La Cour constitutionnelle centrafricaine s’anoblit !

 

Le Vendredi 5 juin 2020, la Cour constitutionnelle a émis un avis défavorable au projet de modification de la loi fondamentale, projet porté par une majorité de députés et validé par le gouvernement réuni en conseil des ministres.

 

1 – La victoire du droit et de la raison d’État.

Cette décision de la Cour est historique, en ce qu'elle consacre l'indépendance de cette institution d'une part et, d'autre part, parce qu'elle s'appuie uniquement sur des éléments de droit. Les attendus qui motivent l'avis émis par les juges constitutionnels.

Cette décision consacre la victoire du droit, mais surtout la probité et l'intelligence de la présidente de la Cour. Madame Danièle Darlan n'est pas seulement une grande spécialiste du droit constitutionnel (1), elle se révèle aussi une femme de tête et de caractère, ayant bravé les pressions et menaces qui lui ont valu ces dernières semaines une protection policière.

Sous sa conduite, la Cour constitutionnelle s'est anoblie.

 

2 – Pour un remaniement ministériel.

Parallèlement, l'avis défavorable de la cour est un désaveu cinglant pour les juristes du soir et les docteurs « sur le tas » qui ont conduit le pouvoir dans cette impasse. Il appartient désormais au président de la République de tirer les conséquences politiques de cette décision.

A priori, il ne peut pas dissoudre l'assemblée nationales dans les conditions actuelles, n'ayant pas les moyens d'organiser des élections législatives dans les délais requis (2).

Il peut cependant recueillir la démission du premier ministre et de son gouvernement, mis à mal et délégitimés dans cette occurrence, pour avoir validé la démarche de la majorité parlementaire.

Seul un remaniement permettra au président Touadéra de sortir par le haut, en créant, non pas un gouvernement de large ouverture ou d'union nationale, mais un gouvernement de rassemblement : il s'agit d'appeler aux affaires des hommes et des femmes intègres et compétents, débarrassés des scories partisanes, pour conduire le pays vers des élections libres, crédibles et transparentes, en redonnant confiance aux citoyens.

Seul un tel remaniement permettra :

-        de retrouver la légitimité indispensable pour conduire le processus électoral en cours et le dialogue consensuel prôné par la Cour constitutionnelle dans son arrêt ;

-        de renouveler une équipe affaiblie par la présence de plusieurs ministres affaiblis par le Covid-19, qui doivent se reconstruire physiquement et psychologiquement (3) ;

-        de se séparer des chefs de départements ministériels indexés par le rapport annuel de la Haute autorité chargée de la bonne gouvernance (HACBG), pour des cas de détournements de fonds publics (Défense), de trafics d'influence (passeports diplomatiques), de corruption (permis d'exploration diamantifère dans l'Ouham), etc.

 

Paris, le 6 juin 2020

 

Prosper INDO

Économiste, Consultant international.

 

(1)   – Danièle Darlan : L'évolution constitutionnelle et juridictionnelle de la République centrafricaine à travers les textes. Éditions L'Harmattan, 174 p, Paris.

(2)   - Ceci n'exclut pas que le bureau de l'assemblée nationale revisite son règlement intérieur afin de promouvoir le secret des votes au sein de l'hémicycle, prohiber l'achat des votes, etc. Il est par ailleurs inadmissible que le président de l'assemblée nationale puisse prétendre à un salaire mensuel de 7 millions de francs CFA, soit deux fois le traitement mensuel du président de la République française.

(3)   - Les conséquences de cette pandémie ne sont pas anodines sur ceux qui en sont atteints.