La Présidentielle 2020 en Centrafrique ; Chausse-Trappe ou quête de rédemption populaire !

Gervais Douba

Enseignant en Sciences de gestion

 (Université de Rouen)

 La Présidentielle 2020 en Centrafrique se signale à la fois singulière et insolite pour un pays au niveau de conflictualité élevé : D’une part les retours de Bozizé et Djotodia ont été salués comme un triomphe de la démocratie alors qu’il s’agissait des retours des criminels sur le lieu du crime. D’autre part ces retours sont symptomatiques de la vacuité de canon politique favorable aux intérêts des populations.

L’étendue et la profondeur de la vacuité idéologique de l’Etat face à la férocité des changements du monde appelle une profonde analyse du phénomène plutôt que de l’évènement qui s’annonce. Elle soulève à la fois étonnement et indignation pour peu que l’on adopte une démarche archéologique pour déraciner les mœurs et pratiques politiques en Centrafrique ; l’archéologie parce qu’il y a eu fossilisation. De l’histoire coloniale en passant par celle de la décolonisation et de la mondialisation néocoloniale, la culture politique en Centrafrique semble manquer de colonne vertébrale et n’est enracinée nulle part. Elle n’a ni digue ni rempart face aux excès de violences, aux déflagrations et aux conflagrations que, de connivence avec des puissances occultes, cette culture ne cesse d’infliger aux populations dépossédées du point de vue de leur personnalité et spécificités et démunies au sens instrument de défense face à l’ennemi.

La Présidentielle 2020 est particulièrement le bal des vampires de la pire espèce ; les retours des charognards. Au lieu de l’appréhender comme un évènement évanescent, c’est à un des versants d’un phénomène d’envergure auquel on assiste. A l’aune de ce prisme, une analyse objective et approfondie, sans impolitesse ni insulte s’impose tant du point de vue de sa conception que de sa construction, pour bien mettre en évidence les enjeux. A l’aube de cette importante consultation, se contenter des approximations du genre « mascarade » aurait des apparences des « starlettes » d’amphithéâtre. Osons un vrai diagnostic : Pourquoi un Bozizé ou un Djotodia reviendraient-ils sur les lieux de leurs forfaits sans rien redouter et, de surcroit solliciter le suffrage de ceux-là mêmes, dont le stigmate de leurs crimes continue de hanter les esprits. Le pays- qu’ils ont transformé en sanctuaire des entités chaotiques ingouvernables- doit-il rejouer le syndrome de Stockholm ! Quand Bozize soutient dans l’interview qu’il a accordée à une chaine de TV africaine « que rien ne fait obstacle à ce qu’il soit candidat à la Présidentielle », c’est faire mentir l’adage selon lequel « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Assistons-nous à une représentation théâtrale de la scène de « rédemption ou d’autoamnistie »

A un moment où la stabilité politique et l’harmonie sociales sont mises à mal de façon cyclique, ne gagnerait-on pas à diagnostiquer – à l’instar des archéologues - toute l’architecture de cette culture politique, qui égorge comme on tue des animaux à l’abattoir [assassinat d’une rare cruauté du Colonel Charles Massy].

Les retours des triomphateurs de ceux, qui ont érigé le massacre de masse en doctrine politique et dont les régimes respectifs ont fait de l’Etat en Centrafrique, un Etat, ayant institué la dévalorisation, l’avilissement et l’humiliation de ses propres forces armées, l’Etat, qui détruit et ne répare jamais les préjudices qu’il inflige.

 Comme dans la Rome antique qui accueille les vaillants guerriers, les Centrafricains s’accorderaient à considérer que « l’intégrité » serait une vertu politique. Deux hommes politiques auraient été reconnus comme des hommes « intègres ». Tous deux ont été « Premier- Ministre ». L’un des deux est aujourd’hui le Chef de l’Etat. Tant mieux pour eux.

Mon propos n’est nullement d’en vouloir aux virtuoses de l’histoire politique de l’Etat en Centrafrique de 2013 à 2020. A l’occasion de cette Présidentielle, je crois qu’il faut oser transgresser l’analyse des mœurs et pratiques politiques en Centrafrique. Ce sont ces mœurs et pratiques politiques périmées, obsolètes qui ont rendu tourbeux le territoire. Le pays s’est rapidement enflammé, les liens familiaux partis en fumée, non  parce que l’incendie est venu de l’extérieur surprendre, mais parce que le pays reposait sur un volcan en sommeil, que les mœurs et pratiques politiques ont réveillé.

Dès lors, j’ai cherché une boussole conceptuelle pour un diagnostic pertinent des symptômes du phénomène et j’en ai trouvé une : l’analyse des liens entre système politique et régime politique de Montesquieu. Rassurez-vous, je ne me livre pas ici à un cours de droit constitutionnel sur la séparation des pouvoirs. Néanmoins je vais m’inspirer de Montesquieu ; l’inégalé en la matière et dont on peut relever dans le traité qu’une autorité a toujours tendance à abuser de ses pouvoirs ([1]) : « C’est une expérience éternelle - notait-il que tout homme, qui a du pouvoir est porté à en abuser : il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites […], il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

A la veille de la Présidentielle, qui s’annonce, je vous propose de vous appareiller de lampe-torche d’explorateur et d’aller observer puis explorer avec moi les méandres et interstices des mœurs et pratiques politiques ; bref de notre la culture politique, pour identifier d’une part les racines profondes des insuffisances de nos pratiques ; génératrices de paralysie et de sclérose de l’Etat et d’autre part de mettre en évidence les rapports entre le système politique et le régime politique ; fabrique de notre incurable pathologie. Il est évident que je m’inspirerai du corpus analytique de Montesquieu sans faire une transplantation servile.

Cette invitation au travail de diagnostic va de soi pour nourrir les conversations dans les chaumières, les « Ngandas » et autres lieux de réjouissance populaire étant donné les enjeux ; les campagnes pour la Présidentielle ont déjà commencé, certains protagonistes font la reconnaissance du terrain. Le but de ce travail de diagnostic va consister à séparer ce que c’est qu’un système politique d’un régime politique ; même si cela confine à distinguer l’origine de la poule et de l’œuf. Faire un tel toilettage a un triple intérêt :

1)  Identifier le système rend lisible la racine de la constitution et le positionnement politique et géostratégique du pays par rapport au reste du monde. Loin d’entretenir une polémique sémantique stérile, un régime émane d’un système et non le contraire et affiche clairement un canon ; un corpus idéologique.

2)  Le second intérêt de la distinction est de reconnaître qu’il est facile de casser le régime sans casser le système. Le système est l’ensemble, qui fait la bâtisse : architecture, armature, murs et toiture.   

3)  Quant au troisième intérêt de la distinction, c’est la problématique que soulève l’interdépendance entre le système et le régime.

Dès lors, une première question nous taraude : Etat en Centrafrique a-t-il vocation à ne demeurer qu’une charogne pour les régimes ou, le mal, qui le gangrène, plonge-t-il sa racine dans l’esprit, l’âme et le corps du système ?  Pourquoi, à la lumière des mœurs et pratiques politiques, ce sont les régimes, qui font et défont l’Etat, avec les connivences et les coalitions ; pour ne pas dire les collusions de toutes sortes.

A l’exception de ceux qui font la course au pouvoir tout en sachant qu’ils sont dépourvus de corpus idéologique, interrogeons-nous de savoir pourquoi cet ancien Territoire de l’Oubangui-Chari s’est installé dans l’abdication permanente. Interrogeons-nous de savoir, jusqu’à quelle génération perdurera cette situation de sidération notamment pour ceux, qui ont toujours été absents du projet politique des Bozizé, Djotodia, Cathérine Samba-Panza, Touadera et les autres apôtres ! Pour amener le Centrafrique sur le chemin de la transformation, faut-il se contenter de changer le régime sans changer le système ou faire le contraire ? Faut-il colmater le système politique - le Centrafrique est coutumier de la sémantique « badigeonner » et « ravalement des façades » chaque année à l’approche de la fête nationale - ou mettre en chantier les éléments de métamorphose du système politique !

Que retrouve-t-on dans l’esprit, l’âme et le corps du système totalitaire sinon la tyrannie ; chanteuse d’une démocratie sans pacte social et Républicain. A quelques encablures du premier centenaire des indépendances nominales ; le 13 Août 2060, le système politique en Centrafrique ne semble interpeller personne et même les partis politiques de l’après Discours de la Baule de Juin 1990 sont loin de passer d’interpellant à interpellés, d’inventer un pacte pour la Transition. Ils se sont installés et se battent, en vue davantage de continuité que de changement. Le déclassement international du pays le laisse de marbre. Et pourtant le caractère non inclusif du système politique est le corollaire des choix politiques hasardeuses, autoritaristes et tyrannisant.   

I)            Mœurs et pratiques politiques ; système par nature totalitaire et tyrannisant.

« Traitez les gens comme s’ils étaient ce qu’ils pourraient-être, et vous les aiderez à devenir ce qu’ils sont capables d’être » John Wolfgang Goeth

Je rêve de voir cette réflexion, venir renforcer l’armoirie de la République… Elle laisse entrevoir l’attente de l’ensemble des populations et territoires du Centrafrique depuis l’accession aux indépendances nominales, les coups d’Etat successifs, les  périodes dites de Transition et les CNT successifs !

 C’est le cri de faim et de soif que ces populations et territoires lancent aux assoiffés de pouvoir, aux organisations se réclamant de la société civile, aux partis politiques, qui ne connaissent ni l’usure ni la date de péremption ni d’obsolescence programmée- mais que personne n’a jamais voulu entendre et interprété.

La marque de fabrique des mœurs et pratiques politiques de l’Etat, depuis l’ère coloniale- est la vacuité de canon idéologique dans ses rapport avec le reste du monde et la Communauté « dite internationale ». En revanche au niveau intérieur, des tornades de violences politiques ne cessent de s’abattre sur une population désarmée, démunie et déjantée. Volontairement ou involontairement, l’Etat a toujours participé insidieusement au détricotage minutieux du lien entre les collectivités territoriales tout en pervertissant et en falsifiant la mémoire de l’histoire de ce peuple. Cet entrelacement de phénomènes, ce faisceau de mœurs et pratiques- que j’appelle système- pour son esprit, son âme et le corps qui l’abrite ; c’est-à-dire la logique d’appui.

En tant qu’éléments organisés et en interactions complexes en vue d’une finalité et dans environnement supposé changeant, le système politique en Centrafrique a la particularité d’avoir conçu et construit un environnement qu’il a figé, qu’il a paralysé par autoritarisme. L’ethnie et la tribu ou timidement le régionalisme ne sont que des variables de l’autoritarisme. Le sens et les valeurs d’émancipation n'ont jamais existé au regard du pouvoir autoritariste.    Un pouvoir autoritariste use et abuse du pouvoir politique pour tout confisquer et tout mettre sous son emprise :

1)  Les humains ne sont à ses yeux davantage des objets de protection, que des sujets de droits, dont le droit à la protection qu’induit la mission régalienne de l’Etat. A cet égard, sa tribu et son ethnie ne sont utiles qu’à des fins d’instrumentalisation et de propagande et lui-même se considère « messie » ou « rédempteur ». Ce n’est pas une révélation que de faire remarquer que le système politique autoritariste s’approprie le peuple comme on s’approprie un objet et récuse toute possibilité d’une opposition légitime sauf en cas de Convention de satrapie. Si vous observer le climat politique en Centrafrique, il est permis de récuser plutôt que de réfuter.  

2)  Le système autoritariste aggrave la falsification de l’histoire et s’appuie de façon systémique sur l’amnésie généralisée des organes politiques : ceux qui sont cooptés et ceux dont la vocation est de parodier. Ainsi il y a autour du détenteur du pouvoir deux à trois cercles : ceux qui ont participé à la conquête du pouvoir (la baronnie du premier cercle), ceux, qui par leur technicité aident à l’exercice du pouvoir (l’oligarchie civile) et ceux, qui aident à conserver le pouvoir le plus longtemps (les Castes ; seigneurs de guerre du Département de la sécurité présidentielle). L’ensemble des trois cercles permettent de pérenniser le système totalitaire des irremplaçables de l’aristocratie. L’aristocratie a toujours planer dans les mœurs et pratiques politiques ; ce qu’on disait naguère « Mouzou vouko » et que Frantz Fanon appelait « Peau noire, masques blancs » ([2])  

Le credo du système autoritariste est l’absence de référentiel et la vacuité abyssale de corpus idéologique. En Centrafrique, la culture politique est tramée d’improvisation, d’exaltation, d’escroquerie politique et de charlatanisme politique. Le vide idéologique à laquelle je fais allusion tient à cet esprit davantage construit sur la récusation que sur la réfutation. Quant à l’escroquerie, il ne s’agit point de forfaiture mais de préconisation à l’emporte- pièce et des prises de position sans référentiel ni référence. Ce credo concourt à faire de l’univers politique un domaine où tout est approximatif et réducteur. Les partis politiques naissent de terre comme des champignons et tout le monde croit qu’il sait faire de la politique.     

3)      Quant au schéma national d’aménagement du territoire il n’existe même pas. L’enclavement intérieur est plus sévère que l’enclavement géopolitique : pas de voies de communication entre les collectivités territoriales avec tout ce que cela induit.  

A ce sujet, ce qui suscite la curiosité de certains mais devrait engendrer la transgression des Centrafricains mais qui ne l’est pas, est la question du développement rural. Le système politique n’a jamais réussi à indiquer de quel développement il s’agissait ? Développement culturel : économique allant, du macro aux mésos puis aux micro-actions ? Depuis toujours le développement rural est une vaste escroquerie entretenue par le système : pas d’objectif, pas de contenu précis, concept vide et confusion entre concept et slogan pour mobiliser les populations démunies et vulnérables à des fins de vénérations sirupeuses.

L’esprit du système politique autoritariste contrôle le pays dans toutes les dimensions et particulièrement les accès aux ressources financières. Les retours de Bozizé et Djotodia, que certains veulent marquant de légende, sont en réalité des morceaux choisis d’apologie de massacres de masse., afin de continuer à maintenir la population sous la tyrannie du statu quo.

Le changement de mentalité que certains « Oubanguinologues » considèrent comme la seule voie d’alternative susceptible d’irriguer le pays de valeurs et principes d’émancipation ne viendra ni de miracle ni de mirage mais par le déracinement de l’esprit du système politique. Il ouvrira la voie à l’ère post-colonial et permettra de mettre les populations et les collectivités territoriales en capacité de se reconnaître dans un dessein commun pour relever les défis des décennies à venir. La plus virulente des menaces de sécession ou de partition de l’intégrité  du territoire que d’aucuns redoutent et qui entrave déjà la balbutiante démocratie- se cache dans les gênes du système politique

II)        Confusion entre système et régime ; le péché originel.

   « Avec l’argent, on peut rendre la vue à un aveugle » Proverbe de la Mafia Napolitaine

Par nature un régime est un système, qui permet d’établir et de réguler  le fonctionnement de quelque chose. A ce titre il est l’ensemble des institutions et des lois, qui permettent l’organisation de l’Etat et l’exercice des différents pouvoirs. Par le biais du régime politique, on détermine les moyens d’accès au gouvernement et la manière dont les autorités peuvent faire usage de leurs prérogatives.

En matière de régime politique, le contexte Centrafricain a la spécificité d’être  tout en même ; une sorte de situation hybride. A l’image du système, le régime est totalitaire et est bicéphale. Il y a la tête « oligarchique » c’est-à-dire que le pouvoir suprême de l’Etat n’est exercé que par un petit groupe, une poignée de personnes appartenant à la même classe sociale. L’oligarchie tire sa force de la religion de la coercition et de l’injonction aveugle de sa police et, de la propagande ; redoutable instrument de pression et d’asservissement de la population. Il y a ensuite la tête « aristocratique ». Ce qui fait de l’Oubangui, le fleuve le plus infesté de crocodiles.

Pour avoir trempé dans le système en tant que second couteau ou avoir conquis le pouvoir au prix de la vie de nombreux innocents, la Présidentielle en vue est pour ces barons, oligarques et castes d’irremplaçables « moutons à cinq pattes »  l’occasion de tout entreprendre pour parvenir à construire leur régime à eux. 

Le péché originel de notre corpus politique jusqu’à ce jour est la confusion entre système et régime. Est-il nécessaire de dire, prosaïquement, que le régime est le parasite du système, il s’engraisse du sang et de l’inspiration du système et parfois- comme toute plante parasite - finit par le supplanter, par se substituer à lui.

Les régimes politiques que notre système a générés se caractérisent par la forme particulière de gouvernement, les manières étonnantes et déroutantes d’exercer le pouvoir. De Dacko ; père du parti unique à Touadéra ; le transfuge de KNK et fondateur du MCU, analyser ces régimes politiques ne se réduit pas à s’arrêter sur l’organisation technique du gouvernement : il faut aller au-delà, chercher à mettre en évidence les valeurs et principes, la doctrine du pouvoir, l’idéologie qui l’inspire, qui en est le moteur et le carburant.

Si le système est la ressource commune ; le plus petit dénominateur commun à tous les régimes. Les régimes, qui vont puiser la même eau à cette même source, ne font pas tous la même sauce. Bozizé et Djotodia ont en commun d’incarner l’empilement d’oxymore : être tortionnaire et se présenter à des élections démocratiques, ou être notoirement et ostensiblement autocrate et prétendre se présenter aux élections démocratiques en ayant pour électeurs ; ceux- là mêmes auxquels on a fait subir les pires des sévices que l’humanité ait connus. C’est Bozizé et Djotodia les géniteurs des « bienfaiteurs ; la matière première de Séléka » et les « fournisseurs d’armes des « antibalaka », de l’humiliation du CNT par le Président du Tchad et le surgissement de nulle part ; Mme Cathérine-Samba-Panza en qualité de Présidente de Transition de la République. Le déficit idéologique du système politique et des régimes politiques ont fait exploser le pays. Le système politique et l’anomie de régime politique ont privé l’Etat de l’intelligence des choses.

De qui veulent se moquer Bozizé et Djotodia. On ne va quand-même pas - au nom de je ne sais quels principes démocratiques- réintroduire les égorgeurs de moutons dans la bergerie ! A moins qu’on soit tous des moutons de Panurge pour certains ou des chiens de Pavlov, pour d’autres. Evitons d’être la risée de la communauté internationale en faisant- comme on le dit en Occident- « des dindes qui votent pour Noël ».

Ils ont en commun également d’avoir fait germer et bien ancrer en terre Centrafricaine deux phénomènes, qu’il faut des générations et des générations se dotant d’audace et d’instruments et de stratégies de démocratie pour les dessoucher :

· La graine de l’auto/proclamation. Ce sont eux ; les incubateurs de l’auto/proclamation.

· L’exploitation quasi-proverbiale du déni des valeurs humaines

         L’Etat en Centrafrique a connu 8 Présidents depuis les indépendances en droit ; 9 si l’on cite David Dacko 2 fois.

Restons dans le registre de diagnostic : la frontière entre système et régime politique est aussi cacophonique qu’inexistante. L’effondrement de l’un entraîne inévitablement celui de l’autre. Quand on questionne l’un, l’autre est  mécaniquement remise en question : les partis politiques se comportent comme des organisations de la société civile  et n’ont d’implantation que dans la Capitale.

Poursuivant dans le diagnostic, chacun des huit régimes politiques qui se sont succédé ont en commun d’ériger des comptoirs de diamant, des confondre le trésor public avec leur argent de poche : sur l’ensemble du territoire le foncier leur appartient. Ils ont dans chacun de ces domaines leurs VRP et leurs réseaux de concessionnaires de pierre précieuse.

Il y a une telle prolifération de régimes d’exception en Centrafrique, que le mot régime politique résiste à toute définition. Le régime qui devrait être la boîte à outils des instruments de conduite à terne d’un Etat ou d’une démocratie en voie de gestation est érigé par le système en une véritable poudrière, pour ne pas dire une usine à gaz. L’un dévoie, dénature l’autre et l’un et l’autre se pervertissent mutuellement.

Il nous faut un corpus de doctrine visant à mettre le pays ; les hommes et les collectivités territoriales en capacité de relever les défis des années à venir. C’est à l’aune de cette doctrine qu’il faut jauger les programmes des candidats.

A quel canon idéologique l’Etat et les organisations politiques actuels se réfèrent-ils pour rebâtir les Forces armées Centrafricaines et les FSI (Forces de Sécurité Intérieure). Dépourvu de ligne politique, économique et sociale fiable et crédible on assiste depuis 2016 à la multiplication de sous-traitance du pays aux clusters d’ONG et d’autres œuvres philanthropiques aussi bien laïque que religieuse. La démocratie se réduit-elle à convoquer le corps électoral une fois tous les cinq ans ? Suffit-il de « panser » les blessures infligées aux intérêts humains et territoriaux ou faut-il « penser » le pays à court, moyen et long terme, tout en « pansant » les blessures ! Quelle est la doctrine de la Défense nationale afin d’éviter qu’à l’avenir l’armée ne soit la supplétive des forces de sécurité après le retrait de la MINUSCA ? Et la protection des intérêts de la génération future, où en est-on de son éducation, de sa formation aux différents qualifications professionnelles et surtout de son ouverture au monde ?    

Et les partis dits d’opposition, quel canon idéologique structure la colonne vertébrale de leur organisation ? Qu’est-ce qui fait leur différence : aller coûte que coûte à la conquête du pouvoir sans garantir la réalisation des promesses électorales ? Etant donné qu’ils ont tous- par commission ou par omission participé à la fracturation du territoire et au bâillonnement des Centrafricains dans leur approche de la gouvernance, quel signal de rédemption lanceront-ils à la population

A mon humble avis et sans faire de slogan creux, le thème de campagne dont le pays a besoin doit être construit autour de l’accompagnement de cette population ordinaire à devenir extraordinaire en terme de vigilance et de lui proposer de s’assigner le projet, le pacte socio-politique de passer d’un territoire entièrement à part à un territoire à part entière ; prêt à affronter la féroce et virulente mondialisation néo/coloniale de décennies à venir.

Conclusion.

La campagne a commencé. Les acteurs sont sur la scène depuis un bon moment.

Après tant d’année de fertilisation croisée de système et de régime totalitaires ; générateurs d’insécurité tous azimuts, le temps d’expérimentation de paradigmes est probablement venu : face à la misère, la pauvreté et l’insécurité l’exécutif bicéphale devrait coopérer en duo avec le législatif sans oublier l’autorité judiciaire que de travailler en duel. Ils devraient être davantage des protagonistes que d’être des antagonistes. Faire émerger de nouveaux paradigmes de changement plutôt de système que celui de régime seul ; ce ne serait que du replâtrage, du colmatage de trous béants, voire le maintien de la tyrannie du statu quo de délestage, de déficit d’accès à l’eau potable, de l’hygiène de base.

Imposer les activités d’émancipation comme moteur et carburant de lutte contre la grande pénurie et la précarité comme thème de campagne en lieu et place de distribution ponctuelle des pagnes et des Tea-shirt à l’effigie des candidats

Imposer aux candidats de s’engager à trouver des instruments de réduction du déclassement de l’Etat. Etant donné qu’ils ne peuvent gager les promesses électorales qu’ils s’apprêtent à faire, qu’ils arrêtent de fabriquer de façon industrielle, de toutes pièces l’Homo/Centrafricanicus. Il faut entendre par homo-Centrafricanus, l’homme résigné, consentant à son asservissement par les incontournables oligarques de son pays, alors qu’il sait, en son âme et conscience, que ces derniers cherchent à préempter son droit de résistance au vacillement récurrent de l’Etat. L’homo/Centrafricanus fabriqué par la culture politique de type totalitaire admet, comme vérité biblique que tous les pouvoirs doivent être réunis entre les mains d’un seul homme ; un homme fort militairement et politico-religieusement et, qui se reconnaît seul à penser. Les institutions qu’il met en place, dirigées par les personnes dont il a la certitude de contrôler : souvenons-nous la C.E.I. (Commission Electorale Indépendante), le Conseil National de Transition (CNT), le D.P.I (le Dialogue Politique Inclusif) de François Bozizé.

Comme si les partis politiques et les organisations se réclamant de la société civile et les Groupes armés étaient de connivence ; ils se croient tous des « rédempteurs », des « messies » - le système et les régimes totalitaristes, qui les animaient et les animent, ont abouti à rendre l’Etat déjanté et végétatif. Ils attendent tous le pétrole factice. Mais en attendant, ils distribuent les concessions de forages, d’exploitations de mines de diamant.

C’est l’occasion ou jamais, il faut mettre terme au règne des poncifs et lieux communs auxquels on est accoutumé. Des poncifs et des lieux communs, qui foulent aux pieds les valeurs humaines et les principes les plus élémentaires de Dignité. Des poncifs et lieux communs, qui ont réduit la réflexion dans le champ politique à de l’escroquerie mélangée au charlatanisme.   

* Tourner la page des systèmes et régimes qui ont réduit l’émancipation des individus en véritables variables d’ajustement de leurs choix politiques et, entravé l’accès des collectivités territoriales et leurs populations aux produits de première nécessité.

* Tourner la page des années sombres de l’abdication politique et de l’homo/Centrafricanus, s’impose comme une assignation venant des générations futures pour les décennies à venir.

 Donnons-nous l’audace de tourner la page du Totalitarisme pour se construire, enfin, un pacte social et politique. Ne nous laissons pas abuser par les Oubanguinologues qui ne garantiront la réussite d’aucune des promesses électorales. Ils n’ont ni la crédibilité ni la fiabilité pour en gager la réussite. Mettons à profit l’occasion de mettre terme aux ambitions de ceux, qui veulent préempter la démocratie et l’Etat, qu’ils sont eux-mêmes « des produits périmés », qu’ils sont atteints par l’obsolescence programmée par la démocratie et les exigences des intérêts des générations futures ; oui la date limite de leur consommation est arrivée. Si nous tenons à les consommer, nous finirons par nous consumer et consumer les générations futures.



[1] ) Montesquieu : De l’esprit des Lois, IX, 6)

[2] ) Fanon ; F. « Peau noire ; masques blancs » Essai Editions du Seuil.  Paris 1952



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