Au secours! Les chrétiens de Centrafrique en danger

 

La romancière Calixthe Beyala dont la mère était centrafricaine tient à mettre en lumière la souffrance des siens depuis le coup d’État

L’arrivée au pouvoir de rebelles musulmans en Centrafrique laissait-elle craindre l’émergence d’une persécution à l’encontre d’un peuple majoritairement chrétien?

Je suis très touchée et bouleversée par la fragilité de la communauté chrétienne en Afrique. Ce sont des gens qui croient beaucoup à la parole du Christ, qui n’ont eu de cesse de prêcher la non-violence et qui n’ont donc jamais appris à se battre. En Centrafrique, leur pacifisme confronté à la brutalité des islamistes laissait craindre une persécution qui est désormais bien présente. L’archevêque de Bangui a d’ailleurs appelé mon petit frère, général là-bas, afin qu’il protège les sœurs de la paroisse, régulièrement molestées par les rebelles.

Calixthe Beyala: Au secours! Les 
chrétiens de Centrafrique en danger

 Mme Calixthe Beyala / © Pana

La République centrafricaine, État laïc, est-elle en passe de devenir islamiste?

Je crains que le rapport de force ne soit en train de changer. Depuis deux semaines et l’auto-proclamation quasiment impériale de Michel Djotodia, il n’y a plus d’État et un vide sécuritaire qui profite aux rebelles. Les gens de Bangui sont effrayés par le contexte actuel. Ils n’ont jamais vu autant de violence ; les rebelles débarquent et dévastent tout sur leur passage ; les biens sont pillés et les institutions détruites, quand ce ne sont pas les chrétiens qui meurent sous leurs coups. D’autre part, les militaires de l’armée régulière sont très surpris: ils s’attendaient à lutter contre des hommes et se retrouvent face à des enfants, parfois d’à peine douze ans, enrôlés de force par les islamistes.


En dépit de ses racines chrétiennes, la France ne s’alarme pas de la situation…

Les intérêts économiques ont pris le dessus sur nos valeurs humanistes. Quand les rebelles combattent pour un idéal idéologique, nous combattons pour de l’argent. Cet argument n’a jamais porté les peuples. En Afrique du Nord, attirée par les matières premières, la France de Nicolas Sarkozy a délogé des pouvoirs en place relativement laïcs, pour les remplacer par des régimes aussi religieux que dangereux pour la liberté de culte. Lorsque l’on renforce ou arme des islamistes, il ne faut pas s’étonner de la gravité de la situation. La France a par exemple choisi d’être amie avec le Qatar, un pays où l’on ne respecte pas le droit des femmes et qui n’a de cesse de financer le terrorisme mondial. Pour des partenariats commerciaux juteux, on met tout le monde en danger ; moi, vous et tous les chrétiens de la planète. Je ne sais pas où va le monde. C’est désolant. 

Par Baudouin de Saxel - bvoltaire.fr - 15/04/2013

 


  

Centrafrique : le chaos l’emporte à Bangui

Par MARIA MALAGARDISLibération, 15 avril 2013 à 23:01

 

Violences . Des combats entre la population et le Séléka au pouvoir ont entraîné une vingtaine de morts.

Tous les voyants sont au rouge en Centrafrique, pays enclavé au cœur de l’Afrique centrale. Hier, les habitants continuaient à fuir l’un des quartiers les plus peuplés de la capitale, Bangui, où des heurts entre les forces du Séléka et les habitants auraient fait au moins vingt morts ce week-end. La cause exacte de ces affrontements reste incertaine : selon le nouveau président, Michel Djotodia, qui s’est exprimé dimanche soir à la radio, ce sont des nostalgiques de l’ancien président François Bozizé (que Djotodia a renversé le 24 mars) qui auraient provoqué les troupes du Séléka.

Indiscipline. Mais, selon des témoignages recueillis sur place par RFI, dans le quartier de Roy-Babé, théâtre de ces dérapages, les habitants se seraient opposés aux pillages en règle du Séléka qui, sous prétexte de récupérer des armes, vidaient les maisons «inspectées». En réalité, depuis le départ du peu regretté Bozizé et la mise en place par les armes d’un nouveau régime «transitoire», les braquages et règlements de comptes n’ont jamais cessé. Du moins dans la capitale, car pour le reste du pays, sans informations fiables et suivies, personne ne sait ce qui s’y passe réellement. La persistance de cette insécurité tient en partie à l’indiscipline des troupes rebelles, mal formées et composées d’un agrégat de mouvements qui voulaient tous déboulonner Bozizé. Mais après ? La victoire est peut-être plus difficile à gérer.

«En réalité, le Séléka est une mosaïque d’où émergent deux grands groupes : les "Tchadiens" soutenus à l’extérieur par N’Djamena, et les "Soudanais", dont Michel Djotodia est la figure de proue», explique un bon connaisseur du dossier. Mais qui est réellement Michel Djotodia, qui s’est emparé du pouvoir par un coup de force autant militaire que politique, en s’imposant sur certains de ses camarades de combat ? Depuis son arrivée au pouvoir, cet ancien diplomate en poste au Darfour s’est quelque peu assagi, acceptant notamment de ne rester en place que le temps d’une transition de dix-huit mois, alors que ses premières déclarations étaient plus ambiguës.

«Charia». Reste que de nombreux Centrafricains redoutent de voir une islamisation rampante du pays. Réalité ou psychose ? Difficile de trancher. Mais le soupçon existe, entretenu par la présence, pour la première fois, d’un musulman au sommet du pouvoir. Mais aussi justifié par les exactions des troupes, qui ont attaqué et pillé plusieurs églises en province pendant leur conquête du pays. Dimanche, des roquettes se sont également abattues sur une église de la capitale, faisant sept morts.

Plus préoccupant, dans un document daté du 12 avril 2012 que Libération s’est procuré, Michel Djotodia affiche des ambitions assez troublantes : s’adressant à l’organisation de la Conférence islamique à Djedda, en Arabie Saoudite, il dénonce la stigmatisation dont ferait l’objet les musulmans en Centrafrique, soutient que «tous les chrétiens sont des menteurs», et dévoile ses intentions : «Si Dieu le veut et que nous arrivons à Bangui, nous allons mettre en place un régime islamique afin d’appliquer la charia», explique celui qui ambitionne alors de «transformer une partie de la Centrafrique, du Tchad et du Darfour en nouvelle République islamiste». Un an après ce texte, Djotodia est bien au pouvoir à Bangui, dans une ambiance aussi confuse qu’inquiétante.

 

 


    

Les nouveaux maîtres de Bangui démentent vouloir islamiser la Centrafrique

 

Accusé par le camp de l'ex-président François Bozizé de vouloir favoriser les musulmans aux dépens des chrétiens, le chef de l'État auto-proclamé, Michel Djotodia, a tenu à réaffirmer les principes de laïcité en Centrafrique.

 

France 24, France 24, Priscille LAFITTE - 30/03/2013

 

"La République centrafricaine est un État laïc […] Je suis musulman, mais je dois servir ma patrie, tous les Centrafricains". Si le président auto-proclamé Michel Djotodia s’est ainsi emparé de la question religieuse vendredi 29 mars, lors de sa conférence de presse, et a tenu à rappeler les principes fondateurs de laïcité de la RCA, c’est que la tension entre chrétiens et musulmans est montée d’un cran depuis la prise de pouvoir des rebelles de la Séléka. 

 

Les religions en RCA :

La République de Centrafrique compte 5 millions d'habitants, dont environ 45% de protestants, 35% de catholiques, 15% de musulmans, majoritairement originaires du nord d'où vient la rébellion, et 5% d'animistes. Ils ont toujours cohabité sans problème majeur. (source AFP)

 

Le nouvel homme fort de Bangui est accusé par l’entourage du président déchu François Bozizé de servir un agenda djihadiste. Deux chefs de la rébellion, Moussa Mohammed Dhaffane et Younous Adim Birema Nourredine, "ont étudié en Arabie saoudite et au Qatar. Ils prônent le wahhabisme à qui veut l'entendre. Ils le prêchent", avait ainsi alerté, en janvier dernier, le ministre de l’Administration territoriale, Josué Binoua,  qui disait craindre une "guerre de religion".

 

L’image de milliers de musulmans scandant "Allah Akbar" lors de l’arrivée de Michel Djotodia à la grande mosquée de la capitale Bangui pour la prière du vendredi a choqué certains chrétiens, d’après le témoignage d’un habitant de Bangui, recueilli par l’AFP.

 

"Dans le sud de ce pays chrétien, ce discours a eu des résonances funestes, d’autant que des membres de la Séléka ont eu la mauvaise idée d’alimenter les peurs et les tensions en s’en prenant à des prêtres ou à des fidèles chrétiens", analyse le journaliste Cyril Bensimon, envoyé spécial de RFI à Bangui.

 

Butin de guerre écoulé par les commerçants musulmans

 

L’archevêque de Bangui, Monseigneur Dieudonné Nzapalainga, témoigne en effet sur RFI que "des hommes et des femmes qui étaient venus prier [à la cathédrale de Bangui] se sont fait piller en sortant de l’église par des gens qui voulaient prendre également leurs véhicules, par la force". Ce haut représentant de l’Église catholique craint une escalade des sentiments anti-religieux de part et d’autre et appelle "les responsables de la Sékéla à éviter la dérive."

La Sékéla est également accusée d’avoir, au long de sa conquête du pays par le Nord, pillé les chrétiens et épargné les musulmans. "Si, dans les villes qu’elle a conquises, la Sékéla s’est souvent appuyée sur des commerçants musulmans, c’est essentiellement pour écouler son butin de guerre vers le Tchad et le Soudan", explique Cyril Bensimon.

 

Bozizé, pasteur de l’Église du christianisme céleste-Nouvelle Jérusalem

 

Ces actions à l’encontre des chrétiens font écho aux violences anti-musulmanes qui ont été signalées depuis décembre dernier, début de l’avancée des rebelles depuis le Nord. Les comités d’auto-défense des partisans du président Bozizé, qui avaient érigé des barrières en ville pendant la crise, s’en sont régulièrement pris aux musulmans banguissois, les assimilant aux rebelles, rapporte l’AFP.

Si l’islamisme trouve un certain écho en Centrafrique, rapporte le chercheur catholique Richard Filakota et cherche à se rallier les jeunes, la mouvance évangélique prospère également. L’ancien président François Bozizé est lui-même membre de l’Église du christianisme céleste-Nouvelle Jérusalem et ancien pasteur de cette mouvance, dont il a fondé la branche centrafricaine.

 

Le Nord du pays, zone d’incertitude

 

Il serait erroné de transposer la concurrence entre ces deux mouvances religieuses sur le terrain politique, s’accordent toutefois à affirmer les représentations des religions à Bangui, qui rappellent que le début de la crise est politique, et non religieuse. "Je demande aux musulmans de ne pas dire ‘Aujourd’hui c’est notre tour’, déclare à l’AFP l’imam Oumar Kobline Layame, président de la communauté islamique de Centrafrique. Il ne faut pas casser cette cohabitation que nous avons depuis plus de 50 ans."

 

De plus, les chefs de la Séléka n’ont rien des fondamentalistes à longue barbe, rapporte Cyril Bensimon. Nombreux sont les combattants qui ne rechignent pas à boire une bière." L’élément qui laisse clairement penser que Michel Djotodia n’est pas un intégriste : il a maintenu à son poste le chrétien Nicolas Tiangaye au poste de Premier ministre, analyse le correspondant de RFI à Bangui.

 

L’islam de la Séléka inquiète peu les experts militaires et diplomates de la Centrafrique, qui se disent davantage préoccupés par le vide sécuritaire dans le nord du pays. Incontrôlée, cette zone pourrait devenir une terre de refuge pour les islamistes radicaux traqués au Mali ou les Nigérians de Boko Haram.

 

 


 

- CENTRAFRIQUE : LA PESTE CHASSANT LE CHOLERA, par Marcel Diki-Kidiri

- Centrafrique : pays laïque OU TENTATION D’un SYSTEME religieux CHRETIEN ou ISLAMISTE ?