord il faut absolument ramener l’ancien locataire du palais de la renaissance à la table de la négociation. A ce titre plusieurs cas de figure sont envisageables et  les enturbannés n’y sont pas forcément attentifs…Une équation  compliquée  pour  la junte au pouvoir qui réconforte  régulièrement sa position.  On pourrait également se demander pourquoi les accords de Libreville refont curieusement surface  durant ce sommet?

                                        En réalité, plusieurs raisons démonstratives et convaincantes illustrent  ce fourmillement de système. Dans un premier temps, l’avènement de la junte au pouvoir avec ses cortèges de barbaries contribua  à une grande mutation au sein de la population centrafricaine au point d’amener une prise de conscience nationale qui dépasse les clivages, les aspirations partisanes et claniques. Dans un second temps, une vague de contestation due aux dégâts collatéraux de la junte au pouvoir s’organise de façon disparate, spontanée à Bangui et au sein de la diaspora centrafricaine en Afrique, en Europe, en Amérique si bien  que la somme de tous ces cris de cœurs isole davantage les enturbannés et le voisin aux pieds d’argile. Dans un troisième temps, les prétendants à la magistrature suprême de l’état centrafricain s’inquiètent du positionnement politique de la junte au pouvoir et estiment que le nouvel homme fort risque de postuler pour le prochain scrutin de même que tous ceux et celles qui participent à la transition actuelle. C’est dans cette optique que les décideurs de la CEEAC ont balisé le terrain politique centrafricain par l’entremise  de l’accord de Libreville qui doit  durant  toute la transition faire  office de feuille de route.

                                         Déjà, les affres de la vie occasionnées par les enturbannés créent une ghettoïsation au sein de la population. Fort de tout ce qui précède, les lampions éclectiques de la communauté internationale sont braqués  sur les Chefs d’états de la CEEAC afin que le respect des accords de Libreville ne constitue pas un vain mot. Un principe qui n’a plus droit de cité à partir du moment où l’accord de  Libreville a été détricoté par le changement brutal et on assiste aujourd’hui à une  position géographique un peu disparate de certains acteurs des pourparlers. L’incompréhension réside dans le fait que les prétendants à la magistrature suprême ne se soucient pas de l’impasse excessive que les enturbannés affligent au peuple centrafricain mais ils préfèrent arpenter les représentations diplomatiques pour sécuriser seulement leurs ambitions personnelles.  Dans l’absolu, il est prévu un retour à l’ordre constitutionnel en Centrafrique  dans 18 mois. Seulement, il faut admettre qu’il est irréaliste qu’un retour à l’ordre constitutionnel se fasse dans le délai imparti pour la simple raison que les démembrements de l’état n’existent plus dans l’arrière pays. Il n’y a aucune administration qui fonctionne car non seulement les bureaux sont pillés et saccagés mais les fonctionnaires sont également en cavale. Les quelques ponts déjà défectueux qui existaient à l’époque ont été brisés lors de ces événements fâcheux   par les rebelles.

                                         A fortiori, la junte au pouvoir devra réhabiliter les édifices publics et redéployer l’administration centrafricaine dans l’arrière pays. L’état désastreux des différents axes routiers ne facilite pas non plus la tâche et il est aisé d’admettre que la junte au pouvoir doit  en priorité opter pour  la reconstruction nationale en vue de permettre très rapidement le retour à l’ordre constitutionnel. Une tâche qui s’annonce difficile lorsqu’on sait que la Centrafrique est un pays qui fait quasiment le triple de la France avec une structuration régionale de 16 préfectures et 56 sous préfectures. En revanche, la junte au pouvoir doit nécessairement restructurer l’armée nationale. D’ores et déjà, les récentes nominations au sein des forces de défenses nationales sont décriées et l’armée semble spoliée de son orientation républicaine. En outre, il n’y a plus une ambiance bonne enfant entre les militaires républicains et les rebelles…Ils se regardent presque en chiens de faïence. En tout état de cause, le pire reste à venir et il est utopique d’envisager le retour à l’ordre constitutionnel dans le délai imparti.

Rodrigue Joseph Prudence MAYTE