IMPRESSIONS DE BANGUI N°V

 

    L’engrenage de la violence inouïe qui frappe mon pays d’une part, et d’autre part le silence éloquent des forces internationales, leur inertie devant l’urgence  me conduisent aujourd’hui à interpeler directement le Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU, chef de la Minusca à travers cette lettre ouverte . Je prierais par la même occasion ce (pourtant) fils de l’Afrique centrale de transférer cette lettre ouverte à qui de droit .

 

     V . LETTRE OUVERTE A MONSIEUR ONANGA-ONYANGA Parfait, REPRESENTANT SPECIAL DU SECRETAIRE GENERAL DE L’ONU ET CHEF DE LA MINUSCA EN CENTRAFRIQUE

 

                     Monsieur Le Représentant Spécial,

 

      Je viens très respectueusement, par la présente, vous prier de bien vouloir m’aider à exorciser le mal qui ronge mon pays depuis trois ans en nommant symboliquement ceux qui tuent en masse en Centrafrique .  Vous ne les nommez jamais alors que tout le monde sait qui tue dans ce pays .

    Vous êtes dans l’exhortation permanente, l’incantation stérile et la condamnation verbale dans vos communiqués de presse pour sensibiliser et promouvoir la cohésion sociale en Centrafrique . Est-ce bien la seule mission qui vous a été confiée par l’ONU ? Outre le fait que peu de Centrafricains accèdent à vos communiqués alambiqués avec des statistiques manifestement grossies, le bilan global de votre présence en RCA semble bien maigre au regard des espoirs suscités par votre arrivée . Aucun leader Séléka n’est arrêté, bien au contraire, des sanctuaires leur sont aménagés au kilomètre cinq ( PK5 ) et dans l’arrière-pays, entérinant de fait la balkanisation de la RCA au profit de mercenaires et de brigands de grands chemins .

     Les villes centrafricaines sont scindées en deux, avec d’un côté des Séléka armés jusqu’aux dents qui se pavanent goguenards devant des civils centrafricains apeurés, abandonnés même, avec ce que ces derniers considèrent de plus en plus comme la complicité des contingents de la Minusca ( Mauritaniens à Bambari, Pakistanais à Kaga-Bandoro, Bengladeshis sur l’axe Bangui-Douala et Camerounais à l’Ouest ) . Pourquoi ne répondez-vous pas aux appels pressants de détresse des populations locales qui vous prient de relever ces contingents, de confession musulmane, qui ne leur inspirent pas confiance ?

     Que voulez-vous que les Centrafricains retiennent de votre passage dans leur pays Monsieur Le représentant Spécial ?

La protection des civils dans les camps de réfugiés ? Vos troupes arrivent toujours en retard malgré la sophistication de leurs moyens .

La sauvegarde des sites économiques, objets de la convoitise des apatrides en RCA ? ( mines de diamants, d’or, pétrole …) Vous laissez les Séléka faire à Ndassima, à Bria, Ouadda-djallé…à Ndélé .

Vous vous gargarisez de protéger les convois routiers ? Laissez-moi vous dire que je rentre du pays et que mes observations ne corroborent pas le triomphalisme qui sous-tend vos nombreux communiqués de presse .  

Alors, que faites-vous réellement en RCA, à la tête de douze mille hommes ( 12 000 ) censés user de la force pour désarmer cf Résolution 2149 chapitre 7 de l’ONU ? Cette force dispose d’une suprématie aérienne incontestable dont elle ne sert pas . Pourquoi ?

   Les seuls endroits protégés, bunkérisés même que j’ai vus à Bangui sont vos camps retranchés, parfois survolés de drones ! Les véhicules quatre roues motrices blancs, généreusement mis à votre disposition ne sont-ils là que pour embouteiller la circulation dans Bangui et permettre à vos hommes de se ravitailler en ville ?

    Outre la pollution sonore, nuit et jour, à quoi servent les hélicoptères de la Minusca ?

Les bulldozers, les engins de terrassement flambant neufs entr’aperçus à Bangui ne sont-ils là que le décorum ?

    Monsieur Le Représentant Spécial, loin de moi l’idée de vous accabler personnellement . Avant d’écrire cette lettre ouverte, j’ai passé en revue les missions similaires de l’ONU en Afrique : aucune n’a abouti . Puissiez-vous être l’exception qui confirme la règle ! Surtout ne faites pas comme votre prédécesseur Babacar Gueye qui appelait les Séléka ses frères et que j’ai surnommé LOU-RAVI . Il vous reste toujours la solution de désarmer ou partir …

     En vous souhaitant de réussir votre mission en Centrafrique, je vous prie, Monsieur Le Représentant Spécial, d’agréer l’expression de mes sentiments respectueux .    

 

             La suite au prochain numéro.

                                                                   Le 20 Octobre 2016

                                                                   David KOULAYOM-MASSEYO.