En Centrafrique, le ridicule ne tue pas, il rend fou !

 

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus, le ministre de la santé, le Dr Pierre Somse, a publié le 19 mars 2020 un communiqué livrant le nombre de cas de Covid-19 décelés en République centrafricaine.

 

1 – Le respect du secret médical est une exigence fondamentale.

Le ministre n'a pas divulgué un secret médical. Cet ancien de l'organisation mondiale de la santé (OMS) n'a pas rompu le colloque singulier qui lie un médecin – ici l'institut Pasteur de Bangui – et son patient. Il n'y a donc pas faute professionnelle, mais une erreur d'appréciation du contexte local. En effet, le communiqué ministériel est rédigé de manière si explicite, dans sa forme administrative, que certains se sont précipités pour connaître l'identité des personnes atteintes, parmi lesquelles une artiste de renom. Ils sont allés jusqu'à révéler son lieu de villégiature et le numéro de sa chambre d’hôte ! Le ridicule ne tue pas, il rend fou.

L'affaire étant devenue publique, la personnalité ainsi mise en cause, et considérée comme une pestiférée, ne peut s'entêter dans le déni. Elle doit accepter d'être placée en quarantaine et traitée.

Il lui appartient cependant d'ester en justice contre les individus qui, à la présidence de la République d'abord et sur Facebook ensuite, ont jeté son nom en pâture. Elle est en droit de réclamer des dommages et intérêts pour des dénonciations ayant porté une atteinte grave à son image, sans son consentement (1). Il en va de même pour sa sécurité.

 

2 – L'obligation de déclarer l'état d'urgence.

Toutefois, la gestion publique de cette pandémie ne peut pas rester confinée aux vœux pieux délivrés par le chef de l’État dans son allocution du 18 mars 2020, près de trois mois après l'apparition de l'épidémie du coronavirus à Wuhan, en Chine.

Dans un pays où les motos taxis peuvent transporter jusqu'à trois personnes en plus du conducteur, où les taxis collectifs embarquent 6 ou 7 personnes en cabine, avec parfois d'autres clients sur le toit ou dans le coffre du véhicule, le respect des seules mesures barrières ne peut suffire à endiguer le fléau. Il faut des mesures de confinement drastiques.

Pour cela, le gouvernement doit décréter l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire, conformément aux dispositions de l'article 44 de la Constitution du 30 mars 2016, et promulguer un couvre-feu général quotidien de 16h à 6h. Après la fermeture des frontières extérieures du pays, l'état d'urgence doit instaurer la limitation des circulations domestiques ; la pandémie pouvant provoquer l'afflux des ruraux vers les centres urbains.

L'état d'urgence et le couvre-feu doivent s'accompagner d'une interdiction des rassemblements de plus de trois personnes, et de la fermeture de tous les lieux clos ouverts au public : commerces non alimentaires, musée, bars, dancings, lieux de culte, centres scolaires et universitaires, y compris les stades et marchés de plein air. Les habitants peuvent toujours se ravitailler auprès de leurs détaillants de proximité. Le décret de l'état d'urgence doit également proscrire la vente des médicaments au détail et les étals le long des voies publiques.

 

3 – A quelque chose malheur est bon.

Il nous faut désormais prendre cet adage au pied de la lettre et repenser notre manière d'être et de faire.

En premier lieu, il n'est pas question d'instaurer ici des amendes en guise de sanction vis-à-vis des contrevenants. Une telle décision ne ferait que rehausser le niveau de la corruption généralisée qui sévit dans le pays. Les sanctions seraient coercitives, telles les assignations à domicile, voire la garde-à-vue dans les commissariats de chaque secteur en vue d'un rappel à la loi.

En second lieu, la crise actuelle doit conduire à repenser totalement la solidarité nationale, en particulier la prise en charge des personnes privées de liberté, les prisonniers, et celles hospitalisées en milieu sanitaire. Elles ne doivent plus être délaissées à la seule bienveillante diligence de leurs parents ou organisations non gouvernementales. Il est du rôle de l’État de les prendre en charge.

En troisième lieu enfin, les autorités publiques doivent apprendre à gérer les situations de crise par anticipation (existence de cellules de crises dans les grands départements ministériels), à constituer des stocks stratégiques par domaine ou nature de catastrophes : gants, masques, eau potable, conserves alimentaires, couvertures, lits Picot, etc. (2)

La pensée du jour du 21 mars 2020 dit : « Parfois, une période négative est le début de quelque chose de meilleur ». Espérons que nos responsables sauront en tirer la leçon !

 

 

Paris, le 22 mars 2020

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – Cette affaire justifie a priori la propension des dirigeants africains à se faire soigner en dehors de leurs pays respectifs et, par contre coup, ne se préoccupant pas d'investir dans la modernisation des structures médicales et hospitalières au bénéfice de leurs populations. La violation du secret médical peut être ainsi considérée comme une atteinte à l'ordre public ou à la sûreté d'un État.

(2)   - Le 15 mars 2020, le ministère de la santé et de la population institue un Centre national de prise en charge du coronavirus à l'hôpital de l'Amitié. Ce centre dispose de 12 lits, dont la capacité peut être augmentée, et est géré par deux équipes de trois médecins, six infirmiers et une équipe d'hygiénistes. Les deux équipes se relaient 24h/24h, par fraction de douze heures. Il n’est donc pas prévu de centre de traitement ou de prise en charge en province.

(3)   .heures heures.Il n'est donc pas prévu de centre de prise en charge en province.