La sanctuarisation de l’idéologie de l’oasis ; essai d’analyse de la répartition satrapique du pouvoir sous les oripeaux de gouvernement inclusif.

Gervais Douba

 (Enseignant en Sciences de gestion Université de Rouen)

Khartoum et Addis Abeba ont, tour à tour, servi de scène de spectacle à la troupe Centrafricaine, qu’il conviendrait d’appeler « Les Hallucinés ». Est-il besoin de rappeler que dans l’histoire des institutions Centrafricaines, une parodie semblable a déjà eu lieu. Pour faire de Catherine Samba-Panza alias Catherine II ; Présidente de Transition de la République Centrafricaine, les féodalités régionales du pouvoir tutélaire de Paris, avaient fait injonction au CNT, d’embarquer manu-militari dans la soute d’un avion en partance pour Ndjaména. On avait entendu alors, la version Africaine de l’hymne soviétique de la souveraineté limitée du Printemps de Prague de 1968.

En guise de rafraîchissement de mémoire, l’homme, qui était appelé par les accords de Libreville était réputé « intègre ». L’intégrité était la parure quasi-épiscopale voire messianique. Ses admirateurs avaient même théorisé sur cette intégrité.  Curieusement le même concept a servi de cheval de Troie à Catherine II, pour huiler la fourberie la plus insolite dont elle a le secret et faciliter l’accès de Touadéra à la magistrature suprême.

L’intégrité aurait-elle un effet de catharsis sur une population en déroute ou en manque de leadership ? Cela s’est déjà produit en 2003 lorsque la foule avait accueilli triomphalement les mercenaires de Bozizé comme des libérateurs. Ultérieurement les pouvoirs de nuisance des « libérateurs » vont se révéler gangréneux pour les institutions du pays dont les forces armées et les liens sociaux. L’intégrité est non seulement un miroir aux alouettes mais est en réalité une idéologie de l’oasis, une fourberie de dépossession et de déshumanisation de la population. Démunie du point de vue repères et références, victime de maltraitance de la part de ceux qui se sont auto-octroyés le sacerdoce de la conduire jusqu’à la Terre promise, cette population est aujourd’hui installée dans la désolation et la grande sidération.

Dans la pièce, qui s’est jouée à Khartoum puis à Addis-Abeba, on trouve en filigrane une falsification de l’histoire du pays, de son rapport à la paix, du contrat social ; véritable mise en scène de la fraternité à la Caïn et Abel ([1]) et de la représentation que l’on a de la notion de développement. Alors qu’à travers la planète la situation de sidération où est installée la population Centrafricaine, secoue la conscience humaine, l’ancienne troupe du CNT- que nous appellerons » la troupe des illuminés » et la troupe des « Hallucinés » ; donc artisans du gouvernement inclusif, se coalisent pour offrir un spectacle ubuesque et déshumanisant à Khartoum puis à Addis-Abeba. L’Etat à la sauce Touadera progresse sans état d’âme dans son entreprise de déni de souffrance et des droits humains, en organisant çà et là des spectacles ubuesques. Le genre humain ne peut rester indifférent devant le spectacle consternant qui se joue è Khartoum et à Addis-Abeba. A cette perversion de recherche de la paix par le prisme du tropisme UA et MINUSCA, il faut répondre, non par l’invective ou la réplique injurieuse mais par la réfutation, l’analyse, quitte à être taxé de subversif. Quand l’œuvre de perversion gagne du terrain, la réfutation même par la subversion est la bienvenue. C’est l’élément déclencheur de cette tribune.

Par quel prisme remédier la pièce jouée à Khartoum et à Addis-Abeba et qui sera mise en œuvre à Bangui !

 Quel type de regard posé sur ce théâtre de marionnettes, qui vise à considérer à travers le monde, que la coalition Illuminés/Hallucinés a réellement mis en chantier la reconstruction de la paix et entreprend la recherche des voies qui mèneraient la Centrafrique vers la mondialisation néo/coloniale ?

A la lumière des enjeux de cette situation, un appel à un devoir de décryptage du vrai scénario de ce théâtre d’ombre chinoise s’impose : D’abord au nom de l’intérêt supérieur des générations futures de ce pays. Les générations du règne du parti unique jusqu’aux générations du multipartisme et leurs mœurs et pratiques politiques ont fait de l’idéologie de l’oasis une religion politique. La deuxième raison est une invitation à l’émergence des archipels des insurgés appelant à bâtir des canons de reconstruction d’un pays ravagé par le désert de la misère et la logique d’action des omnibulés de l’idéologie de l’oasis. Cet appel à s’insurger repose sur une philosophie de base ; redouter le renoncement idéologique en amont des politiques publiques, ce qui confine à l’abdication à utiliser une boussole conceptuelle alors que l’on sait que des coalitions internes tissent des connivences au nom de l’idéologie de l’oasis pour embarquer le pays dans un désert de misère. Ces coalitions tous azimuts ne veulent ni balisage ni boussole, alors que violence de la mondialisation néocoloniale est protéiforme et multifactorielle.

Marqué du sceau des plénipotentiaires de l’Union Africaine et de la MINUSCA sous le compagnonnage de certains bailleurs de fonds et les industries des armes de petits calibres, l’insécurité en Centrafrique ; sous toutes ses formes est instrumentalisée pour les intérêts de ceux qui cherchent à s’octroyer une réputation diplomatique et par ceux qui y voient une source de revenu. La marque de fabrique du tropisme de gouvernement inclusif est la marchandisation de la paix ; l’idéologie de l’oasis.

Il est urgent de faire comprendre aux cautions et avaliseurs, mécènes et autres fossoyeurs du devenir de la paix et de l’insécurité, qu’ils sont certes seuls à détenir le pouvoir politique de nuisance mais ils n’ont pas le monopole du corpus des capacités de faire reculer le désert de la misère et ne savent même pas baliser les voies pertinentes d’entrer dans la mondialisation néocoloniale. Khartoum et Addis-Abeba sont le corollaire de cette incapacité. Construire la paix et enraciner la sécurité n’appellent pas que des solutions militaires. Il serait souhaitable la coalition et ses alliés de l’Union Africaine, de la CEMAC, de la MINUSCA inventent des pistes éclairantes et inspirantes pour bien appréhender et les racines et les voies de sortie de l’insécurité sous toutes ses formes dont la crise actuelle.

 L’urgence réside dans la recherche de satisfaction des intérêts humains et territoriaux de proximité. Pour ce pèlerinage, il faut se donner une boussole conceptuelle.    

I) Déroutant pèlerinage vers la mondialisation néocoloniale sans boussole conceptuelle en amont.

A la lecture des Accords de Paix de Khartoum puis d’Addis-Abeba, on mesure la profondeur de l’ignorance des artisans de la connivence. Elle ne réalise même pas, que la crise actuelle est une crise ancienne de l’ordre du symbolique : crise de l’ordre symbolique de la situation géopolitique ; le pays étant à la confluence de plusieurs autres, crise de l’ordre symbolique sur le plan politique au niveau interne et crise de l’ordre symbolique du point de vue approche du développement en général et notamment de l’émergence des facteurs humains et territoriaux du développement en particulier.

Ce constat soulève la question suivante : la vocation de ce territoire est-elle de demeurer et de tourner en rond dans le désert de la misère, le désert de la pénurie organisée et des infrastructures maintenues dans un état d’usure avancée ; au point que les communautés humaines et les collectivités territoriales sont entre le désarroi et le désenchantement. Sans vouloir démontrer les évidences, la Centrafrique ; couvrant une aire de 625.000 Km2, partage - avec six pays 5203 km ainsi répartis :

  1. 1577 km avec la République Démocratique du Congo (au Sud)
  2. 467 km avec la République du Congo (Brazzaville) (au Sud)
  3. 1197 km avec la République du Tchad (au Nord)
  4. 990 km avec le Soudan du Sud (Sud-Est)
  5. 175km avec le Soudan du Nord (Nord-Est)
  6. 797 km avec la République du Cameroun (à l’Ouest)

A 42 ans du premier Centenaire de l’accession aux indépendances ; 13 Août 2060, le discours des politiques publiques sur le développement a la singularité de n’être que cacophonie ; c’est-à-dire que les régimes, qui se sont succédé croient détenir la clé de sortie du sous-développement. On peut soupçonner un lien entre le développement et la montée de la tentation dynastique ainsi que de la répartition satrapique du pouvoir  Faire émerger les facteurs de développement dans une logique démocratique serait-il à la portée du premier venu ? (C’est une question qui nous turlupine ! Et pourtant, force est de constater qu’aucun de ces régimes n’a cherché à détenir le savoir nécessaire à la lutte contre la pauvreté. En dehors de la confiscation de l’avenir du pays par le braquage des produits de vente des matières premières et la prédation, nous serions curieux de savoir lequel des régimes a essayé de transformer le pays ou une région du pays en laboratoire d’expérimentation des outils de lutte contre la pauvreté notamment en matière d’éducation et de formation au développement

Les communautés humaines et les collectivités territoriales sont de véritables trappes de pauvreté ([2]) Ni les idées nouvelles ni les solutions anciennes ne sont expérimentées et évaluées pour faire sortir les différentes communautés de la trappe ([3]). Nous nous référons à des analyses et aux interrogations des pratiques qui ont permis de mettre en évidences des éclairages. Il n’est nullement question ici d’accréditer la thèse du transfert servile du modèle occidental. D’ailleurs en réfutation à tout esprit confus et mesquin, le modèle cité a été expérimenté dans des contextes identiques aux nôtres et les expérimentations ont ouvert de véritables boulevards d’investigation et permis d’éviter toute approche approximative, cosmétique et enjoliveuse - jusqu’alors en vogue - du développement.

Quel est le moteur du développement ! Ou à supposer que le moteur du développement soit connu, quels sont les leviers qu’il faut actionner ? Quelle est la matrice de sortie de la trappe de pauvreté ?

A l’aune des travaux d’Esther Duflot, si l’on ne se dote pas d’un capital de savoir sur la pauvreté ; véritable dissolvant, on continuera de vivre dans un monde qui ne correspond pas à la réalité. La recherche de la cohésion sociale ne demeurera qu’une variable d’ajustement des préoccupations des illuminés et des hallucinés et ils fouleront dans l’angle mort de leurs préoccupations, les capacités des générations futures à conquérir l’avenir. Elle revendiquera tous les droits humains imaginables mais n’en conquerra aucun. Dans ce même registre que cache le modèle d’Etat actuel en transformant la République Centrafricaine en République des ONG ; de cluster d’ONG. Cette logique d’action accrédite l’idée qu’en matière de développement, il y aurait des « kit avec mode d’emploi » qu’il suffit de distribuer.

En analysant, comme incapacité à appréhender les dimensions symboliques de la crise, nous soulevons un autre domaine névralgique ; la falsification et de la mémoire et de l’histoire de Centrafrique, y compris le fait d’entraver irrémédiable l’avenir de la génération future ; nous faisons allusion au phénomène des DDR. Dans le « gouvernement inclusif, ce phénomène occupe au moins trois ministères et deux secrétariats d’Etat sans compter les conseillers à la Présidence et auprès du Premier Ministre !

Nous ouvrons une parenthèse pour relever ce qui est quasiment la saturation de l’ère de la connivence politique des illuminés/hallucinés ; le registre sémantique du discours politique de ces seize dernières années « Transition » et « inclusif ». La transition est devenue un terme galvaudé comme le terme « inclusif » au point de ne faire germer que de la confusion dans l’esprit des jeunes ; ce qui de notre point de vue est un éminent danger sur le plan cognitif. Fermons la parenthèse.

Au sujet du développement du phénomène des enfants des enfants soldats, s’est-on interrogé de savoir ce que cette dérive implique pour l’avenir du pays en termes d’expertises futures ! Quand les groupes armés alimentent leurs effectifs par l’incorporation forcée et massive des enfants des deux sexes et parallèlement ferment ou brûlent les écoles primaires ou par l’aggravation des « insécurités » où est la réflexion en amont ; la boussole conceptuelle ?  Il est regrettable de relever que la DDR est la colonne vertébrale du gouvernement inclusif. Dit autrement le phénomène DDR est relégué à n’être qu’une source de revenu pour irriguer les canaux de l’idéologie de l’Oasis. Le modèle d’Etat, qui défend et promeut la DDR est asynchrone par rapport à l’éveil des peuples indépendants d’Afrique au Sud du Sahara dans la bataille que se livrent ces pays pour se frayer une voie d’entrer dans la mondialisation néocoloniale. Ce décalage vient de l’absence de boussole conceptuelle : l’Etat navigue à vue dans une région d’Afrique agitée où requins, baleines des eaux salées côtoient les crocodiles et caïmans des eaux douces. La Centrafrique est devenue, depuis Khartoum et Addis -Abeba une sorte d’embouchure où se juxtaposent les deux eaux.

 A Khartoum et Addis-Abeba, les groupes armés ont obtenu trois victoires : Deux à eux seuls. En revanche, le troisième est le fruit d’un partage avec la Touadéradie en vue de préparer les élections ; donc au profit du MCU (Mouvement des Cœurs Unis)

Ils ont gagné à eux seuls leur l’entrée au gouvernement de la République, l’impunité des poursuites pénales sans rendre les AKA 47 et autres Kalachnikov ; et l’amnistie, transformant ainsi le pays en Territoire des morts sans sépulture (J.P. Sartres).

Ils ont humilié l’armée conventionnelle avec ses traditions et ses valeurs et principes et malgré les Etats généraux hérités de la période Patassé, son corpus de conscription. Elle a été traversée de part en part par des clivages ethniques et tribaux. Une armée symboliquement aliénée puis anéantie par Bozizé. Elle peine à s’en remettre que l’Ancien Premier Ministre de Bozizé, la retorture en concluant un pacte avec le diable  Sans doctrine militaire et de défense nationale, on réduit le rôle des forces de défense au rôle de « sentinelle » et celui du soldat à n’être que des tireurs de pétard mouillé.

Pour ce qui relève de la victoire partagée avec le gouvernement, la légitimité de ce dernier ne tient qu’à un fil. Son rayonnement et sa durée de vie politique dépendront de son degré d’allégeance et d’obséquiosité aux maîtres de la MINUSCA et des Conseillers militaires de la Russie. Sa diplomatie est tricéphale : le clergé monothéiste, les organisations se réclamant de la société civile et l’Etat légal.

Parallèlement Touadera fait campagne pour sa réélection, fixe les conditions financières de candidature alors qu’il est assis sur une usine à gaz.

Que faire ? Quelle voie emprunter pour réfléchir plutôt à ce qu’il convient de demander aux bailleurs de fonds et à la façon de le faire pour accrocher le wagon [et non la locomotive] de ce pays à la mondialisation néocoloniale ?

Le gouvernement inclusif a fait connaître à la face du monde que la Centrafrique n’est qu’un tonneau de Danaïde et se complaît dans sa double posture de passager clandestin de l’Afrique Centrale et excellent praticien de la théorie du dilemme du prisonnier en matière diplomatique. Quand on est bien avec les nouveaux riches du Kremlin, on leur accorde des décennies de concessions minières pour se sentir en sécurité. Pour sa fortune d’aujourd’hui, on aménage l’ancien pouvoir tutélaire de Paris avec ses réseaux régionaux. L’éclairage en amont n’existe pas ou est relégué à la périphérie.

II) L’édification d’un dessein commun ; catalyse de réflexion et d’action.

Depuis les temps immémoriaux, l’humain a-t-il déjà réussi une conquête sans explorer plusieurs voies et élever une construction sans socle solide ; c’est-à-dire des valeurs humaines solides ! Chronologiquement la répartition satrapique du pouvoir a commencé à Brazzaville sous le règne de Catherine II ; la spécialiste des termes « feuille de route », et « chronogramme » puis a progressé avec le forum de Bangui, l’élaboration d’une Constitution expédiée et les Accords de paix de Nairobi. Ces rencontres satrapiques ont en commun d’enraciner l’idéologie de l’oasis. En revanche ont toutes échoué sur le plan « diagnostic » à savoir identifier la racine et la nature du mal dont souffre ce pays. Certains bons esprits ont fait affleurer dans leur diagnostic partiel la crise des forces de sécurité, l’absence d’une armée nationale etc. Il en est de même sur le plan thérapeutique. Quoi préconiser ? Que et quoi mettre en œuvre pour une sortie de crise ?

 De notre point de vue la Centrafrique souffre d’une profonde altération de sa structure, de la défaillance du socle en passant par l’absence d’architecture globale, de son armature, la maçonnerie et la charpente. Le diagnostic aurait consisté à assimiler la crise du système de sécurité à l’absence de socle d’une bâtisse et chercher à identifier les points de fracture et de blessure non ouvertes, les imbrications et les alliages jusqu’alors oubliés, et renoncer aux rafistolages, badigeonnage et autres colmatages. Cette altération de la structure a mis le pays au bord de l’abîme, il a frôlé l’effondrement. Si l’on s’est précipité de pointer du doigt la défection du système sécuritaire, celui-ci n’est qu’un aspect visible de l’iceberg. Or, aucune autre démarche d’exploration d’autres racines n’a été initiée. Un tel déficit interroge sur les capacités architecturales et urbanistiques du génie bâtisseur de l’Unité nationale.

 Pourquoi dirions-nous que Khartoum et Addis-Abeba préparent de futures insurrections et risquent d’achever à moyen terme la partition du pays ? Sans affirmation péremptoire ni présomptueuse, nous nous appuyons sur trois justifications :

- La faiblesse du volet sécuritaire. Il faut à un pays une doctrine militaire et une doctrine de défense. Les forces armées sont des académies militaires fondées sur les enseignements et des formations aux multiples et variés métiers de la protection des institutions, des personnes et des biens, à la défense des intérêts et des institutions d’un Etat. Les forces armées font parties intégrantes et parties prenantes du socle. Or, ces trente dernières années elles ont été privatisées puis dévoyées de leur vocation initiale puis ont valsé tantôt des logiques d’inspiration française aux logiques d’inspiration Russe. Cette valse de deux logiques conduit à réduire l’armée à n’être que des « tirailleurs sénégalais » avec toute la charge historique et symbolique que l’on sait.

-      Le déficit de modèle de référence pour conduire le pays vers la mondialisation néocoloniale. Cette mondialisation est plus féroce à l’égard des populations mal entraînées, inorganisées qu’avait été l’époque coloniale et plus déshumanisant que la néo-colonisation ? Elle postule que l’Aide Publique au Développement doit désormais être contractualisée par projet structurant d’un dessein commun. A l’aune de ce postulat, la répartition satrapique installe plutôt une tyrannie par la coalition des idéologies politico-militaires, sans indiquer réellement les voies pertinentes de lutte contre le désert de la misère. Elle rend le territoire fertile aux collusions entre puissances intermédiaires, tout en sachant, en son âme et conscience qu’elle est mal outillée pour prendre le chemin du développement, créer des forces de propagation des leviers de transformations sur l’ensemble du territoire.

L’exemple le plus illustratif de l’absence de modèle de référence est celui du taux de croissance économique, qui implique l’existence des facteurs de croissance voire l’articulation des pôles de développement et/ou de croissance. Nous inspirant des travaux de François Perroux ([4]), parler de croissance pour un pays en guerre est impertinent.

A l’origine de la théorie de la croissance, on trouve le paradigme selon lequel la vie économique notamment dans pays en voie de développement ne résulte : non pas de l’action des agents isolés en situation de concurrence, mais de l’action spécifique d’unités économiques- ici des entreprises-, qui, par leur position et leur dimension, peuvent jouer un rôle dominant, un rôle moteur en termes de propagation de facteurs catalyseurs de changement ; facteurs aussi bien techniques que résiduels.

La croissance n’apparaît pas partout simultanément ; elle se manifeste en des points ou pôles de croissance, avec des intensités variables ; elle se répand par divers canaux et avec des effets terminaux variables pour l’ensemble de l’économie. Nous observons que les activités amont (fournitures de matières premières ou de produits de base, industries d’outillage et de biens d’équipement ne dépendent pas de capitaux Centrafricains et même les activités en aval (transformation, opérations de sous-traitance, industries de biens d’usage courant, non plus. En revanche les activités latérales tels que le transport, le crédit, le petit commerce, les services et autres activités du tertiaire, les biens de consommation courante ne sont ni constituées en pôle ni en boucles d’activités structurantes. Les hallucinés peuvent-ils démontrer que le bien-être des populations a progressé !!!   

A-t-on construit un corpus de culture politique d’insertion dans l’économie de la mondialisation néocoloniale ! Les organisations politiques et les organisations se réclamant de la société civile ont-elles des référentiels adaptés d’entrée à la mondialisation néocoloniale ? Et pourtant des recommandations des Conférences nationales, des Etats généraux, des Résolutions de Dialogue politique inclusif, des Résolutions des forums etc. pour ne citer que ces quelques exemples ont planché pour dégager des doctrines. Quelles leçons a-t-on tirées des échecs des relations avec tous les types d’impérialismes dont la Russie ?

Voilà un pays dont les moyens de production et de transformation sont inexistants, est absent des échanges internationaux donc absent du commerce international, sa population polytraumatisée se situant entre le désarroi et le désenchantement et qui, prétend une croissance économique pour 2018 à 5% du PIB et s’apprête à relever le défi du développement. Le modèle d’Etat en Centrafrique ne répare jamais les torts et préjudices, qu’il se plaît à infliger aux populations. Sa particularité est de jouir d’une impunité généralisée ; ce qui aboutit à faire de la classe politique la caste des « intouchables » et des « irremplaçables ».

- S’agissant de la troisième justification, nous voulons faire allusion à la notion de « nouveau contrat social » que les coalisés de Khartoum et d’Addis-Abeba ambitionnent de conclure avec « le peuple Centrafricain ».

En pensant à la génération future des Centrafricains, l’allusion à la notion de nouveau contrat social laisse penser à la fable de Jean De la Fontaine ([5]). Mais, en filigrane du scénario de cette pièce que joue la coalition ; en l’occurrence la troupe illuminés/Hallucinés, on lit l’apologie et le manifeste de destruction de la cohésion sociale. Qu’est-ce qui incarne un contrat social dans un pays où les forteresses sont des îlots militaires, d’oasis militaires sans ouverture sur l’extérieur et avec le déni des droits de tous ceux, qui croupissent dans le désert de la misère.

         Notre métaphore de dessein commun à construire appelle la redéfinition du socle, de l’architecture, de l’armature, du mur d’enceinte et de la charpente. Attelons-nous à bâtir l’échafaudage, qui convient et à élaborer un cahier des charges assez pertinent. Ce dessein commun ne saurait avoir pour Maître d’ouvrage et Maître d’œuvre le gouvernement inclusif.  

Conclusion

L’enjeu déterminant du dessein commun à bâtir réside dans le choix des matériaux. Depuis près de 20 ans, la Centrafrique est le pays le plus fécond en Accords de paix infructueux et dispute le premier rang avec la Colombie du temps des FARC. 

L’urgence et la priorité pour les déplacés et les réfugiés est d’avoir la nouvelle architecture du pays. Illuminés et hallucinés ont manqué l’occasion de redésigner un dessein commun à ce territoire. Ils sont passés maître dans l’art de devenir des seigneurs de l’export/import, préférant ainsi miner le territoire et remplacer les champs de coton, de légumes et de café et manioc par des plantations à perte de vue de zizanie. On ferait mieux de se préoccuper du destin commun et du dessein commun pour les générations futures que de nourrir et irriguer l’idéologie de l’oasis.

Privilégier la course à l’armure au lieu de la construction d’une matrice n’est rien d’autre que de bâtir sur du sable ou sur du sable mouvant des puissances qui ne cherchent que des terrains pour s’opposer et mieux s’imposer au monde.

Les rencontres de Khartoum et d’Addis-Abeba ne sont porteur d’aucun germe susceptible de conduire à terme, une paix fragile. En écrivant cette tribune, un récit nous est venu à l’esprit ; celui du Livre de Néhémie dans la Bible ([6]). Si Néhémie s’était contenté de n’indiquer que l’état de ruine des murs de Jérusalem, c’est parce que le socle- ici les valeurs humaines- est resté résistant à l’usure du temps et l’armature restaurable. Nous dirons que le devoir de ceux d’aujourd’hui est de préserver les droits de ceux de demain notamment leurs intérêts humains et territoriaux de proximité.

Force est de constater que ce minimum de devoirs et droits que les populations sont en droit d’attendre pour la mise en chantier de la cohésion sociale n’existe pas et d’ailleurs ne se décrète pas, puisque les maires de communes rurales ne sont nullement associés à cette entreprise et les points d’ancrage des régions les unes aux autres et du pays aux autres pays sont rompus. 

Le vrai visage de cette mascarade est d’institutionnaliser le partage des ministères les plus juteux et les tribunes les plus pourvoyeuses en discours dithyrambiques alors que le désert de la misère avance à grand pas, que les populations sont des chaires à canon. Le gouvernement inclusif est le manifeste le plus jamais écrit de perversion de l’histoire de la cohésion sociale et de la confiscation du devenir des générations futures en Centrafrique.

Redoutons l’abdication car elle aboutit inéluctablement à l’auto/exclusion de la communauté internationale.

 


[1] Sainte Bible Genèse ; Le crime fratricide de Caïn sur son frère cadet Abel. 

[2] Esther Duflot « Combattre la pauvreté » Leçon inaugurale au Collège de France Le Monde 09.01 2000 

[3] William Eastherly « Les pays pauvres ont-ils vocation à le demeurer »

[4] Francoix Perroux économiste français ; père de la notion de pôle de croissance et de pôle de développement dès les années 50.

[5] Jen De la Fontaine « Le Chat, la Belette et le Petit Lapin »

[6] Néhémie chapitre 2 « Les murs de Jérusalem sont en ruine ; levons-nous et bâtissons »