Coups d’Etat en Afrique : faits attendus, légitimité ou pétition de principe ?

 

 

A la lueur du dernier coup d’Etat en Afrique, le jeudi 18 Juin 2010 à 13H00 à Niamey au Niger, la question se pose. Dans un passé récent, la Guinée Conakry, la Mauritanie, la République centrafricaine, la Côte d’ivoire, ont vécu des scénarii semblables ou expérimenté à plusieurs reprises ce procédé d’accession au pouvoir.

Pour saisir le sens du terme et le pourquoi de la pratique et le recours, nous ressortons deux documents d’archives et un d’actualité qui pourraient nous éclairer.

 

Carte politique de l'Afrique

1. Réflexion sur la notion de Coup d'État comme forme d'action politique à la lumière de la tentative du 28 mai en Centrafrique

2. Désintégration des souverainetés nationales : Pourquoi tous ces coups d’Etat en Afrique ?

3. Niger, un coup d’Etat de plus pour l’Afrique

 


1. Réflexion sur la notion de Coup d'État comme forme d'action politique à la lumière de la tentative du 28 mai en Centrafrique

Trois mois après la malheureuse tentative de Coup d'État survenue en République centrafricaine en date du 28 mai 2001 et la répression (opération de ratissage) qui s'en est suivie avec un bilan en vie humaine d'une ampleur sans précédent de part et d'autres des camps des auteurs de la conjuration ou des forces loyalistes, il importe de nous interroger sur le phénomène des Coups d'État.

En effet, alors que d'autres rumeurs de tentatives de Coups d'Etat supposées ou réelles se font jour ; que la pratique de l 'ostracisme semble s'ériger en règle ; au moment où les commentaires et les récupérations à visée tribaliste que l'on peut observer ici ou là vont bon train ou que les conditionnements moraux de la population par les élites de notre nation continuent de mettre en exergue la fragilité du tissu national et les limites de la conscience nationale, il nous apparaît nécessaire de soumettre à la réflexion collective la problématique des Coups d'État et sa pratique comme forme d'action politique.

Une réflexion théorique sur la notion s'impose en effet, tant les Coups d'État, étant donné leur régularité en notre pays, tendent de plus en plus à s'ériger en modèle de gouvernement ou en mode normal d'accession à la magistrature suprême lorsque l'on s'oppose au pouvoir institué.

Elle s'avère nécessaire aussi, parce que les galimatias de nos hommes politiques et autres intellectuels, détenteurs de potentiel de savoir certes mais peu souvent teintés de culture politique, dénaturent l'idéal démocratique.

Elle devient une exigence parce que ces cadres qui dirigent notre Nation, à l'exception d'une minorité, au nom d'un profond attachement à la pratique politique n'éprouvent que peu d'intérêt pour les théories qui la sous tendent, alors même qu'il est universellement admis qu'une pratique sans théorie est forcément aveugle.

Elle serait d'une certaine utilité enfin, parce que ces personnalités, dont les propos ou les écrits extrémistes dépassent souvent l'entendement de tout être doué de conscience et de raison, n'apportent que peu d'éclairage au débat public.

Aussi, l'analyse, dont l'objectif est de dire s'il est légitime ou non d'avoir recours aux Coups d'État comme forme d'action politique, s'attachera à démontrer s'ils sont porteurs ou non de considérations politiques, ou au contraire, à dire s'il convient de les stigmatiser les Coups d'État comme une forme baroque de l'action politique.

Cela revient à se poser la question de savoir s'il y a ou non des considérations politiques dans les Coups d'État ?

La réponse à cette question aussi trivialement posée suppose, au préalable, que l'on précise la notion même de Coup d'État galvaudée ici ou là par les thuriféraires, généralement des militaires mais parfois aussi des civils, de ce mode d'action politique, ou au contraire, sévèrement blâmée, à juste raison d'ailleurs, par les zélateurs ou les partisans d'un mode démocratique de dévolution du pouvoir qui est celui de la voie des urnes.

  1. La notion de Coup d'État

Une série d'approches contemporaines tendent à considérer les Coups d'État comme une forme baroque de l'action politique alors qu'un certain nombre d'auteurs essentiellement classiques et non des moindres l'ont élevé au rang d'actions hardies devant être menées par les politiques.

Aussi, convient-il de les passer en revue respectivement.

En reprenant une définition d'un dictionnaire usuel du français, notamment celui de la maison Hachette, l'on verra que celui-ci définit les Coups d'État comme " une action illégale, souvent violente, par laquelle un gouvernement est renversé ".

Le Grand ROBERT définit le concept presque de la même manière en l'assimilant à " une manœuvre politique souvent violente destinée à prendre le pouvoir ".

Madeleine GRAWITZ dans son lexique des sciences sociales considère le Coup d'État comme " un terme ambigu utilisé pour qualifier une tentative de prise de pouvoir par une minorité en dehors des règles constitutionnelles et sans participation massive de la population... ".

Rapportées à la situation ayant prévalu dans notre pays le 28 mai dernier, l'on remarquera une certaine correspondance entre la tentative du 28 mai et les définitions susmentionnées à la différence que, s'agissant de la première acception, l'action des auteurs du Coup d'État du 28 mai était dirigée non pas contre le gouvernement de la République mais plutôt contre la Présidence de la République en raison de la nature juridique particulière de notre régime politique issu de la constitution du 14 janvier 1995.

L'on remarquera aussi que toutes considèrent le Coup d'État comme une action illégale, violente, irrégulière, bref comme une forme baroque de l'action politique.

L'on peut légitimement penser que telle est la conception contemporaine de la notion, laquelle a pu conduire certains auteurs, à l'exemple de Francis FUKUYAMA ( in La fin de l'histoire et le dernier homme), à affirmer " qu'un consensus remarquable semblait apparu ces dernières années concernant la démocratie libérale comme système de gouvernement ".

Il se trouve cependant qu'à coté de cette conception dominante plutôt hostile au Coup d'État comme forme d'action politique il en existe une, minoritaire il est vrai mais très classique, qui élève le Coup d'État au rang d'action politique des plus nobles.

A l'origine, les Coups d'État constituaient une forme noble de l'action politique.

Ils se pratiquaient à la création des États ou pour leur conservation. L'antiquité gréco-romaine nous en donne nombre d'illustrations :

C'est ainsi que, parlant des Coups d'État, CICERON Marcus Tullus (106-43 av. J.-C.) qui, après avoir déjoué la conjuration de Lucius Sergius CATILINA (108-62 av. J.-C.) et fait exécuter ses complices, pouvait-il affirmer : " L'abandon de l'utilité commune est contre nature... ; ...que celui qui pourvoit au bien et à la société des hommes fait toujours son devoir... ; ...la conservation du peuple doit être la loi souveraine dans toutes les actions ".

Mais ARISTOTE (384-322 av. J.-C.), avant CICERON, avait lui aussi entrevu la question lorsqu'il faisait le constat du fait que " d'une part le monde est fait d'artifices et de malices et que d'autre part on renverse les royaumes par le moyen de fraudes et de finesses et qu'il ne serait pas plus mal de les défendre par les mêmes moyens ".

Cependant, c'est Gabriel NAUDE (philosophe athée français 1600-1650) qui donnera une définition beaucoup plus précise de la notion en décrivant les Coups d'État comme " un ensemble d'actions hardies et extraordinaires que les princes sont contraints d'exécuter aux affaires difficiles et comme désespérées, contre le droit commun, sans garder même aucun ordre ni forme de justice, hasardant l'intérêt du particulier pour le bien public ".

Cette pensée largement inspirée par les théories Machiavéliennes du pouvoir paraît être la plus communément admise chez les classiques qui ont, peu ou prou, élevé les Coups d'État au rang d'actions nobles, hardies, courageuses et extraordinaires devant être menées par les princes pour le bien public.

On peut noter aux travers de ces approches que les Coups d'État peuvent être aussi bien l'œuvre des acteurs d'un régime que de ses opposants ou adversaires.

Qu'ils nécessitent pour leur exécution l'usage de la ruse, du mensonge ou de la violence.

Mais si l'on peut s'apercevoir, à l'analyse, que la tentative de Coup d'État du 28 mai dernier en Centrafrique peut aisément épouser la notion de Coup d'État telle qu'entendue dans son acception contemporaine, en tant qu'action illégale, irrégulière, en tant que coup porté contre l'État, l'on ne peut ne pas s'empêcher de stigmatiser les représailles ou "opération de ratissage" comme étant également des Coups d'État au sens classique de la notion, au sens d'actions extraordinaires accomplies pour la préservation des intérêts du régime en place.

Et, c'est là que la citation d'ARISTOTE susmentionnée trouve toute sa plénitude : " ...on renverse les royaumes par le moyen de fraudes et de finesses et qu'il ne serait pas plus mal de les défendre par les mêmes moyens ...".

Sémantiquement parlant, autant les auteurs du Coup de force du 28 mai en portant un coup à l'État avec l'attaque aux roquettes et autres armes lourdes de la résidence du chef de l'État ont perpétré un Coup d'État, autant, avec les attaques aux roquettes, hélicoptères et autres armes lourdes des quartiers réputés favorables aux conjurés, le régime, fort du soutien extérieur qu'il a pu avoir, en a perpétré un autre.

L'important est ici de mettre en exergue les considérations politiques susceptibles de sous-tendre la tentative du 28 mai 2001 en Centrafrique.

II- Les Considérations Politiques dans la tentative du 28 mai 2001

L'on part du postulat selon lequel le Pouvoir demande toujours le respect. C'est la résurgence, sur le terrain politique, de certains préceptes bibliques.

En effet, l'Apôtre Pierre dans sa première Épître (Chapitre II verset 13-15) disait : " ... Soyez soumis à cause du seigneur à toute institution humaine, soit au Roi comme souverain, soit aux gouvernants...  ".

L'Apôtre Paul également, dans son Épître aux Romains (Chapitre XIII verset 1), affirmait que : " ... Toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu... ".

Autrement dit, les deux Apôtres admettent que chacun se soumette aux autorités en charge.

Mais, Saint-Thomas d'AQUIN (1228-1274) d'abord, à la question 42 de sa Somme contre les gentils, reprenant les critiques de Saint-Augustin (354-430) qui admettait déjà au Vème siècle dans La Cité de Dieu que l'on pouvait remettre en cause le pouvoir politique au nom de la religion, affirmait : " ...Le gouvernement tyrannique n'est pas juste, n'étant pas ordonné au bien commun, mais au bien particulier du gouvernant... Aussi, le renversement de ce régime n'a pas le caractère de sédition, hors le cas où le renversement se ferait avec tant de désordre qu'il entraînerait pour le peuple plus de dommage que la tyrannie elle-même... ".

John LOCKE (1632-1704) ensuite, dans son Traités de gouvernement civil dira que : " ... La violation du contrat social par le prince dispense les sujets d'obéissance... ".

Et Benjamin CONSTANT (1767-1804) d'ajouter : " ... Les citoyens possèdent des droits individuels indépendants de toute autorité sociale ou politique, et toute autorité qui viole ces droits devient illégitime... ".

Ces discours veulent dire, en filigrane, que si le pouvoir légitimement institué doit nécessairement demander le respect, il en est autrement lorsque l'utilité publique, l'intérêt public ou général ne semble plus être le leitmotiv de son action.

C'est pourquoi, à l'analyse de l'actualité internationale en général et des pays en développement en particulier, notamment africains, l'on peut s'apercevoir que certains Coups d'État peuvent avoir un assentiment populaire ou, au contraire, subir une désapprobation populaire.

Cela signifie que les Coups d'État peuvent être potentiellement porteurs de considérations politiques lesquelles peuvent entraîner ou non leur légitimation a posteriori par la population.

En serait-il le cas pour le coup de force survenu en Centrafrique en date du 28 mai 2001 ?

Autrement dit, la tentative du 28 mai peut-elle revendiquer comme mobile de son action l'utilité publique ? Telle est la question à laquelle nous tenterons de répondre en dernière analyse.

Nous verrons qu'un certain nombre de facteurs militerait en faveur d'une réponse positive alors qu'une série d'éléments non négligeables, au demeurant, optent pour une réponse négative.

Les approches structuro-fonctionnalistes du phénomène politique nous apprennent que, de par sa nature de système social distinct des autres, la vie politique doit être interprétée comme soumise aux influences qui résultent des autres parmi lesquels elle est insérée dans la réalité.

Que de l'environnement culturel, économique, religieux, etc., le système politique reçoit des demandes sous forme d'exigences qu'il doit réguler, transformer en des réponses positives qui peuvent être des décisions obligatoires ou des actions.

Que le système politique fonctionne comme un ensemble d'interactions avec son environnement.

Qu'il a pour fonction de convertir les intérêts, en les formulant et en les agrégeant.

Ainsi, la pérennité du système se mesure à sa capacité à transcrire en des actes positifs les demandes de la société globale. Autrement, l'on assisterait à un blocage, à des crises susceptibles d'entraîner la mort du système. Soit par une fin légale à travers une censure démocratique populaire soit, par une fin illégale, irrégulière aux travers des putschs ou autres formes de pronunciamiento et soulèvements populaires comme une révolution.

Aussi, comme tout système politique au monde, la société politique centrafricaine est une société au second degré car issue de la société globale du fait des élections.

Ce système a des fonctions dont l'accomplissement satisfaisant pouvait lui garantir une certaine pérennité.

Parmi ces fonctions, figure celle de la satisfaction des demandes sociales de la communauté centrafricaine exposées sous forme d'exigences.

Il s'agissait, entre autres, de demandes relativement au règlement des traitements des fonctionnaires centrafricains ; au règlement pensions des personnes qui ont passé toute leur vie au service de l'État centrafricain, c'est à dire les fonctionnaires aujourd'hui à la retraite ; au règlement des bourses des étudiants qui représentent l'avenir de notre pays.

Il s'agissait, par ailleurs de demandes relativement à un système de santé convenable, à une meilleure éducation de la jeunesse, à une justice équitable pour tous, à la sécurité publique et à la paix sociale...

Ces exigences de la société centrafricaine n'ont pas reçu de réponses satisfaisantes de la part du système politique.

Et, comme disait CICERON : "... celui qui pourvoit au bien et à la société des hommes fait toujours son devoir... ; ... la conservation du peuple doit être la loi souveraine dans toutes les actions".

Et si ce n'était la personnalité de l'instigateur de la tentative du 28 mai 2001, les nécessités démocratiques et de paix sociale, un assentiment populaire eût été possible. Somme toute, autant d'arguments susceptibles de vider la tentative du 28 mai de toutes considérations politiques qu'il convient d'analyser maintenant.

En premier chef il y a les nécessités démocratiques :

Aujourd'hui, il semble qu'il existe une sorte de consensus au sein de la population centrafricaine sur la question du mode de dévolution démocratique du pouvoir.

Il apparaît, à l'observation de la communauté centrafricaine aujourd'hui, que l'on ne puisse plus revenir sur le principe selon lequel la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct et par la voie du référendum.

Ce principe qui admet aussi, qu'aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice, semble être unanimement partagé en Centrafrique.

D'où la condamnation de la tentative du 28 mai 2001 tant par toute la classe politique centrafricaine que par une frange importante de la population.

Le peu de soutien de la population aux auteurs du putsch semble démontrer un nouvel état d'esprit de la population centrafricaine et semble être révélateur du fait que l'opinion publique centrafricaine ne serait plus disposée, et c'est bien d'ailleurs, à accepter que l'on utilise la force pour parvenir au pouvoir.

En second lieu, il y a les nécessités de paix sociale, condition sine qua none de développement économique et social.

Elles sont en effet de nature à atténuer notablement les considérations politiques dans la tentative du 28 mai 2001.

Car pour citer à nouveau Saint Thomas D'AQUIN : "... le renversement d'un régime tyrannique n'a pas le caractère de sédition, hors le cas où le renversement se ferait avec tant de désordre qu'il entraînerait pour le peuple plus de dommage que la tyrannie elle-même...".

Au mieux, la tentative du 28 mai n'aurait pu avoir comme résultat que le renforcement du classement de notre pays parmi les pays les plus instables politiquement au regard de la théorie dite de "Risque-pays".

Surtout dans la mesure où les négociations entre les institutions financières internationales et notre pays semblaient trouver un aboutissement la veille de cette tentative.

Il y a enfin la personnalité du principal instigateur de la tentative lui-même qui pose problème.

Notamment, La circonstance qu'il ait déjà été pendant plus d'une dizaine à la tête de l'État centrafricain sans pour autant qu'il y ait une prospérité économique et sociale, semble vider notablement la tentative du 28 mai 2001 de toutes considérations politiques.

En dernière analyse, l'on pourrait dire que si la tentative de Coup d'État du 28 mai 2001 est condamnable par tout être attaché aux principes inhérents à la dévolution démocratique du pouvoir, il n'en demeure pas qu'il ne soit totalement dénué de toutes considérations politiques.

Aussi, il importe de rappeler à nos dirigeants "démocratiquement élus" qu'il leur faudrait gouverner en SOLON plutôt qu'en PISISTRATE, TARQUIN ou SYLLA.

Patrick-Emery NGUEREMBASSA (Diplômé d'études supérieures de Sciences politique, Doctorant en droit.), Source : Sangonet.com, 2001

Actuellement Consultant, Intervenant Master 2 Institut de la communication Université Lumière Lyon 2

 

 


 

2. Désintégration des souverainetés nationales : Pourquoi tous ces coups d’Etat en Afrique ?

 

Source : monde-diplomatique.fr - Janvier 2004  -par  Pierre Franklin Tavares

L’Afrique subit avec une acuité particulière les déstabilisations politiques et sociales dues à la mondialisation. En effet, déjà fragiles, les jeunes Etats indépendants ont hérité d’une souveraineté chancelante que la domination des multinationales et la dislocation des sociétés sous l’effet des politiques d’ajustement structurel ont achevé de réduire à néant. Ainsi, la puissance publique devient une fiction dont on cherche à tirer profit et le coup d’Etat un mode naturel de conquête du pouvoir.

Coups d’Etat en Guinée-Bissau (septembre 2003) et à Sao-Tomé- et-Principe (juillet 2003), tentatives de putsch au Burkina Faso et en Mauritanie (octobre 2003), renversement de M. Charles Taylor par une rébellion au Liberia (août 2003), remous politiques au Sénégal (année 2003), déstabilisation de la Côte d’Ivoire (depuis septembre 2002)… l’Afrique de l’Ouest semble s’être durablement installée dans la crise politique. Et si certains pays y échappent, parmi lesquels le Cap-Vert, le Ghana et le Mali, pour combien de temps seront-ils à l’abri des secousses ? Au total, l’Afrique de l’Ouest se trouve au bord de l’effondrement général.

Les crises actuelles apparaissent d’une tout autre nature que celles qui affectaient les Etats africains dans les années qui ont suivi les indépendances. Aux luttes idéologiques de la guerre froide ont succédé une double déstabilisation en raison de l’insertion à marche forcée dans la mondialisation économique, d’une part, et, d’autre part, de la démocratisation improvisée d’Etats sans moyens. Ces deux phénomènes ont abouti à délégitimer les constructions nationales naissantes et à rendre purement fictive la souveraineté de ces pays.

Par une « ironie tragique », plusieurs phénomènes de nature très différente ont conjugué leurs effets déstabilisateurs : la fin de l’affrontement Est-Ouest, qui structurait la géopolitique africaine ; l’improvisation par les bailleurs de fonds d’une injonction démocratique mal maîtrisée (relayée par le discours de François Mitterrand à La Baule en 1990) (1) ; le nouveau cadre macroéconomique ultralibéral – privatisations sauvages, programmes d’ajustement structurel incohérents et drastiques, plans sociaux déguisés, exploitation éhontée de la main-d’œuvre, prix dérisoires des matières premières et fraudes, mesures commerciales désavantageuses, etc. (2) ; les interventions sauvages des multinationales occidentales et de puissantes banques orientales ; l’explosion de la dette ; les visées de certains Etats africains (interventions au Tchad et activisme « panafricaniste » de la Libye, par exemple) (3) ; la déconcertante absence de culture générale de nombreux dirigeants politiques du continent noir avec son corollaire, le manque de vision (y compris à court terme) ; la corruption des petits et des grands fonctionnaires ; le trafic d’armes ; etc. Autant de maux qui ont fini par faire s’effondrer un continent déjà bien fragilisé.

Tous les indicateurs macroéconomiques, sociaux et sanitaires se sont dégradés depuis les années 1980, éradiquant les classes moyennes et suscitant de profondes tensions sociales. L’Afrique de l’Ouest s’est appauvrie : tous les produits intérieurs bruts se sont détériorés, la croissance promise par les bailleurs de fonds n’est pas au rendez-vous : elle est même passée de 3,5 % en moyenne en 1975 à 2 % en 2000 (4). Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) fait état d’une « dégradation sans précédent » des indicateurs de développement humain (5).

Presque partout les salaires de la fonction publique sont versés avec difficulté : en Centrafrique, au printemps 2003, l’une des premières mesures du gouvernement putschiste du général François Bozizé sera d’annoncer le paiement des traitements en retard. Le chômage ne cesse de croître. Les pathologies (sida, maladies tropicales, etc.) se propagent et affectent gravement l’espérance de vie des populations. Les réfugiés se dénombrent par milliers. Paupérisées, les armées sont devenues une menace constante pour les régimes de nombreux pays, comme le montrent le putsch en Centrafrique, la tentative de coup d’Etat au Burkina Faso et la rébellion de Côte d’Ivoire (6).

De fait, ne se sont « démocratisés » que les coups d’Etat et les guerres civiles entremêlées d’étranges guerres étrangères qui forment à présent un écheveau dense et difficile à démêler. Ainsi, le Congo Kinshasa est à la fois envahi par ses voisins et divisé entre différentes factions politiques, elles-mêmes soutenues par des puissances étrangères (7). Tout se passe comme s’il n’y avait plus de « vie éthique » en Afrique. Il est très révélateur que la notion même de « bien public » ait disparu des discours politiques et intellectuels.

En lieu et place de toute volonté générale, il n’y a plus qu’un affrontement généralisé de volontés singulières, toutes focalisées sur les ethnies, ces leviers si faciles à manipuler, comme le montrent la thématique de l’« ivoirité » et la propagande des acteurs de la crise en Côte d’Ivoire.

La nécessité, disent les philosophes, est l’ensemble des accidents. Ainsi, il existe une continuité politique et historique entre les guerres et les coups d’Etat depuis une quinzaine d’années. En réalité, de Monrovia à Bissau, de Freetown à Nouakchott, de Dakar à Niamey, de la Casamance à Abidjan, il ne s’agit que d’un seul et même vaste phénomène. En Afrique (notamment de l’Ouest), il n’y a plus d’Etats indépendants au sens politique du terme. Les indépendances dites formelles, c’est-à-dire juridiques et textuelles acquises dans les années 1960, sont devenues abstraites. Aux yeux des citoyens, des dirigeants, des factions et des chefs militaires, la puissance étatique est devenue une fiction que l’on subit ou dont on cherche à tirer profit.

D’une part, l’existence et le fonctionnement de chaque Etat d’Afrique de l’Ouest sont directement dépendants des calculs des Etats voisins : répercussion régionale de l’instabilité de la Côte d’Ivoire, notamment pour les pays enclavés (Mali, Burkina…), migrations massives de travailleurs (Burkinabés en Côte d’Ivoire, par exemple), ingérences politiques (de la Guinée-Bissau dans la crise en Casamance, du Tchad dans la crise centrafricaine)…

D’autre part, le droit public interne – la Constitution – est désormais déterminé par le droit public international, c’est-à-dire par la qualité de la relation avec les autres Etats. Or, si celle-ci peut contribuer à un règlement de paix positif (par exemple au Congo-Kinshasa, où les Nations unies et l’Afrique du Sud ont parrainé des accords) (8), elle est parfois jugée négative et portée par l’hostilité.

La crise ivoirienne en est une illustration significative. En effet, la Constitution nationale (présidentielle) est contredite par les accords de Linas-Marcoussis du 24 janvier 2003 (qui organisent un partage du pouvoir avec les factions rebelles, au détriment de la présidence et au profit du gouvernement). Ces accords, aussi légitimes et nécessaires soient-ils, marquent le point culminant du processus historique d’affaiblissement de l’institution présidentielle depuis 1990, et la fin du régime de Félix Houphouët-Boigny.

Or, en Côte d’Ivoire, l’institution présidentielle ne peut être remplacée par une primature aux pleins pouvoirs, le pays n’ayant pas encore un régime parlementaire comme en a, par exemple, le Cap-Vert. Pour les Ivoiriens, un droit public externe excellent vaut moins qu’un droit public interne défectueux. Evidemment, ces contradictions expliquent sans les justifier les changements de position du président Laurent Gbagbo (lire Poker menteur en Côte d’Ivoire).

L’incurie des élites africaines achève par ailleurs de réduire à néant les souverainetés. Un délégué au Dialogue national centrafricain, organisé après le putsch du printemps 2003, a pu faire le raisonnement suivant : « Tous les Centrafricains sont corruptibles et corrompus. Or l’Etat centrafricain doit faire rentrer ses recettes fiscales. Donc l’organisation et la gestion des régies financières de l’Etat doivent être transférées à des expatriés français ! » Ainsi, l’un des instruments essentiels de la souveraineté de l’Etat – les impôts, et par conséquent le budget – passerait sous l’autorité directe du ministère français de la coopération. Ce syllogisme ne fait qu’illustrer, avec une grande naïveté, l’aliénation, qui atteint ici son comble, de nombreux responsables politiques africains.

En une quinzaine d’années, les frontières dessinées par la conférence de Berlin (1885) et consacrées par les textes fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) sont toutes devenues poreuses et fictives. Elles sont de véritables passoires pour tous les mouvements rebelles : en Côte d’Ivoire, des milices et des mercenaires recrutés par les différents camps sont devenus quasi incontrôlables et menacent de dérives mafieuses certaines parties du pays. Le même phénomène peut être observé au Liberia, où des anciens combattants de la guerre de Sierra Leone se sont reconvertis dans la lutte contre le président Charles Taylor, déchu au mois d’août 2003.

La forte interdépendance des Etats africains dépend elle-même, et pour beaucoup, des intérêts des multinationales. Ces dernières, qu’elles soient européennes ou orientales, ont soumis et dompté les appareils d’Etat. Elles ont de facto aboli les frontières héritées de la colonisation et ont profondément modifié la nature des Etats du continent, en en faisant des annexes ou des bureaux de contrôle.

Les conflits « ethniques » ne sont souvent que le paravent des calculs d’intérêt effectués par les pouvoirs en place ou des multinationales. Ces derniers instrumentent des conflits régionaux ou locaux pour obtenir ou conserver des marchés et des concessions. Le rôle des industriels du bois dans la décomposition du Liberia et du Congo-Kinshasa a ainsi été dénoncé par des organisations non gouvernementales et un rapport des Nations unies (9). La presse ivoirienne ne manque jamais une occasion de rappeler que la crise du pays est née lorsque le président Gbagbo a annoncé la renégociation de certains marchés publics (10).

Cette immixtion des multinationales – comme des règles de la mondialisation économique – dans la sphère publique africaine a provoqué un amalgame entre droit public et droit privé. En effet, la chose publique n’est pas gérée conformément aux règles universelles de l’administration publique, mais selon les règles juridiques du droit privé. La plupart des chefs d’Etat africains ne se pensent pas comme des présidents de la République, garants de l’intérêt général, mais agissent plutôt comme des présidents de conseil d’administration. La gestion du pétrole, de l’or ou du diamant, la vente des produits agricoles et des ressources naturelles (minerais, bois) donnent lieu à des comportements claniques, voire d’allégeance féodale, de la signature des contrats d’exploitation des matières premières (commissions) jusqu’à la répartition des fortes valeurs ajoutées dégagées lors des ventes sur le marché mondial.

La gestion de la manne pétrolière au Gabon et en Angola en est une parfaite illustration. Les privatisations ordonnées par les bailleurs de fonds ont donné lieu à de véritables bradages auxquels les Etats n’ont pas voulu, ou pas pu, résister. Ainsi, le gouvernement sénégalais n’en finit-il pas de renégocier les conditions de la privatisation de la Compagnie nationale d’électricité. Les peuples sont évidemment les grands perdants de ce partage du pouvoir au sommet. Dans un tel contexte, le coup d’Etat devient un mode normal de dévolution de la puissance publique.

Une recolonisation civile

Depuis la fin de l’affrontement Est-Ouest, les multinationales agissent de plus en plus sans contrepoids politiques  (11). Liées, à l’origine, aux intérêts gouvernementaux, elles acquièrent une certaine autonomie. En Afrique, où les Etats sont faibles, elles ont littéralement fait de la politique étrangère en mettant à profit le désengagement rapide – dicté par le refus d’ingérence dans les affaires intérieures – des pays européens. Le procès des dirigeants de la société Elf a révélé les négociations organisées par M. Loïk Le Floch-Prigent avec la rébellion angolaise (Union pour l’indépendance totale de l’Angola - Unita) de Jonas Savimbi, tandis qu’il finançait officiellement le pouvoir en place (Mouvement populaire de libération de l’Angola - MPLA) (12).

Au Forum social africain d’Addis- Abeba en février 2003, un délégué du Congo-Brazzaville a pu estimer ironiquement que deux légitimités s’affrontaient dans son pays : la « légitimité démocratique » et la « légitimité pétrolière ». La notion de recolonisation « civile » par le monde économique international sied à cette situation. Et elle souligne clairement l’impuissance de l’autorité publique en Afrique.

Sur ce continent, jamais il n’y a eu autant de « batailles », de pathologies, de pillage de l’économie et du sous-sol. Les profits accumulés ces quinze dernières années sont considérables, voire inégalés. La réduction de l’aide publique au développement livre les Etats à l’appétit des grandes firmes. De sorte que, dans bien des cas de déstabilisation des régimes, les Etats européens se trouvent en complet décalage, voire déphasés ou dépassés, par rapport à l’évolution des événements. Et c’est donc toujours après coup qu’ils tentent de reprendre la main, notamment par l’exercice d’une méthode éprouvée : la mise en place des réconciliations nationales.

Dans la phase intermédiaire que traverse l’Afrique, la résolution (provisoire) des conflits nécessite encore l’intervention directe des Etats européens, dont les capitales ou les villes de banlieue – symbole significatif, révélateur et illustratif – deviennent les lieux de réconciliation des classes politiques africaines consacrant, de fait, leur aliénation. Ainsi, les accords ivoiriens de Linas-Marcoussis, près de Paris. Si les agents privés occidentaux et orientaux « allument » des batailles et fomentent des coups d’Etat, il revient aux Etats occidentaux de s’interposer entre les belligérants. Il y a là une complémentarité inadmissible dans une odieuse division du travail.

Au total, les Etats africains se trouvent de plus en plus fragilisés, – par le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, d’un côté, et par les multinationales, de l’autre. C’est aussi cela, la « Françafrique » ! Léopold Sédar Senghor souhaitait, lui, autre chose – une Eurafrique de partenaires égaux –, que la France n’a pas su entendre en son temps. La déstabilisation des Etats africains s’inscrit ainsi dans la logique d’un ordre mondial inégalitaire, qui discrédite par lui-même la chose publique.

Il faudrait donc rechercher les voies et moyens par lesquels les multinationales – comme les chefs d’Etat et de guerre – impliquées dans des tentatives de déstabilisation pourraient être traduites devant la Cour pénale internationale (CPI). Pour ce faire, il conviendrait de mettre en place un corps judiciaire international composé de juges africains rompus aux mécanismes financiers et économiques, et spécialisés dans la traçabilité des mouvements de capitaux finançant les coups d’Etat et les rébellions. Il faudrait aussi accroître les contrôles sur la dévolution des marchés publics africains.

Selon le mot de Hegel, « l’histoire avance toujours par le mauvais côté ». Pour la première fois sans doute apparaît, à travers les crises politiques actuelles, le besoin réel de bâtir une nouvelle unité politique et économique de l’Afrique. Celle-ci ne doit plus revêtir les vieux oripeaux de l’OUA et de l’Union africaine ou les formes anciennes d’union économique telles la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), ou encore le Nouveau partenariat économique pour le développement de l’Afrique (Nepad).

C’est l’éventualité d’une unité réelle (et non plus chantée) du continent qui pourrait s’amorcer à partir de la défaite historique des Etats africains. Et, dans ce désastre continu depuis cinq siècles, les Africains n’ont pas la plus petite part de responsabilité.

 

Pierre Franklin Tavares

Politologue

 

(1) En 1990, lors du sommet France-Afrique de La Baule, le président François Mitterand avait annoncé : « La France liera tout son effott de contribution aux effots qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté. »

(2) Lire Sanou Mbaye, « L’Afrique noire face aux pièges du libéralisme », Le Monde diplomatique, juillet 2002.

(3) Lire Bruno Callies de Salies, « Spectaculaire retour de la Libye », Le Monde diplomatique, janvier 2001.

(4) Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, « Les flux de capitaux et la croissance en Afrique », Genève, juillet 2000.

(5) Rapport sur le développement humain, 2003.

(6) Lire Anatole Ayissi, « Ordre politique et désordre militaire en Afrique », Le Monde diplomatique, janvier 2003.

(7) Lire Colette Braeckman, Les Nouveaux Prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale, Fayard, Paris, 2002.

(8) Lire Jean-Paul Ngoupandé, L’Afrique sans la France, Albin Michel, Paris, 2003.

(9) Lire Alice Blondel, « Dérive criminelle de l’industrie du bois », Le Monde diplomatique, décembre 2003.

(10) Lire Yves Ekoue Amaizo, « Ce qui paralyse le pouvoir ivoirien », Le Monde diplomatique, janvier 2003.

(11) Lire Frederic F. Clairmont, « Ces firmes géantes qui se jouent des Etats », Le Monde diplomatique, décembre 1999.

(12) Lire Olivier Vallée, « Elf, au service de l’Etat français », Le Monde diplomatique, avril 2000.

http://www.monde-diplomatique.fr/2004/01/TAVARES/10927

 


 

3. Niger, un coup d’Etat de plus pour l’Afrique par Mauricio D. Idrimi

Un autre coup d’Etat vient d’avoir lieu en Afrique subsaharienne. Cette fois c’est au Niger, une des nations les plus pauvres du continent africain et avec une institutionnalisation républicaine très faible et non dépourvue de tensions intestines et de luttes pour le pouvoir entre clans économiques et politiques. L’Union Européenne et les Etats-Unis ont lancé un appel à l’ordre et au retour immédiat à « la vie démocratique ». Ce que l’on sait actuellement est que le président Mamadou, a été démis et tout le reste est incertain.

Les câbles et les agences de nouvelles internationales nous informent que dans le courant du 18 février 2010 un coup d’État a triomphé dans Niamey, la ville capitale de Niger. « Le président de Niger, de Mamadou Tandja, et ses ministres trouvent retenus par les soldats insurgés qui ont fait, ce mardi, un coup d’État dans ce pays africain », nous informe le journal espagnol El Païs. L’agence Reuters ajoute que « le colonel  Goukoye Abdul Karimou,  porte-parole de l’assemblée militaire autoproclamée  Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, a annoncé par le biais de la télévision étatique la suspension de la Constitution et la dissolution de toutes les institutions ce qui signifie que le coup d’Etat a triomphé ». Depuis des mois les tensions politiques étaient actives dans ce pays et Tandja, avec une popularité croissante et récente,  a donné des coups de pied dans le tas et a voulu proposer une réforme constitutionnelle pour étendre son mandat. De nouveau surgit le problème endémique, celui de la réélection et d’un leader que l’on suppose désigné par son peuple  démoli par des militaires qui s’affirment les défenseurs de l’ordre institutionnel ce qui revient au statut quo social au Niger.

Mais qu’est-ce que ça veut dire ? L’historique que l’on peut faire du Niger n’est pas encourageante. Colonie française dès les XVIIIe et XIXe siècles, le pays obtient l’indépendance de Paris dans la célèbre « Année de l’Afrique » pour l’ONU le 3 août 1960. Hamani Diori a été son premier président, un pro occidental dans l’ère bipolaire de guerre froide. Il a été déposé par des militaires en 1974 sous le leadership de Seyni Kountché. Après quelques tentatives manquées de coups d’État, en 1983, Kountché a formé un Conseil Législatif des Ministres composé entièrement par des civils, présidé par Oumarou Me Mana.  Kountché mort en 1987, il a été remplacé par son allié, Ali Seibou  celui qui a consolidé sa position pendant les dernières années de la décennie de 1980. Tout de suite se crée le puissant Mouvement  National pour le Développement Social qui se convertit en unique parti légal. 

On  s’attendait à ce que le Niger soit toujours dans de bonnes relations avec la France, l’ex-métropoles et Washington déjà maître pour une part de son économie. Pourquoi ? Il y a de grandes réserves d’uranium au Niger et dès 1970 la France a aidé à l’extraction pour son ex-colonie en finalisant le produit à la vente … à la France et aux États-Unis, les deux puissances nucléaires d’Occident. Le reste de l’économie est agricole avec une exploitation précaire de millet, cacahuètes,  tomates, riz, maïs et  sorgho. Vers la moitié de la décennie de 1980 le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, selon la logique des mesures traditionnelles de plan d’ajustement structurel, ont imposé leurs exigences ce qui s’est traduit dans le cas des travailleurs de l’administration par le gel des  salaires pendant deux ans, et comme résultat un plus grand appauvrissement. Des syndicats et des étudiants ont réagi contre ces mesures et les grèves et les manifestations se sont développées en unissant  l’exigence de liberté politique et les revendications salariales, elles se sont étendues dans tout le pays, en étant réprimé avec brutalité dans la plupart des cas. En 1993, ont eu lieu les premières élections libres qui ont donné la victoire à la coalition de seize partis qui se sont regroupés sous le nom de l’Alliance des Forces pour le changement.

Mais l’ordre neoliberal,  déjà imposé pour le long terme, s’est perpétué. Au  milieu de tout cela il y a eu une guerre civile non déclarée contre les Touareg du nord du pays qui l’a dévasté de  1993à 1994. Le gouvernement démocratique a alors été renversé en 1996 par un coup militaire dirigé par le colonel Ibrahim Baré Mainassara qui s’est engagé à rendre le gouvernement aux civils. Mamadou Tandja est arrivé sur le devant de la scène nationale du Niger en décembre 1999 quand il a  gagné les élections; il a été réélu en 2004 et en 2009 il lui est venu l’idée de la réélection illimitée. Cela n’a pas plu à l’occident pas plus qu’aux secteurs militaires conservateurs et l’establishment de l’uranium. Aussitôt l’Union Européenne a appliqué des sanctions économiques.

L’acharnement contre Tandja avait beaucoup de motifs. L’agence Afrol News nous explique que « jusqu’en 2009 Tandja disposait d’un haut niveau de popularité et s’est fait connaître  pour son engagement dans le développement économique des pays appauvris. Aussi au plan international, Tandja  été apprécié pour sa présidence de la CEDEAO dans la période 2005-2007 et dans son rôle de médiateur dans quelques conflits régionaux, en particulier la crise de succession politique au Togo ». Mais selon la presse occidentale le peuple se serait éloigné de Tandja parce qu’il a voulu violer la Constitution Nationale qui ne permet pas la réélection illimitée.

Mais l’Occident avait des motifs plus urgents pour rendre la vie impossible au gouvernement de Tandja, que de ne pas être un progressiste, il a voulu établir d’autres relations internationales pour Niger. En juillet 2008,  le gouvernement de Tandja a signé un accord pétrolier très juteux avec la Chine. La puissance asiatique a promis alors qu’elle investira 5 milliards de dollars dans Niger dans les trois années suivantes pour développer la production de pétrole. Mais les Chinois et Tandja ont été plus loin et ils ont également abordé le sujet de l’exploitation minière et d’uranium. Des groupes civils et défensifs de droits de l’homme n’ont pas tardé à apparaître en critiquant l’accord avec les Chinois parce qu’il s’agissait de s’allier à une « dictature ». L’occident a mené l’orchestration de l’instabilité politique contre Tandja pour revenir à la normalité. Les militaires ont fait leur cette volonté  le 18 février 2010 : le coup d’État est celui des  apprentis de sorcier des mentors occidentaux. (Souligné par nous DB)

 Le Niger est un pays de plus de 12 millions d’habitants, dans leur majorité musulmans de la branche sunnite (90%) vit un moment de grande incertitude et une autre fois l’Occident contribue à son instabilité politique et joue aux  échecs à sa faveur. Entre les Xe et XIXe siècles, c’était un foyer du royaume puissant Hausa; maintenant c’est une prise de la globalisation occidentale qui change l’Afrique sous-saharienne en région la plus instable et appauvrie de la planète.

 

Mauricio D. Idrimi est membre d’AL UN DOS, un projet politique de communication alternative qui intègre différentes expressions autour d’un axe central : l’étude de la dette externe. En 2009 il a reçu le Prix National de Journalisme octroyé par l’agence Télam par le Salvador Allende documentaire.

Chaque semaine ils animent un programme  de radio Al Dorso par FM Tribu, 88.7, les samedis de 13 à 15 hs. le  premier samedi de mars 2010. www.aldorso.com.ar ils traiteront de ce sujet Rebelion a publié cet article avec la permission de l’auteur, en respectant sa liberté pour le publier dans d’autres sources (sources). Danielle Bleitrach en a fait une rapide traduction pour changement de société

Rebelión, traduit par Danielle Bleitrach

Source : http://socio13.wordpress.com/2010/02/23/niger-un-coup-detat-de-plus-pour-lafrique-par-mauricio-d-idrimi/

 

Deux articles à lire du site www.aldorso.com.ar :
Un golpe más para Africa
África mía ¿50 años de deuda externa?

 

Tribune - sangonet