Joyeux anniversaire à Catherine de Centrafrique

 § à la Désespérante Transition.

« Le peuple se déprave uniquement parce qu’on travaille à le pervertir »

Confucius.

Madame la Présidente de la République.

J’appartiens à la génération des Centrafricains, qui en Janvier et Avril 1979 ont convenu d’opter pour des « cailloux » en lieu et place des machettes. Ce ne fut pas « payant » pour les mœurs et pratiques politiques d’alors et plus de 250 jeunes et enfants sont dans des fosses communes ; des Morts sans sépulture comme le nommait la pièce de théâtre écrite par Jean-Paul Sartre en 1941.

Depuis cette époque j’ai réappris à m’étonner, que ce qui semble aller de soi ailleurs- sous les cieux du continent africain- devient créativité- sous le ciel du berceau des bantous. Je m’explique : Quand le jeu de la connivence politique vous a été favorable ; chère Catherine et que vous avez reçu mandat de poursuivre la transition, j’ai fait partie de ceux qui ont applaudi l’avènement. Pourquoi ? Parce que historiquement notre pays est l’une des rares terres africaines à avoir « une femme Premier Ministre ; en l’occurrence la défunte Elizabeth Domitien. » et à faire l’expérience d’une « Présidente de la République » . Les motifs de satisfaction s’arrêtent là et je vous dirai pourquoi dans les lignes qui suivent.

I : Les douleurs de la mémoire du peuple Centrafricain noyées dans l’amnésie pathologique de sa classe politique.

Tout ce qui ne régénère pas, dégénère.

Edgar Morin.

Malgré les qualités humaines qui se dégagent de votre personnalité, vous êtes la parfaite incarnation de la culture politique en Centrafrique ; faite d’amnésie pathologique des Morts sans sépulture et de mise en lévitation des poliques.

Ces morts ont servi de prétexte à l’opération Barracuda, ont permis le procès de Bokassa sans lequel de nombreuses personnalités politiques de premier rang n’auront ni la réputation qu’elles ont aujourd’hui, ni ne seront ce qu’elles sont aujourd’hui, sans que rien ne soit fait pour raccrocher le pays au wagon des changements fondamentaux, que connaît le monde, qui nous environne. . Vous avez la nature de femme ; c’est-à-dire l’être qui donne la vie. Vous êtes mère et avez été pendant six mois Maire.

Mère et Maire ; des symboles universellement importants mais vous avez lamentablement avorté votre capacité à inventer la culture politique de la République de l’après transition. Vous n’avez pas réussi à affronter les non- dits du passé de la culture politique de la Centrafrique.

La détresse de la population va grandissante, l’unité du territoire demeure menacée et au lieu d’impulser une culture politique insolite, vous poursuivez, dans une certaine désinvolture, une insolente culture politique à l’instar de tous vos prédécesseurs et ceux, qui ne rêvent que de vous voir partir.

En tant que Maire de Bangui, vous êtes supposée vous rappeler pourquoi l’ex Avenue Jean-Bedel Bokassa, le Lycée Jean-Bedel Bokassa et l’Université JBB ont été débaptisés. Que gagneraient les mœurs et pratiques politiques que vous vous obstinez à pérenniser alors que les plus belles quêtes individuelles ne prennent leur sens, non pas en se sacrifiant,- individuellement je n’aurais pas mieux fait que vous ni mieux fait que ceux qui aspirent à succéder à vous – mais en s’inscrivant à l’intérieur d’un grand jeu collectif.

II : Une Convention nationale républicaine en lieu et place d’un cénacle.

« Une poignée de sable que l’on remue suffit à modifier le désert » Borges.

Nous sommes un pays de summums de paradoxe. Il semblerait que c’est vous qui aviez la responsabilité du suivi des résolutions du défunt DPI. Ce dont d’aucuns s’accordent à vous féliciter et vous vous en êtes prévalue comme argument de campagne. On mettrait également à votre crédit la réussite de la réconciliation à l’esbroufe entre les défunts David Dacko et Abel Goumba. A mon humble avis, le CNT n’y a vu que du feu. De toute façon entre le loup et le chien- nous conseille une fable de la Fontaine-, il vaut mieux choisir le chien car il est un animal domestique alors que le loup dont il est le semblable est en liberté et doit tout faire pour trouver sa nourriture au quotidien. !

Chère Catherine de Centrafrique, ne confondez pas ce type de réconciliation à celle qui se veut « nationale ». Les envergures ne sont pas les mêmes. Ces deux hommes politiques étaient quasiment au déclin de leur vie politique et comme ils étaient bien éduqués, quels intérêts politiques ont-ils à tirer en envoyant balader la mignonne une jeune dame que vous êtes.

Vu l’étendue des dégâts humains, la destruction massive et méthodique de la mémoire de la République Centrafricaine, vous auriez dû innover dans la culture politique. Vous auriez dû avoir honte de cette culture en y incorporant des ingrédients de grandes cultures politiques face aux influences des puissances tutélaires de la CEEMAC. Dans toutes les grandes cultures, la vision du possible- Terre Promise des Hébreux, Shambala tibétain, cités idéales de l’antiquité- est à la fois un phare, le signal d’un accomplissement et un lieu de repos ; quelque chose qui vous porte quand les temps sont durs et qu’on doute de la vie. [ Paul Ray ]

Le génie du créatif culturel en politique s’est éloigné de la classe politique dont vous êtes l’émanation. Je ne cite pas l’Affaire de l’Angola puisque c’est une pratique courante dans les mœurs et pratiques politiques en Centrafricaines. Vous avez naïvement offert à vos adversaires vos charmantes joues et par jalousie et non pour défendre les intérêts du peuple Centrafricain, ils n’ont laissé passer l’occasion de paraître mieux que vous.

Je vous en veux pour la formulation timorée ; voire approximative de la future rencontre de la « Réconciliation » prévue pour Janvier ou Février 2015. Qui vous a conseillé à baptiser cette rencontre « Forum ». Le forum renvoie à un assemblage de gadgets et un recours à des méthodes expéditives ; parfois de la pacotille voire de la quincaillerie, puisque le forum a vocation- dans le fond comme dans la forme à être précaire. Cette désignation ou qualification appelle de nombreux questionnements lorsqu’il s’agit de débattre de la réconciliation dans un pays meurtri par la guerre, assombri par le sang des morts sans sépulture.

Comment la classe politique, détentrice de légitimité ( CNT) et non détentrice de légitimité ; ancienne opposition dite démocratique et la société civile a laissé passer l’occasion d’honorer les Morts sans sépulture, les polytraumatisés encore en vie, les exilés et les déplacés !

Comment les brillantissimes candidats à la magistrature suprême vous ont laissé vous vaudrez dans l’approximation au point d’appeler forum, ce qui devrait être appelé « Convention Nationale du Pacte Républicain ».

Qu’est ce qui justifie cette qualification de forum lorsque l’on sait l’étymologie, la sémantique et la sémiologie du mot ! Ne s’agit-il pas de mettre en chantier les prémices de la future Constitution post conflit, de poser les pierres angulaires des représentations que les parties prenantes devaient avoir de la gouvernance des affaires de l’Etat, du mode de fonctionnement de l’Etat, de définir les contours d’une armée nationale, de la protection et des garanties des libertés publiques et individuelles ?

Cela doit-il être évacué, expédié par des autocrates et des technocrates alors que d’énormes sommes d’argent vont être dépensées pour commémorer l’anniversaire de l’accession au pouvoir de Catherine de Centrafrique !

Non ! Catherine arrêtez vos gamineries et vos approximations avec l’histoire de ce pays et bâtissez une place de la Nation ; un lieu de mémoire qui rappellera à la génération future les moments douloureux de l’histoire de son pays. Faites en sorte que cette rencontre prenne date au lieu de bricoler et de tricher avec l’histoire de ce pays.

J’appelle à un mouvement de résistance nationale et non à un mouvement d’opposition de récupération ou d’indifférence évanescente. La classe politique et les organisations de la société civile doivent se réveiller et demeurer éveillées afin que personne ne préempte et jette dans l’obscur oublie, la résistance des « sans voix », des « invisibles » et des «  Morts sans sépulture »

Conclusion :

La culture politique est tissée de fibres dont la capacité à mettre en mouvement une société par des constructions imaginées Je vous renvoie à la réflexion de Paul Ray citée infra. Les virtuoses Centrafricaines de la politique doivent arrêter de pontifier ce qui ailleurs sont des poncifs et donner à ce pays les éléments de son ancrage à la CEMAC et non réduit à la CEEMAC’ à l’Union Africaine.

Catherine de Centrafrique a raté un éléphant dans un couloir malgré les munitions dont elle dispose. Je lui souhaite néanmoins «  Triste anniversaire »

Malgré les vicissitudes sociopolitiques qui caractérisent son histoire, j’adresse à chaque patriote/compatriote mes vœux en arc en ciel pour 2015 .Arc en ciel symbole de nos espoirs les plus fous de renouer avec la paix , Arc en ciel ; signe visible, quel que soit le continent de l’engagement du Créateur, de ne plus jamais recourir au déluge comme instrument de sanction.

Puisse ce Dieu demeurer la source intarissable de la paix en Centrafrique en 2015.

Gervais Douba


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