Quand une formalité deviendrait une endémie, cas de l’électionite en Centrafrique.

Lorsqu’un individu décide d’effectuer une démarche administrative quelconque en vue de l’obtention d’un visa d’entrée en France, par exemple, ou lorsque celui-ci est convaincu de sa réussite prochaine à un concours ou à un examen professionnel, cet individu pourrait prétendre remplir une formalité. La démarche administrative, le concours ou l’examen professionnel pourrait sembler ne présenter aucune difficulté particulière aux yeux de l’individu en question.  Ceci dit, une démarche en vue de l’obtention d’un visa pourrait également sous-entendre que l’individu s’était assuré au préalable de fournir à l’autorité compétente tous les documents que celle-ci lui réclamait, et sur lesquelles cette autorité se fonderait pour accorder ou non le visa de séjour. De la même manière, la réussite au concours ou l’examen professionnel pourrait présumer que le candidat avait étudié avec assiduité et avait acquis toutes les connaissances et les habiletés requises pour répondre de manière correcte aux questions de l’examen, et convaincre l’examinateur de sa crédibilité, de ses aptitudes ou de ses dispositions particulières.

Comme dans ces exemples élémentaires, la Constitution de la République Centrafricaine établirait, elle aussi, des formalités.  Par exemple, cette constitution pourrait contenir des articles qui dicteraient les principes, les modalités, les échéances, la définition de l’électorat, les dates des tours, la décomptes de votes, et la validation des résultats.  Dans ce contexte, il nous paraîtrait rassurant d’observer que le Président de la République avait récemment signé un décret qui préciserait les dates des différentes étapes de l’organisation des prochaines élections présidentielles et législatives. Comment donc cela pourrait être autrement?  En d’autre terme, formalité oblige.  Mais est-ce que cette formalité serait la finalité en elle-même?

Et le lecteur pourrait observer avec nous que dans chacun des exemples cités plus haut, les démarches, les épreuves ou les dispositions ne seraient en realité que des opérations purement techniques par leur nature.  Leurs règles pouvant être prescrites par une décision administrative, un texte de loi, ou simplement décrétées par l’administration qui gouverne le pays.  Cependant, posons-nous par exemple la question de savoir pourquoi devrait-on  être offusqué si le visa d’entrée en territoire français nous était refusé?  N’ayant pas consulté les autorités consulaires, nous oserons avancer de manière purement hypothétique les raisons suivantes.  Le visa avait été refusé, parce que les pièces justificatives adjointes contiendraient des informations qui ne seraient pas concordantes, parce que les documents justificatifs étaient soupçonnés d’être des faux, parce que le demandeur n’avait pas convaincu l’agent consulaire d’être capable de subvenir financièrement à ses propres besoins pendant son séjour, etc.  Voici donc le point fait à propos du terme formalité.

Maintenant venons-en à l’essentiel et parlons des prochaines élections en Centrafrique.  Demandons-nous pourquoi les prochaines élections ne seraient en réalité que de simples formalités?  Comme dans les exemples que nous avons donnés, l’on pourrait assumer qu’un des candidats aux élections présidentielles ou l’autre gagnerait ou non lesdites élections.  Voici donc établie la fausse présomption qui établirait que tous les candidats aux présidentielles ou tous ceux aux législatives, entraient dans cette course avec les mêmes chances de gagner ces prochaines élections.  Mais disons le franchement, les modalités et les circonstances de ces élections étant essentiellement orchestrés de main de maître par François Bozizé et n’étant indépendants que dans les apparences, comment donc ne pas présumer que celui-ci ou les candidats de son parti gagnerait majoritairement les prochaines élections dans le pays  pour des raisons que les centrafricains et les observateurs encore objectifs pourraient facilement évoquer?  Bozizé et ceux de son parti ne s’y prépareraient-ils pas mieux que tous les autres candidats connus à ce jour?

Le premier facteur qui évoquerait leur succès avait été ce scoop rapporté par un des partis politiques.  Des membres de ce parti en mission dans l’arrière pays, avaient suggéré qu’un descendant d’un ancien sultanat du nord-est du pays avait refusé d’autoriser la délégation dudit parti poilitique à tenir une réunion politique libre dans sa circonscription.  Ce descendant d’un sultan de l’histoire de l’Oubangui-Chari ne voulait pas de ce parti politique et aurait proféré des menaces verbales à l’endroit des membres de la délégation du parti adverse.  Il n’y a eu aucune réprimande de la part des autorités administratives de la localité ni de celles de Bangui face à ces allégations.  Il n’y avait eu aucune déclaration du gouvernement qui aurait expliqué à ce sultan du passé que son ancêtre avait jadis légué tous ses pouvoirs, toutes ses prérogatives et tout son territoire à la République Centrafricaine qui naissait ainsi avec l’indépendance de l’ancien territoire de l’Oubangui-Chari. Tout ce monde là avait-il à dessein, oublié les leçons d’histoire de ce pays?. Les autorités de Bangui avait manqué l’occasion d’expliquer à ce rejeton d’un sultan déchu et à tous les centrafricains l’essence même de la nouvelle constitution de ce nouveau pays.  Les autorités de Bangui avaient volontairement manqué l’occasion de donner les véritables sens des termes constitution, civisme et démocratie aux citoyens.  Le gouvernement de Bozizé avait échoué dans sa mission de faire respecter les termes d’une constitution du pays dont il avait peut-être été, lui-même, le maître d’oeuvre.  Pour ce qui concerne les autres facteurs, nous laisserons aux lecteurs et surtout aux centrafricains, le soin de les évoquer et peut-être d’y méditer.

Dans ce contexte, comment donc s’étonner qu’hier des zaraguinas d’origine soudanaise ou tchadienne opéraient librement dans le pays et qu’aujourd’hui des rebelles ougandais étaient entrés en territoire centrafricain sans rencontrer une véritable riposte du gouvernement d’un pays dont les fils seraient supposés en défendre l’intégrité?  Aujourd’hui, les bandits de Joseph Koni du LRA ougandais étaient entrés dans le Haut-Mbomou où ils avaient pillé des villages, tué des hommes qui résistaient, puis emporté avec eux des biens, et fait prisonnier des hommes et des femmes aux fins de diverses oeuvres.  Est-ce que cela devrait être acceptable, même s’il ne s’était agi que d’une seule victime centrafricaine?  Et nous n’avions pas cru que ces razzias qui rappelaient les époques anciennes de nos leçons d’histoire d’Afrique Noire, pouvaient encore se produire aujourd’hui au 21ième siècle.  La constitution du pays avait stipulé les rôles, les responsabilités et les prérogatives du Président de la République, ceux de son gouvernement, de l’Assemblée Nationale, de l’armée nationale et des autres institutions du pays.  Cependant, personne n’a levé le petit doigt pour défendre énergiquement ces autres centrafricains du Haut-Mbomou, comme si ceux-ci étaient des centrafricains d’ailleurs.  Le gouvernement de Bozizé avait été incapable d’une riposte effective pour donner la chasse à ces bandits qui opèrent dans le Haut-Mbomou, à plusieurs centaines de kilomètres du territoire ougandais.  Pourquoi?  Parce que ces bandits ougandais, soudanais, tchadiens et autre savent qu’ils avaient en face un régime et une administration pour laquelle le bien-être de tous les centrafricains et de chaque centrafricain serait le moindre de leurs soucis.

Les rébellions armées dans le nord du pays, chassent toujours les habitants dans les matitis, engageant par ailleurs des dépenses d’aide aux réfugiés qui auraient pu servir aux besoins d’investissements dans les domaines variés des infrastructures économiques du pays.   Aujourd’hui, Patassé qui était un des nombreux instigateurs des rébellions, s’est refait une nouvelle conscience, et pense encore être celui qui apporterait le bonheur jadis perdu de ses camarades travailleurs.  Mais quels changements bénéfiques celui-ci apporterait encore au pays et qui avaient été plus édifiants que ses responsabilités dans les crimes et atrocités commis par banyamulengués du rebelle congolais Jean-Pierre Bemba auxquels il avait fait appel pour mâter ses camarades travailleurs et leurs familles?  Certains hommes de troupe et certains officiers de l’armée centrafricaine, sans discipline et en manque de leadership, harcèlent, agressent et causent du tort à leurs propres frères et soeurs dans les villages aux confins des limites territoriales, au lieu de défendre la population contre les véritables agresseurs qui sont les zaraguinas, les bandits appelés rebelles et les hommes de Joseph Koni. Les braconniers d’origine soudanaise avaient fini de décimer la faune centrafricaine, tuant ainsi les espérances de développement des industries du tourisme dans le pays.  Les prétendus libérateurs aux origines diverses et compagnons de rébellion de Bozizé, seraient devenus les seigneurs et les princes qui feraient la loi dans le pays, notamment à Bangui où leurs raquettes gangrènent le fonctionnement sain des structures économiques, sources de revenus de l’état.  Depuis, les hommes au pouvoir et leurs militants encore nostalgiques des anciens régimes marxistes-léninistes, se feraient appelés ouvriers du KNK s’ils ne sont pas les fossoyeurs.  Ces ouvriers centrafricains d’une ère nouvelle, ceux qui ne le seraient pas et tous ceux des autres partis politiques, avaient par pudeur, fermé les yeux en face de ces terribles réalités que vivent les centrafricains.  Tout le mal que subissent les centrafricains ne constitueraient véritablement pas un problème à leurs yeux, parce que ce serait tantôt la faute de l’opposition, tantôt la faute du régime en place, tantôt la faute des pays occidentaux ou encore la faute du diable ou du bon dieu.  Mais est-ce que ce ne serait pas la faute de tout le monde par hasard?  Et en fin de compte,  chacun penserait que le problème majeur de l’heure serait la tenue des élections qui, depuis toujours n’avaient apporté aucun changement positif au commun des centrafricains.  Même s’il y avait toujours les nostalgiques des anciens régimes, la majorité des centrafricains se souviendra encore de la peur quotidienne sous le régime du MESAN.  La majorité se souviendra toujours du népotisme et du mercantilisme débonnaire du RDC.   Cette majorité des centrafricains se souviendra aussi, si elle n’a pas courte mémoire, des mensonges grotesques de Patassé et des illusions politiques de grandeur morale du MLPC.  Mais qui donc avait pensé qu’une nouvelle élection de Bozizé ou de Patassé  en 2010 pourrait changer la trajectoire du pays de sa descente en enfer?  Les griots du régime aurait beaucoup de mal à expliquer et à prouver le contraire.  Le seul argument que le gouvernement de Bozizé proposerait serait un grand coup de gueule du style ngouandjika pour intimider ceux qui oseraient parler ou qui oseraient penser autrement.  Mais n’est-ce pas cela leur définition, depuis toujours, de la démocratie?  Selon nous, ces prochaines élections ne seraient autres que la matérialisation d’une autre grosse farce aux dépens de peuple centrafricain. Les zaraguinas seront toujours dans le pays; les rébellions dirigées par des seigneurs de la guerre finiront de régenter les régions dans lesquelles elles opèrent.  L’essentiel qui serait le bien-être du peuple et le développement harmonieux du pays devra attendre son tour.

Dites-nous donc quel autre évènement il faudrait admettre comme évidence et qui ferait voir la véritable urgence et la véritable priorité du pays?  A qui donc le peuple devrait se remettre si chacun n’assume pas ses responsabilités de citoyen pour le bien de la cité?  Malgré le constat que nous avons énoncé plus haut, de nombreux centrafricains et autres grands guérisseurs des maux centrafricains avanceront encore que la tenue des élections règlerait tous les maux physiques, émotionnels, économiques et autres que nous avons cités plus haut.  Mais est-ce une coutume centrafricaine de vouloir célébrer quand tous les autres facteurs indiquent que les centrafricains devraient plutôt pleurer leurs morts et penser au lendemain?  Est-ce que ces élections rameneront à la vie tous ceux qui étaient morts des suites des agressions des rébellions, des mains de l’armée nationale, des mains de bandits ougandais et autre?  Pourquoi pensez-vous que la réélection, aujourd’hui quasi certaine de Bozizé, apporterait la paix en Centrafrique?  Pensez-vous que l’élection d’une nouvelle assemblée nationale dont la majorité des députés seraient bien certainement des membres du parti KNK de Bozizé, apporterait les changements tant désirés, puis la matérialisation des espoirs du peuple centrafricains?

Selon nous cela ne servirait à rien d’approuver les oeuvres de Bozizé dont le régime offrirait uniquement une démocratie de façade.  Cela ne servirait à rien de demander aux institutions internationales ou africaines de bienfaisance de dépenser des grosses fortunes pour ces formalités qui n’apporteront aucun changement heureux pour le peuple centrafricain.  Pourquoi ne pas utiliser ces fonds pour mieux équiper les infrastructures délabrées dans le pays ou payer des bourses d’études aux élèves et étudiants centrafricains méritants et nécessiteux?  Nous proposerons que tous les centrafricains acceptent de prolonger le mandat du régime de Bozizé et celui des députes.  Leur mission précise serait de vider le pays de tous les bandits et d’éradiquer l’administration de tous les obstacles qui ralentissent l’accès au bien-être du peuple centrafricain. Lorsque cette mission aura été accomplie ou non, le peuple déterminera en toute sagesse et connaissance d’organiser, le moment venu, de nouvelles élections pour élire les leaders véritablement patriotiques et soucieux du bien-être de tous.  A quoi servirait d’organiser des élections quand tout le monde a le sentiment que les des sont pipés?  Ce faisant,  le peuple mettrait en place  le début d’une ère nouvelle, celle d’une véritable démocratie au cours de laquelle le peuple sera l’acteur de son propre destin.   Le progrès du peuple centrafricain ne viendra pas essentiellement des édits ou des formalités énoncées dans des traités dont la majorité n’en comprend pas le sens.  Mais où sont donc passées les écoles de pensées politiques qui enseigneraient les valeurs traditionnelles et humaines véritablement en accord avec la modernité?  Où seraient donc les véritables partis politiques, autre que des partis de démagogues et de profiteurs?  Victor Hugo enfin avait écrit “Ouvrir les écoles, c’est fermer les prisons”.  Peut-être devrions-nous tous retourner à l’école!

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique (avril 2010)