Sortir de la spirale de déréliction et de la satrapie ; n’est-ce pas le projet politique d’alternative à préconiser ?

 

Etat de la situation

Ceux qui ont fourni aux évènements du 15 mars 2003 une assise théorique  dénommée « sursaut patriotique » n’ont cessé de se mordre les doigts. D’une bonne foi teintée d’une bonne dose de naïveté, ils ont apporté à la Bozizé une assise théorique. Face à un pays déjanté par le régime précédent, ils ont cru bien faire d’opter pour la solution militaire. Les pauvres ; ils se sont donnés ; poignets et pieds liés à la mise en place de la Bozizocratie, au point que la métaphore de « sursaut patriotique » a pris le sens d’une imposture de l’ange déchu de la Patassocratie ; avec tout son cortège de revanche et d’autocratie. Sans revenir à ce qui a déjà fait couler beaucoup d’encre chez les commentateurs avisés, en collaborant à la réalisation du projet d’auto rédemption du Général-Président, ils pensaient être assez équipés pour influencer le cours des évènements. Or, ce sont les évènements qui, sous l’impulsion du Général-Président, les ont influencés et ils se sont laissés inféoder. La réalité est que sept ans plus tard, force est de constater que les théoriciens des évènements du 15 Mars 2003 ont aider  à faire émerger un pays où coulent la méfiance et la défiance. Loin de moi, l’idée de jeter la première pierre pour le plaisir de jeter la première pierre. Mais, en relisant les cassettes audio-visuelles des rencontres du Général-Président avec les leaders politiques ; membres du CNT, les conclusions du DN et celles du DPI, je ne crois pas m’être trompé quand je signais une tribune, après la constitution du premier gouvernement du Professeur Abel Goumba, intitulée « La transition ; quand un concept interpelle son auteur »[1]

Je pars de ces rappels ; déjà mentionnés dans mes précédentes tribunes, pour m’interroger sur les ressorts invisibles des mœurs et traditions qui irriguent la motivation des acteurs politiques en Centrafrique. La tyrannie crapuleuse qui s’est installée à la tête de l’Etat depuis sept ans  sinon avec l’aide des théoriciens du sursaut patriotique et de l’opération militaire dit de « libération » a-t-elle fait le bon diagnostic de la maladie dont souffre cruellement la nation Centrafricaine depuis le règne des partis uniques et l’avènement du multipartisme ? 

A la veille de cette farce d’élections générales, aux préparatifs tronqués, il me paraît opportun de revenir sur la notion de patrie ; laquelle aurait sursauté en 2003 ; sursaut vertiginogène, puisqu’il s’est fait entre le vide et le creux. J’y reviendrai dans mes développements ultérieurs mais la patrie est tramée de communautés humaines et locales. Celles-ci  sont des regroupements organisés sur un territoire naturellement et historiquement constitué, capables de créer  leurs propres objectifs ou projets et de se définir par rapport au cadre régional, au cadre national et aux autres communautés, par interaction. La communauté locale repose sur un socle minimum de valeurs, de personnes, d’institutions, d’entreprises, d’activités et de ressources.

Au regard de cette définition, y-a-t’il en Centrafrique, une patrie, une nation et des communautés locales depuis l’accession à la souveraineté internationale ?

Les partis uniques d’alors et le multipartisme d’aujourd’hui se sont ils penchés sur la nécessité de favoriser l’émergence des structures et d’organiser ces composantes de la communauté nationale ; que sont les communautés locales notamment en chambres de métiers, en couveuses  et en milieux incubateurs  ? A mon humble avis, ce sont là, les vrais enjeux de la prochaine décennie que cachent les futures élections.

L’histoire des indépendances Africaines, racontées par certains grands témoins ne démontre pas non plus que la structuration et l’organisation des communautés locales aux lendemains des indépendances ait été au cœur des préoccupations des jeunes Etats. Le constat que je fais n’est nullement de la conjecture. Il résulte d’une relecture de la  série de quatre émission diffusées sur France 5  et intitulée « Afrique(s) ; une autre histoire du XXè siècle ». J’ai eu le bonheur de me procurer le coffret de 4 DVD, surtout qu’il y avait le témoignage du défunt Professeur Albert Goumba. Avant cette émission,  une autre avait été diffusée  en  juillet dernier par la Chaine Parlementaire [ LCP] et consacrée à J-B Bokassa, sous le titre de « J-B Bokassa ; empereur de la Françafrique . »

A quelques mois de cette parodie d’élections, les prétendants ; aussi divers que variés, portent-ils de vrais projets politiques d’alternatives pour les années à venir ou se contentent-ils des approximations telles la métaphore du fameux sursaut patriotique ? Quel est l’idéal de société qu’ils font affleurer à partir de la notion de communautés locales pour les années à venir ? J’entends par idéal de société, celui qui repose sur un modèle social ayant repéré les leviers d’action à mettre en œuvre pour favoriser l’émancipation des communautés humaines et des communautés territoriale, sans viser nécessairement la prise de pouvoir. Cette thèse est fondée sur le rejet voire la récusation du syndrome des indépendances à la Haïtienne et celui mâtiné du spectre Birman. Aller aux élections ou solliciter le suffrage universel avec la logique de pérennisation de l’Etat actuel et de toujours, ainsi que son cortège de la représentation à laquelle on a accoutumé les communautés et qui se caractérise par l’approche messianique du chef d’Etat, c’est enfoncer davantage la patrie et la nation dans le sable mouvant de la tyrannie. Dit autrement, en quoi les prétendants à l’onction du suffrage universel sont-ils différents des précédents tyrans et de l’actuel, si dans leur projet politique n’est guère fondé et ancré davantage sur l’idéal d’émancipation des communautés locales mais repose essentiellement sur la recherche pathologique de l’accumulation individuelle et égocentrique d’intérêts ? S’ils ne partent pas du postulat que pour lutter efficacement contre la misère et la pauvreté, il faut démocratiser le pouvoir central de l’Etat par la socialisation du savoir des communautés locales, avec l’implication des Groupes Sociaux Pertinents, des entités et des parties prenantes de la société civile , ils ne font qu’offrir des sentiers battus et dénient à ce pays toute capacité à rompre les chaines qui l’aliènent et re designer son dessein .

 

 

 

I : S’émanciper de la logique d’Etat erratique, sans idéal mais à la volonté mâtinée de paternalisme autocratique à la Birmane…

           

En me référant aux deux émissions citées ci-dessus, l’accès à la souveraineté internationale des pays d’Afrique au Sud du Sahara s’est fait en droit, en l’absence de tout préalable l’idéal de société et le modèle social en tant que véritable socle de pacte républicain.. Aux lendemains de l’accession à la souveraineté internationale, certains leaders ont privilégié ; à juste raison sans doute, le panafricanisme interétatiques au détriment de la construction d’un pacte social au niveau national.  Dit autrement, les Etats Africains au-sud du Sahara dont les 14 pays francophone se sont construits sur le déni de la notion de communauté locale et de l’implication des autres dont les traditions ancestrales. Il en est résulté une multiplication de références et leur rapide effacement, puis la crise de la légitimation qui ont pour conséquence le délitement accéléré du lien social. En Centrafrique particulièrement, le phénomène du tribalisme est érigé en invariant dans l’organisation du pouvoir civil et militaire de l’Etat. Invariant signifie, qu’on interdit toute autre logique et on interdit aux autres de penser autrement. Les massacres des officiers et la prolifération des razzia corroborent. Depuis lors, les états généraux, les conférences nationales, le DN et le DPI sont plutôt des rencontres de connivence des acteurs défendant leurs intérêts immédiats que celles des parties prenantes, s’assignant des défis pour engendrer des transformations sociales en profondeur. Les vagues de coups d’Etat ont privilégié la légalité du pouvoir au détriment de la légitimité, à telle enseigne que le conflit entre la légalité et la légitimité est permanent. La légitimité entretenant avec la légitimité un sérieux contentieux, l’innovation viendrait de la création des conditions d’une interaction entre la légitimité et la légalité. Si non, le multipartisme ne reflète guère la démocratie parce qu’il continue de se servir des armes et pratiques du parti-unique.

Où veux-je en venir en soulevant la problématique du contentieux entre la légalité et la légitimité notamment en Centrafrique ? De mon point de vue, les institutions étatiques ont failli dans leur entreprise d’ articulation et d’interaction des institutions ancestrales existantes. Elles ont échoué en ne créant pas les conditions de métamorphose de ces dernières, en vue d’un authentique pacte républicain. Au lieu de s’efforcer d’élucider les principaux vecteurs du pacte social que sont les liens entre les communautés , ces dernières ont choisi de les écraser, de développer de façon systématique, l’ orientation antagoniste que protagoniste des traditions ancestrales des communautés ; traitant ces traditions en véritables ennemis, avec la volonté affirmée de maintenir les différentes communautés dans l’homogénéité et dans la rigidité. . Les élites civiles et militaires Centrafricaines, au prix d’une violence extrême exercée sur les populations, se sont emparées des ressources du pays, les ont exportées puis ont dépensé les recettes ainsi dégagées en achetant à l’étranger les biens d’une totale inutilité sociale autre que symbolique de leur capacité de violence. Ces dernières ont rendu le pays  ex-sangue par leur posture d’illuminés , puis en pompant les forces de travail des corps subalternes,-

 qui sont réduits à la misère.

Au lieu de faire des communautés locales des incubatrices et des couveuses d’initiatives émancipatrices en favorisant l’émergence des synergies,  le rassemblement et la concertation des efforts individuels en vue d’atteindre un objectif commun ; la réalisation des progrès dans la satisfaction des intérêts socialement utiles, cette démarche de coopération n’a jamais effleuré des leaders politiques et personne ne peut revendiquer d’être artisans d’une expérimentation socio-économique à effet émancipateur pour les communautés.

Deux raisons corroborent mon constat et m’incitent à cette subversion à quelques jours des élections générales :

1) Pourquoi les systèmes éducatifs et de formation sont en lambeau et les diplômes qui en sont issus sont peu ou prou crédibles à l’étranger ?

2) Pourquoi le système de santé est si vétuste ?

La raison en est qu’en Centrafrique particulièrement, les élites n’éduquent pas leurs enfants dans le système éducatif et de formation et ne font pas soigner leur famille dans ces hôpitaux et centres de santé, devenus des mouroirs où cohabitent en parfaite harmonie les 3 M ( le malade, le mourant et le mort) . Les élites préfèrent envoyer leurs enfants et proches en Europe.. Leur prédation ruine les zones rurales et péri urbaines en contraignant les populations à s’exiler. Le système mis en place par les élites Centrafricaines fonctionne au profit exclusif des multinationales et des complexes militaro-industriels et les 4x4 et les kalachnikovs en sont les illustrations. Il est préoccupé par la recherche de la capitalisation de l’intérêt plutôt que par l’émergence d’un idéal de société. Entendons-nous bien par ce que j’appelle « Pacte ou contrat social ». J’y mets ce qui constitue le béton armé de la communauté villageoise ; les valeurs socles à impulser, à initier et à mettre en œuvre afin qu’elles fondent et guident le vivre-ensemble :tels: le rejet radical des meurtres politiques, la criminalisation du délit d’opinion , le rejet de l’enrôlement obligatoire des enfants dans les groupes et forces armés alors que dans les traditions humaines, la guerre est un domaine réservé aux personnes expérimentées ; donc les adultes. J’entends par pacte social, l’introduction d’une approche anthropologique du pouvoir dans sa dimension conception et mise en œuvre des orientations politiques susceptibles de générer des changements sociaux perceptibles. Exemple : Sur le terrain économique, la sécurité des transactions, dans les moyens d’accession à la propriété mobilière et/ou immobilière, la sacralisation de la confiance dans les échanges et la crédibilité dans les rapports au travail. Malheureusement, on constate avec regret que nos mœurs politiques corroborent ce que faisait remarquer Henri Lacordaire [2] en son temps, le gouvernement d’un pays n’est pas la nation, encore moins la patrie. Dit autrement, les régimes qui se sont succédés en Centrafrique depuis 50 ans n’ont jamais été l’émanation ni de la patrie ni de la nation. L’ancrage de leur légitimité se trouve ailleurs que dans la nation et la patrie.

La comédie du pouvoir dont Bangui est le théâtre depuis 50 ans a certainement pour cause le déficit du pacte social. Les partis politiques prétendant représenter la nation et la patrie feraient mieux de s’éloigner des propositions « café du commerce » et prendre à bras le corps, le courage de proposer l’application du « principe général de capacité de similarité » dans l’élaboration du pacte social comme plate-forme minimum de gouvernement et le décliner dans les administrations civiles et militaires ; ce que j’appelle démocratiser le pouvoir par la socialisation du savoir, du savoir-faire et du savoir-faire des communautés locales. Faire du principe général de capacité de similarité, le carburant de ce pacte n’est rien d’autre que de considérer l’émancipation des communautés humaines et territoriales comme levier d’action, même dans les relations diplomatiques et économiques à l’échelon international .  La mise en œuvre de ce principe implique une refondation radicale des institutions de l’Etat sur le fait que la vie et les libertés fondamentales de l’humain en Centrafrique et dans le monde sont sacrées tel qu’un distingué auteur [3] l’affirmait en ces termes « Le monde n’est pas difficile à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui voient le mal et s’abstiennent de réagir ».

 De l’affirmation en tant que principe guide, on le ferait affleurer dans la hiérarchie des normes et le déclinerait dans les actions tant sur le plan tactique qu’opérationnel. Le principe fait émerger une dynamique des changement sociaux, par le nouveau regard qu’il impulsera, à savoir que, pour parvenir à des transformations sociales, ce n’est plus quelques aristocrates qui pensent de façon docte et snobe, la vie des gens à leur place et purement pour leur gloriole mais on associe chaque maillon représentatif de la chaîne du pacte à la réflexion et on sollicite ses capacités contributives. Le pacte social est un édifice à deux étages. La fondation est le niveau méso et micro et le premier étage le niveau régional.

Le second étage serait le niveau national. Le niveau régional aurait la vocation des interdépendances et d’interactions des matrices individuelles et communautaires en termes de construction de capital humain et de capital social. Le niveau régional devient le laboratoire et la fabrique des matériaux d’organisations socio-économiques, de repères pour ces organisations et du pilotage politique  ;  à la fois de l’Unité nationale et de la cohésion sociale .  Elaboré dans cette logique et dynamique, il cimenterait les 6 régions autour des valeurs d’émancipation et ne ferait plus le lit aux prophètes de l’abnégation, laquelle a consisté à engendrer  la dépossession et l’abdication des communautés humaines et territoriales ont été la marque de fabrique de ce pays . L’abdication  apparente des régimes n’a produit rien d’autre que le détricottage de l’unité nationale actuelle, qui n’est que de façade  La nation centrafricaine est incurablement malade de courtisanerie en ce sens que, la norme pour ses élites civiles et militaires, l’art de plaire est plus important que la capacité à faire.

La culture de la flagornerie à vider de son sens, l’Unité nationale. Elle n’a désormais qu’une signification métaphysique pour ce qu’en font la Bozizocratie et les Bozizolâtres  .

La gestion féodale et satrapique actuelle ; renforcée par les pratiques non émancipatrices qu’est l’utilisation généralisée de l’ultimatum, se perpétuent,  faute de pacte social instituant des lieux de délibération crédible et fiable d’abord au niveau du premier étage et ensuite au deuxième étage.

A l’aune des expériences menées ailleurs- qu’il faut se garder de reproduire servilement et sachant que comparaison n’est pas raison- la sortie de la spirale appelle un projet politique d’alternative fondé sur la mise en place d’un pacte. Il ne s’agit pas de dévoyer le pacte en lui faisant jouer le rôle de renseignements généraux du pouvoir centrale, moyennant prébende ou de favoriser l’émergence des aristocraties villageoises, comme c’est le cas actuel dans les rapports entre les Préfets, Représentants locaux des partis politiques, les Maires et chefs de villages. La mise en œuvre d’un tel changement relève davantage d’une démarche de processus ;  au moins de plus d’une législature que d’un décret. On ne décrète pas un changement social de cette envergure. Le modèle Ghanéen est éclairant en ce sens que l’Etat- sous l’impulsion de Jerry Rawling, a depuis lors, réussi à faire distinguer, dans son pacte social ou son modèle social, ce qui relève du domaine contractuel, de ce qui n’en relève pas, telle la fiscalité d’Etat et les autres prérogatives de puissance publique, nécessaires afin que le modèle social soit à l’abri de tout dysfonctionnement de l’Etat. Si un tel pacte existait en Centrafrique , l’accès au pouvoir de l’Etat et l’exercice du pouvoir continueraient-ils, d’être synonyme de détention du permis de tuer les adversaires politiques comme le ferait un braconnier en toute impunité ? Les théoriciens des évènements du 15 Mars 2003 ont renforcé la liberté d’un ogre dans la bergerie.

Ce constat n’entretient aucune connotation notamment une  certaine nostalgie ou une mélancolie du défunt régime. Je relève seulement et dans l’intérêt de ma démarche d’analyse qu’après les échecs des folkloriques Dialogue national et Dialogue Politique Inclusif, et la mise en place  sur des bases mafieuses de la CEI, les co belligérants et alliés des évènements du 15 Mars 2003 ont intérêt à plaider leur rachat auprès de ceux qu’ils ont abusé et inhibé, en s’éloignant du Général-Président et de la Bozizocratie.. Les frères d’arme de la victoire du 15 Mars 2003 ont beau rappeler les promesses de la Gare du Nord ( Paris) mais les règles du jeu ont été unilatéralement modifiées. Personne n’ose imaginer un seul instant, que les élites aux commandes des partis politiques et ainsi que les différentes composantes de la société civile réduiraient  les enjeux des futures élections,  au maintien de la patrie dans la spirale des pratiques féodales et participeraient activement à une campagne électorale construite sur des approximations, des intrigues et des invectives, alors que l’enjeu pour les années à venir, n’est pas d’engager l’Etat sur les rails de la dynastie ; la Bozizocratie mais d’engager les communautés humaines et territoriales sur la voie de l’émancipation.

Proposer un pacte qui intègre  l’armée dans toutes ses composantes et missions, non à la façon du régime de Patassé avec ses états généraux, mais pour que l’institution sorte de la schizophrénie congénitale qui la ronge. Elle a été humiliée sous Dacko I ; ce qui expliquerait en partie le coup d’Etat de Bokassa. Elle serait la garante de l’unité nationale et incarnerait la lutte contre la corruption.

Les trois chefs d’Etat, qui en sont issus, sont les plus corrompus, ont érigé le culte de la personnalité et tourné le dos à l’idée élémentaire de justice. Qui plus est, ils ont dépossédé l’armée de cette apparente vertu en ce sens que, les Unités de Gardes Présidentielles ; sous le régime de COS ( Commando des Opérations Spéciales) sont dans l’impunité totale,  à telle enseigne que ce régime juridique spécial sert de niche de prébende aux officiers cumulards.

Bokassa n’avait jamais fait confiance totalement à l’armée, non seulement parce qu’il était lui-même parano, mais parce qu’il sait de quoi sont faites les fibres et les mœurs militaires en Centrafrique ; c’est-à-dire une armée addicte aux coups d’Etat et génitrice de climat de soupçon et de climat délétère. Sert-elle les intérêts de la nation ou est-elle à la disposition du chef de l’Etat ; issu de ses rang ?  Ce n’est pas demain la veille qu’on aura des militaires de la trempe de Jerry Rawling [ Ghana] ou de ATT [ Président actuel du Mali]

L’histoire fait injonction aux Centrafricains- qui ne sont pas des griots - de ne voter que pour les candidats ; aux présidentielles et aux législatives ; qui leur proposent un projet politique d’alternative, fondé sur le pacte social et leur ouvrant la porte aux changements qu’induit l’inéluctable mondialisation. L’émancipation n’est nullement un élixir et, l’aliénation,  la vocation naturelle des communautés qui composent la patrie. La Centrafrique est un vaste chantier et, ceux, qui se disputent les futures élections, paraissent à court d’imagination en termes de diagnostic pour impulser et inspirer de réels et profonds changements 

 

II) Pour se donner un idéal de société et une postérité politique à ses idéaux républicains et démocratiques.:

                Depuis 1994, le balbutiant [4]multipartisme en  Centrafrique est confronté à deux défis majeurs : inventer le chemin d’une démocratie apaisée et trouver ; même par tâtonnement les voies et voix romaines d’un pâle progrès social. Plusieurs fois le régime précédent a vacillé sous des mutineries à répétitions jusqu’au coup d’Etat du 15 mars 2003. L’élite frappée d’amnésie collective a contribuée à la mise en déroute de ces quêtes. Après le 15 mars, par deux fois, au DN et à la DPI, les attentes étaient élevées et les résultats décevants.  la Bozizocratie  s’est amplifiée . Or, le monde a entamé sa mue depuis bientôt 15 ans, surtout par  l’éveil des pays pauvres de part le monde .

La question des futures élections ne saurait se réduire à une chasse à la Bozizocratie et les Bozizélâtrie. Selon une étude réalisée par Patrick Vinck (3)  le taux de mortalité en Centrafrique en 2010 est quatre fois plus élevé que dans les autres pays du continent noir. En cause, les violences récurrentes et l’incurie de l’Etat depuis l’indépendance. Le pays est classé en indice de développement humain au 179è rang mondial sur 182. Sur 24000km de pistes, seuls 500 km sont en bitume mais à peine entretenues. Ce  qui rend l’accès aux quelques rares centres décents de soin, très difficile. Inscrire la situation décrite- dans un projet politique d’alternative en direction des électeurs, appelle une réflexion en termes de rupture radicale.

 Il consiste à remuer davantage les outils de la raison que d’exciter les pulsions et la dévotion auxquelles on assiste. L’enjeu est d’amener la nation et la patrie à accepter d’adopter une rationalité atypique et qui l’amènerait à prendre le risque d’entrer dans un processus de métamorphose. La question va au-delà du discours à la mode sur la bonne gouvernance ;: comme si la notion est, non seulement la panacée ou le sésame ouvres-toi , soulève la problématique des matériaux assurant et garantissant une postérité politique dont il faut équiper les populations et les communautés territoriales marginalisées.

Face aux changements du monde et les violences qu’ils entrainent pour ces populations marginalisées, chaque patrie et chaque nation doit s’inventer,  renforcer ses capacités humaines et organisationnelles et structurer ses méthodes et modes pour participer au codéveloppement et de réalisation des OMD. C’est ce à quoi s’attèlent les pays pauvres, dans leur quasi-majorité- sauf la Centrafrique, la Somalie, la Guinée Conakry, la Guinée Bissau ont évolué de l’aide, de la main tendue, au contrat en matière de codéveloppement et les OMD .

Les candidats, qui se bousculent aux portiques, le font non pour éradiquer ; voire résorber les liens d’aliénation comme idéal de société, mais pour s’enrichir à l’instar de leurs prédécesseurs et prétexteront d’ici deux ans que l’enclavement géographique et  l’absence de débouchés maritimes ; voire des voies de chemin de fer ; facteurs structurants, ne leur a pas permis de sortir la Centrafrique de sa situation de pays de la périphérie . Il n’y a  rien de plus attristant, qu’un homme politique, qui, sans chercher les solutions aux problèmes que rencontre sa patrie ; sa source de légitimité, se fend de grandes déclarations politiques à la tribune d’une grande messe internationale,  et qui, le lendemain, fait le contraire une fois au bercail [ parce qu’il a la légalité]. La classe politique Centrafricaine a la particularité de ne susciter qu’hilarité sur la scène internationale. Ses interventions sont tramées et émaillées d’appel à la commisération publique de la communauté internationale. Aucun ne se distingue sur la scène internationale, en mettant en évidence sa capacité de décryptage des facteurs de métamorphose du monde. 

Comme la plupart des pays pauvres très endettés ( PPTE) postulons que devant la complexité et la complication d’un monde, désormais multipolaire, l’homme miracle, l’homme rédempteur et messie, du règne des partis uniques, avec son modèle de chef d’Etat ; seigneur de guerre et VRP des complexes militaro-industriels,  a disparu partout ailleurs. Si ce postulat peut guider en alimenter la réflexion des forces de résistance dont la jeunesse et les composantes de la société civiles pour le changement, il n’y aura ni Patassocratie  ni  de territoire pour les Bozizolâtres.. Le discours politique dominant est le modèle même du discours de « Café de commerce » ; c’est-à-dire  fait d’approximations, de raccourcis et l’étalage de  tissus de poncifs. Comment faire pour extirper des mœurs politiques de ce pays, la tendance qu’ont les élites à entretenir les rapports avec les chefs en termes dithyrambiques et, quand celui-ci assassine, dépèce, torture et bâillonne, on dit que c’est la faute à la victime. « Elle mérite ce qui lui arrive ». 

Pourquoi aucun prétendant au suffrage universel ne fait allusion à ce monde qui se métamorphose et qui doit servir de tropisme, de catalyse à un projet politique d’alternative.

Face à la mondialisation,  pris entre le marteau et l’enclume d’une CEMAC pétrie de pétrole, ce qu’il faut, pour éviter les inondations récurrentes dont souffrent les plus vulnérables des patriotes, ce n’est guère  l’appel à l’aide internationale ; une sorte de placement sous perfusion, voire sous dialyse mais  ce qu’il faut, c’est la création des conditions propices à l’accès du plus grand nombre aux droits fondamentaux. A la complexité d’un monde très longtemps fondé sur la sacralisation de la propriété et à la recherche effrénée de l’accumulation des intérêts, il faut défendre l’émancipation ancrée sur l’accès du plus grand nombre aux droits fondamentaux.  Ne pas penser l’ émancipation et se  contenter de panser les blessures infligées par les politiques publiques hasardeuses et de maintien dans les aliénations sous toutes les formes ; c’est séculariser ce que j’appelle, le renforcement de l’indigénisation des zones rurales et des zones péri et suburbain. La réponse du politique ne saurait venir de la spéculation sur l’ignorance des gens par l’appel à la charité internationale ou à la commisération publique. Elle réside plutôt, dans l’aménagement du territoire, dont la construction de digues et/ou de remparts. Le tissu social s’est effiloché avec une telle gravité, qu’il vaut mieux penser  les solutions que de panser  en termes d’humanitaire d’urgence. La solution résulterait du fait de secouer et bousculer les ressorts de la raison pour trouver des leviers sur lesquels agir  que d’exciter les pulsions dans tous les sens .

                Le passé politique de ce pays le hante et ses mœurs politiques le font hésiter devant le présent notamment en matière de détection des facteurs d’émancipation [et non d’épanouissement] que le futur lui échappera. Il ne parviendra pas à accrocher son wagon au train de la mondialisation. Au seuil de la première décade du second cinquantenaire des indépendances, ce pays sombrera dans la frustration, la dépossession de son dessein et ses communautés prostrées dans la misère si l’on ne lui propose  pas  de projet propice en externalités positives, qu’il doit capturer.

 

Conclusion :

La Centrafrique concentre en elle toutes les pathologies les plus mortelles du continent africain. A quel devenir le préparent les acteurs de sa nombriliste démocratie ?  Deux situations ; endogène et exogène, invitent les mœurs et traditions politiques à arrêter la quincaillerie politique pour travailler au repositionnement socio-économique et politique ; c’est-à-dire commencer à explorer les voies,  pour  engager enfin, leur pays, dans la voie de la métamorphose dans les années à venir, en prenant la précaution de le doter surtout, d’un idéal de société et d’un pacte social .

 Situation exogène ; la situation géostratégique : Ayant pour voisins des pays ; non seulement nantis de pétrole mais également turbulents avec des visées pour l’ hégémonie régionale ;; Soudan, Tchad, Rép Démocratique du Congo et Congo Brazzaville, quel projet politique d’alternative inspirera les acteurs des futures élections !

 

Le manque de loyauté de l’armée régulière envers les dirigeants civils élus, ainsi que sa situation géostratégique en fait un pion idéal dans les rapports de force des puissances régionales.  Sur la scène internationale, la Centrafrique est peu visible et crédible. La conséquence de cette situation est que le pays peine à attirer des financements de grands bailleurs sauf la Françafrique et même les ONG humanitaires trouvent le pays répulsifs.

Situation endogène : L’absence total d’investissement dans les infrastructures et dans la construction du capital humain et du capital social. Les velléités de contestation de la forme de l’Etat ou des pratiques des différents régimes qui se sont succédés jusqu’alors au sein des élites ne sont que d’apparentes. Du jour au lendemain, ces élites se retrouvent ministres du pouvoir, qu’ils vilipendaient la veille. En réalité ils luttaient pour avoir une place au soleil que pour des changements sociaux en profondeur.  L’une des pathologies les plus mortelles d’Afrique que couve ce pays au travers de ses élites est l’idée ; très ancrées chez ces dernières et  selon laquelle on accède aux ressources, non par le travail et le mérite mais par la simple posture  politique même la plus sommaire, la plus approximative.

                Sans être présomptueux, je suis convaincu, que la construction du pacte social, comme levier d’émancipation aura une postérité politique dans les années à venir. En faire usage dans cette perspective consiste :

- D'une part à dépister toutes les ressources du territoire, les ressources humaines d'abord, puis les ressources matérielles. Ensuite les mobiliser . Enfin, les chefs de villages, de groupement villageois ; voire de grappes de villages , les députés seraient  mieux inspirés de devenir des catalyseurs du mouvement de rénovation des communautés locales que de parcourir l'Europe à la récupération de tous ce qui est usagé, pour aller panser les blessures infligées par l'incurie de l'Etat, qu’il faut inévitablement innover.

- Et d'autre part, le pacte social induit une refondation du mode de fonctionnement de l'Etat et, a vocation à servir de plateforme minimum qui inspirerait les politiques publiques représentés à l'assemblée nationale et les composantes les plus représentatives de la société civile.. Les vecteurs de la communautés locales que sont les chefs de villages, les maires des communes rurales et les députés ne sont plus les potiches des Préfets et autres ministres résidents mais sont d'authentiques partenaires et agissent pour la réussite de cette synergie. Quant à l'Etat, il doit cesser d'être envahissant là où l'on l'attend le moins, et être désormais présent, là où il est chroniquement et incurablement absent; c'est-à-dire inventer les régulations et le dialogue intersectoriel et instituer la sécurité des transactions du stade méso-économique au stade macro-économique.

        Je suis convaincu que l’oncle Sam, la Gaule et l'Union européenne, la CEMAC, la CEDEAO et les BRIC(S)  attendent un tel réveil de la part des Centrafricains, pour les années qui viennent.

 

Gervais Douba

Université de Rouen

Membre des réseaux entrepreneuriat AUF/OPPE

Président Symbiose Ingénierie Internationale [Consultant Entrepreneuriat-Territoire et Développement]



[1]  G. Douba « La transition, quand un concept interpelle son auteur . » Mars-Avril 2003 Livraison « Sangonet »

[2] G. Douba ; Centrafrique ; 50 ans d’Etat braqueur de République et de Démocratie 

[3]  Albert Einstein

[4]  Patrick Vinck ; la République Centrafricaine, pays où l’on meurt le plus vite en Afrique. Éditions InfoSud

Tribune, réflexion