Les variables d’ajustement du cinquantenaire des 17.

Théories , postures et hypothèses.

 

« Peut-on mettre une démocratie debout avec des hommes à genoux  ? »

 Célestin Freinet ( adaptation de Gervais Douba )

 

Le coup d’envoi des célébrations du cinquantenaire des  indépendances des 17 pays d’Afrique Francophones au Sud du Sahara a été donné à Dakar par l’élévation du monument de la Renaissance Africaine. D’avril à septembre, ce phénomène sera fécond ; aussi bien en évènements politiques qu’en tant que source d’inspiration d’œuvres artistiques et littéraires. Si nous appréhendons le phénomène dans sa dimension champ d’études, c’est parce qu’à l’observation du croisement de certains faits avec certains traits caractéristiques de l’ère postcolonial, le cinquantenaire manque de tropisme ; celui de la reconnaissance au monde rural des droits civiques face à l’inévitable mondialisation. La situation socio-économique des communautés humaines à l’échelle du village ; aggravée en cela par une quasi-absence de schéma directeur d’aménagement des collectivités locales, dès les premières lueurs de l’ère postcolonial, ne sont-elles pas de situations réduites à n’être qu’une variable d’ajustement des autocraties de prétention messianique, mais affichant une cosmétique de démocratie pour anesthésier les différentes démocraties formelles de l’occident et leurs organisations supranationales ? 

En croisant l’œuvre de René Dumont ;  «  l’Afrique Noire est mal partie. »  Et celle de Sembene Ousmane « les Bouts de bois de Dieu » les célébrations du cinquantenaire révèlent de façon ostensible la relégation des oubliés de la répartition des gains du temps de l’abondance et appelle ; interpellation et assignation, implication, et  métamorphose.

 

                I) Interpellation et assignation.

 

La prégnance des logiques autocratique à la prétention messianique a abouti à la pensée unique des pères des indépendances. De nombreux dirigeants des premières heures de l’ère postcolonial se sont autoproclamés « sages » et donc  paraissaient pour des « infaillibles »  Leur acharnement à s’enrichir sur le dos des pauvres paysans a engendré des mœurs et une culture politique quoi fait confiance aveugle, davantage aux allégeances qu’à l’expertise et à la culture de fabrique d’instruments de mesure et  d’évaluation. Les régimes postcoloniaux qui se sont succédés dans les 17 pays d’Afrique Francophone au sud du Sahara ont en commun  pour marque de fabrique, le contrôle autocratique du pouvoir, à caractère paternaliste et clientéliste. Les vagues de nationalisations des entreprises étrangères n’avaient nullement pour objectif d’éduquer et de former aux valeurs du marché a fortiori aux valeurs de l’Etat-marché que d’aucuns conviennent d’appeler «  Le capitalisme d’Etat ». Les structures scolaires et universitaires ; voire les dispensaires hérités de la colonisation ou nationalisés tombent en ruine par défaut d’entretien. La prétention messianique dont le corollaire est la pensée unique, a fait naître des partis uniques ; lesquels ont généré des partis-Etat. Les années 90 sont des années de déroute généralisée de la logique économique des 17 pays d’Afrique Francophone avec les conséquences humaines que l’on sait ; absence de logique sociale,  faillite de la compagnie intercontinentale et symbole des indépendances ;  Air Afrique et la dévaluation du Francs CFA.

Interpellons le cinquantenaire sur le bilan socio-économique et particulièrement sur la gestion des instruments et la culture d’évaluation puisque «  la notion de bonne gouvernance. » est devenue le « sésame ouvre-toi. » Des campagnes électorales.

Interpellons les opérateurs politiques. Par delà les célébrations, les dépendes prébendiers, et les politiques qui flattent les puissants et insécurisent les plus vulnérables ; véritables variables d’ajustement, peuvent-ils admettre que la réduction de la pauvreté passe par la réduction de l’écart de la distance créée entre le capital et le travail, la distance entre ceux qui possèdent en détournant les aides publiques et ceux qui ont faim, soif, qui sont sans toit et sans soins et pourtant sont des petits producteurs.

Enfin, sur le fondement de quelle théorie peut-on assigner l’ère postcolonial ? Loin de nous l’idée de sous-estimer les nombreux travaux et débats sur l’existence ou pas d’Etat républicain et démocratique dans certains des 17 pays d’Afrique Francophone. Nous, nous contentons ici de chercher à élucider les ressorts psychosociologiques et managériales qui ont présidé et présideront encore les mœurs et cultures politiques en vigueur dans les 17 pays d’Afrique Francophone au Sud du Sahara. L’élément déclenchant de notre questionnement est le suivant : Qu’est-ce qui fait que dans cette partie du continent Africain, l’accès au pouvoir par coup d’Etat et l’exercice du pouvoir par l’intimidation et/ou la torture soit d’une banalité déconcertante ? En cinquante ans, on compte plus de coups d’Etat dans les zones Francophones qu’Anglophones ? Pourquoi depuis les indépendances, l’armée et la religion entretiennent-elles avec beaucoup de succès des relations incestueuses avec le politique ? Laquelle des deux  théories du management peut rendre compte avec pertinence, cette complexité. Par le prisme de la théorie des faits, on peut penser que ceux qui arrivent au pouvoir ; quel que soit le moyen usité ! Quitte à amplifier le syndrome de la cocotte-minute ont combiner à la fois la théorie des faits et la théorie des traits. La théorie des faits renvoie à un certain type de comportement et la capacité à convaincre les parties prenantes pour réunir les ressources nécessaires à la réalisation du projet. L’émergence des oligarchies civiles et militaires en est une illustration. Cette théorie expliquerait la montée des phénomènes des forces occultes et sa contre partie qu’est le partage amical des ressources. Le référentiel de la tribu n’étant là que pour servir de voiture balaie ou de porte-nom de celui qui est politiquement le « pater familias ».

Mais il faut bien reconnaître une articulation entre la théorie des faits et la théorie des traits car, le comportement ne peut pleinement s’exercer que si son titulaire est possesseur de certains «  traits » ou certains «  désirs de maîtriser son propre destin, plus terre à terre comme la faculté d’endurance et de ténacité qui, sans être excessifs, semblent caractériser la propension à entreprendre [T. Verstraet ; 2002 :20] La combinaison de ces deux théories nous autorise à assimiler les auteurs de coups d’Etat et les fondateurs de partis politiques aux fieffés entrepreneurs, A ce titre, ils n’ont que faire des valeurs républicaines et démocratiques dès lors que ces valeurs ne leur permettent pas de rentabiliser leurs investissements ; à moins qu’ils ne les instrumentalisent.

Loin d’être une révélation, la mise en interdépendance des deux théories force notre travail,  à s’inscrire dans une démarche micro économique. Ainsi, il va consister à mettre en évidence un paradoxe à partir d’un questionnement. Pourquoi en dépit de sa situation d’abondance en matières premières et en produits de base, les 17 pays qui célèbrent le cinquantenaire de leur indépendance ont laissé les ONG  se substituer à eux sur plusieurs terrains dont le repérage des facteurs quantitatifs et qualitatifs de vulnérabilité des communautés humaines et des collectivités locales en milieu rural et la préconisation des pistes reposant sur des bases épistémologiques et techniques  pour des  changements?

Les acteurs de la solidarité internationale se sont mués en prothèses pour dirigeants snobes, aristocrates et falots, ne se préoccupant nullement de se donner des outils  et plan de gouvernance quant à la problématique de lutte contre la pauvreté en milieu rural,  alors qu’ils partaient pour servir de béquilles dans la lutte contre la faim et pour le développement.

Quant au paradoxe, d’une part, ont-ils cherché à comprendre pourquoi les populations pauvres ne sont manifestement pas satisfaites de la qualité de la gouvernance dont font preuve les dirigeants qu’elles ont pourtant élus et de l’autre, ces populations préfèrent court-circuiter les  canaux officiels d’un Etat apparemment Républicain et démocratique pour essayer de trouver des solutions à leurs problèmes existentiels. Comment expliquer que le fait que les institutions Républicaines et démocratiques  se préoccupent davantage de maintenir les pauvres et les petits producteurs dans une relation clientéliste que de leur faire acquérir certaines capacités essentielles qui font éclore l’émancipation citoyenne et l’accès à l’autonomie ? Ce paradoxe qui anime les pauvres, somme et assigne les institutions  Républicaines et Démocratiques, à inventer des mécanismes et à trouver les moyens pour travailler en leur faveur. 

L’échec relatif des politiques publiques mises en œuvre dès le lendemain des indépendances et dont les logiques et insuffisances ont relevé de façon prémonitoire par René Dumont ont désormais une assise mathématique([1]) Selon l’auteur, le développement générateur de facteurs d’émancipation et d’accès à l’autonomie se définit selon la formule suivante : Développement = FS+ FD- FI 

-         FS représente le facteur social ( la possibilité de construire le bien-être ou le capital humain et le capital social)

-         FD représente le facteur démocratique ( la promotion et la défense des droits civiques et humains, le droit reconnu aux personnes de participer et de s’impliquer dans les décisions le concernant)[ Approche par capabilité ] développée par A. Sen mais c’est aussi une mise en œuvre de l’Article 23 al 3 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme qui dispose «  Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine »

-         Et le FI . Il représente impérial c’est-à-dire le droit des nation à disposer d’elles-mêmes et à être libres de toute domination impériale

A propos du FI, le principe de la souveraineté des Etats sur leurs ressources naturelles, dans le cadre des débats dénonçant le déséquilibre des termes de l’échange a été largement dévoyé et bifurqué par les Etats d’Afrique Francophone au Sud du Sahara dans leur fumeuse politique clientéliste d’Africanisation des cadres. Soustraire le FI  revient à en faire un modérateur, un régulateur plutôt qu’un obstacle ; parlant d’auteurs de forfaiture, de concussion et de prédation de l’aide publique au développement.

 

 

 

 

2) Implication et participation  :

 

Quand la pauvreté a fait des nids de poule dans les grandes avenues de l’ère postcolonial, vers la fin des années quatre-vingts au point de provoquer le vacillement des pouvoirs, de nombreux sages autoproclamés ont réduit  la crise à une crise conjoncturelle.  Ces derniers ont voulu montrer que malgré la dureté des temps, ils ont la situation en main.

Ils étaient loin d’imaginer que les effets des Trente glorieuses allaient, à l’image d’une avalanche, engloutir les intérêts  de l’ensemble des Trente mafieuses se trouvant au-delà aussi bien des Pyrénées que de la méditerranée.  . Les plans d’ajustement structurels se sont imposés alors que les nantis disaient aux petits producteurs ; non par démagogie, mais par autisme par rapport à l’avancée de la mondialisation et par cécité politique car soutenaient à leur corps défendant, la thèse de la nature conjoncturelle ; donc passagère de la  crise conjoncturelle,. Ils passaient leur temps à conjecturer sur la conjoncture ; faisant ainsi de l’ailleurs, le paradis, lieu d’espoir et d’ici ; l’ennemi, l’enfer. 

La courbe de croissance des prix des matières et des produits de base  a chuté de façon vertigineuse. Les plans d’ajustements structurels imposés par les institutions financières internationales ont révélé avec violence,  les variables d’ajustement.  Comme si les  dirigeants demandaient à la pluie de tomber comme elle veut mais de ne pas les mouiller, ils ont organisé à leur corps défendant l’appauvrissement exsangue de leur pays. Ils ont commencé à s’offrir des hôtels particuliers et autres appartements de grands standing en Europe et ailleurs alors que les prix des produits de première nécessité s’envolent. Les bourses d’études, les recrutement dans la fonction publique, l’entretien des structures héritées de la colonisation sont gelés et ne rentrent plus dans la catégorie d’investissement productif.  Seuls les programmes dits de « situation d’urgence humanitaire » et/ou de « situation post conflit » reçoivent des financements internationaux. On a assisté à la montée des phénomènes d’enfants soldats ; filles et garçons et à l’immigration clandestine des jeunes diplômés en complète déshérence vers l’Europe et cela au péril de leur vie , pendant que le fléau de la corruption gangrénait le lien social. 

Pourquoi ? Durant le temps des vaches grasses, l’oligarchie n’a jamais impliqué les petits paysans ni n’a organisé leur participation aux échanges internationaux en dehors des systèmes de stabilisation à géométrie variable. L’élite pensait pour eux et agissait à leur place. Dans le référentiel de l’ère postcolonial, les termes « implication », « entrepreneuriat rural ; clé de voûte de développement local ou levier de développement », « attractivité territoriale et empowerment des communautés  humaines et des collectivités » n’existaient pas. Dès lors que ces termes induisaient des démarches d’innovation dans les des modes et méthodes de production ou risquaient de favoriser telle ou telle région qui n’est pas en odeur de sainteté pour le Chef d’Etat et ses courtisans.

Les 17 qui célèbrent le cinquantenaire de leurs indépendance n’a pas réussi le décryptage d’un monde qui se mue. De nombreux auteurs ont tenté d’analyser les causes profondes de la vague des indépendances des années 60. Ils soutiennent majoritairement la thèse de la récompense aux ex-colonies pour leur participation aux guerres mondiales mais ouvrent en même temps le débat sur la place de l’Afrique au Sud du Sahara dans le monde, qui se reconfigure sous l’emprise de la coexistence pacifique et de la guerre froide.

On peut déduire de cette thèse que les territoires indépendants devraient plutôt être administrés que gouvernés ; en d’autres termes devraient rapporter et non représenter un coût. Dés le départ, les territoires nouvellement indépendants étaient des variables d’ajustement  selon l’approche des puissances ex-colonisatrices. La logique du marché était fortement imbriquée à celle de la politique et chaque fois que les intérêts économiques étaient potentiellement menacés ou en voie d’être compromis, les représailles et autres capacités de nuisance sont déployées sans ménagement.

Il appartenait à l’ère postcolonial de décortiquer, de décrypter les facteurs  dont la conjonction serait aggravant. Parmi ces facteurs, la persistance de la non-implication des populations dans l’esquisse des desseins politiques, le fait de les contraindre à ne pratiquer que les cultures dites d’exportation au détriment des cultures vivrières, parce que celles-ci ne sont pas cotées en bourse. A ces facteurs, se sont ajoutés d’autres relevant des politiques publiques telles l’absence d’aménagement du territoire, d’identification des leviers de transformations sociales au niveau des territoires de proximité [ Alfred Sauvy et la théorie du déversement ] L’ère postcolonial  n’a fait que relayer sinon amplifier les variables d’ajustement. Bien qu’il ait valsé et vacillé entre les trajectoires de développement ; endogène ou exogène, intégré ou par promotion des produits d’exportation, rien de significatif, en terme d’implication et/ou de participation des populations n’a été défendu et promu. L’éducation et la formation au développement n’ont pas droit au chapitre, sur le plan dotation budgétaire ni sur le plan dialogue intersectoriel ; c’est-à-dire la fertilisation croisée entre le secteur formel et le secteur informel. Dans ce second secteur ; grand utilisateur de main d’œuvre, le travail n’est pas qualifiant car, n’est ni débouché ni impasse pour ceux qui s’y aventurent. L’ère postcolonial n’y a pas vu des raisons d’y développer des emplois qualifiants et pérennes  notamment par la voie de l’apprentissage. Dans certains pays, les formations techniques et agricoles sont de véritables voies de garage et donc des mines à ciel ouvert de variables d’ajustement. En revanche, dans d’autres pays, l’ère postcolonial a mis du temps comprendre les enjeux d’une participation des petits producteurs  mais a initié des  expérimentations encourageantes [ François Perroux et la distinction entre pôle de croissance et pôle de développement ; des îlots qu’il faut relier par un pont]

Si l’implication et la participation  ne sont pas  présentées en tant que théorie et posture dans une approche citoyenne fondée sur la recherche de potentialités entrepreneuriales des communautés  humaines et des collectivités territoriales, les 17 célébreront le centenaire, non en tant que partie prenante à la mondialisation  mais dans une attitude de rejet global et de victimisation

 

3) Métamorphose plutôt que renaissance.

 

La récente réplique des responsables politiques du continent  aux exigences du Consensus de Washington qui a consisté à se jeter, sans filet de sécurité dans les bras de la Chine, est ubuesque.

 

Rejeter massivement et de façon folklorique le Consensus de Washington, pour s’abriter sous le parapluie de l’empire du milieu au motif que ce dernier pratique une coopération gagnant-gagnant et ne conditionne pas cette coopération aux respects des droits de l’homme, est fort de petitesse ; étant donné que l’expression ne porte aucune opportunité qui préparerait les plus vulnérables à s’émanciper et à accéder à l’autonomie.

 

La notion de « coopération gagnant-gagnant  » est frise l’élixir et se rapproche d’un oxymore dans le discours sur les échanges internationaux des dirigeants des 17. Ils semblent découvrir cette notion comme ils  parent de toutes les vertus celle de « bonne gouvernance » En effet, cette notion est le résultat de tout un processus et de production concertée de deux organismes à savoir le Népad et le MAEP. [ Mécanisme africain d’Evaluation par les Pairs] Si le Népad ; a vocation économique telle que l’est l’OCDE en Europe occidentale se veut un laboratoire d’élaboration de concepts et d’instruments – le renforcement des capacités humaines et organisationnelles en est la parfaite illustration- le MAEP est inconnue des non initiés. Sorte d’arbres à palabre pour chefs d’Etat, le MAEP réunit les experts africains sous la houlette des quelques doyens d’âge encore en place ; en somme ceux qui s’autoproclament « sages ». C’est une congrégation où l’on se copte et qui jouerait le rôle de « Conseil » ou « d’accompagnateur ; voire de « coach » pour les dirigeants inexpérimentés. Le MAEP  prétend se substituer à la coopération française et constitue le rempart contre l’apocalypse qu’incarnaient les experts et autres conseillers ; prophètes du dogme du Consensus de Washington et ses bras armés que sont , la Banque mondiale et le Fonds monétaire internationale. Non contents de se voir imposer le mécanisme d’ajustement structurel et la dévaluation du Franc CFA, la riposte des leaders des 17 a été de faire émerger le MAEP .  C’est sur la base des recommandations du MAEP et du Népad que se sont organisés simultanément le divorce avec la France et l’amorce d’une cohabitation avec l’empire du milieu ; le tout arrivant au moment où se renouvellent les accords de défense avec l’ancienne métropole.  

 

C’est dans ce contexte qu’il faut placer la grande kermesse de Pékin, lequel entre frontalement en compétition avec le sommet France-Afrique ; bien que le premier n’ait de valeurs et de signification -en référence au file rouge de cet article-  que pour remettre en mémoire le tristement célèbre sommet de Bandung de 1956 des non alignés. Au fait, qu’est devenu le slogan  confus et diffus de ‘non aligné » depuis l’écroulement du pacte de Varsovie. Sa seule utilité a été d’offrir des tribunes à des tribuns hors paires et d’avoir permis à l’empire du milieu d’alors de s’inscrire dans le registre du plus grand  pays du Tiers monde. Quel effet bénéfique le continent en général et les 17 en particulier ont-ils tiré de cette Kermesse, pour être utile aux variables d’ajustement ? Par rapport au cénacle de Pékin, qui n’a rien de tropisme, les 17 seraient mieux inspirés de lire deux  fables :

 

Le 1er renvoie à la fable du Baudet et son maître  quant à la tentation de changer de maître. On, sait ce qu’on change d’emprise mais le changement n’entraîne rien en terme d’amélioration du sort. Quant à la seconde fable, elle porte sur les règles du jeu  de coopération gagnant-gagnant  rédigées par le chat, la souris et la belette. 

 

Durant les cinquante ans qui sont entrain de s’écouler, la politique dans les 17 pays d’Afrique Francophone  n’est pas la science qui consiste à rendre intelligibles les rapports empiriques entre les différents pouvoirs et autorités  au sein d’un même espace.

 

Désarmée de tout caractère scientifique par les acteurs, elle a été réduite à n’être qu’un instrument d’accaparement des richesses et de concentration des pouvoirs. Sous prétexte de singularité, les pères de la nation se sont empêtrés dans un syncrétisme confus et diffus et qui a fini par rendre l’Afrique au Sud du Sahara insulaire par son archaïsme et démunies de toute potentialité d’adaptation et de réactivité au monde moderne qui l’environne. On dit des cultures africaines que contrairement aux cultures asiatiques et latino-américaines, elles sont inertes et misonéistes à la création d’entreprise ; au point que l’on dénie à l’Afrique au sud du Sahara toute capacité à s’approprier les valeurs républicaines et démocratiques. La marque de fabrique de l’Afrique de l’ère postcolonial est d’essaimer les usages et cultures politiques du soupçon, de la trahison et de l’ostracisme tous azimuts. On a assisté ; durant le cinquantenaire à la banalisation de la torture des adversaires politiques comme méthode de gouvernement et multiplier des manœuvres dilatoires pour s’incruster aussi longtemps que possible au pouvoir, tout en claironnant le mot «  démocratie. »

 

Pour le centenaire des indépendances, il convient d’agir pour que la politique au sens scientifique serve ; non pas à démunir la force de la tradition et à émasculer les savoirs locaux mais  à accompagner les petits producteurs dans leurs démarches d’appropriation progressive des leviers de transformation de leur quotidien. Le cheminement vers le premier centenaire des indépendances passe inéluctablement par la rationalisation des pratiques politiques c’est-à-dire l’élucidation des facteurs de pauvreté, la non-assimilation de la pauvreté à une condamnation divine. Il est question de se servir des instruments scientifiques qu’offre la science politique pour élucider les causes et les effets de la pauvreté et non pour lutter contre le pauvre ; au point d’en faire un paria.. L’autre dimension  de cette approche de la politique est de rendre lisibles les différents niveaux d’imbrication des communautés et collectivités, d’abord au niveau interne et ensuite leurs intrications avec le reste du monde ; ce que nous appelons le reste de la communauté internationale.

 

L’interdépendance de l’imbrication et de l’intrication  n’a pas fonctionné et sans être réducteur, a généré la relégation de cette partie de la planète à la périphérie du monde civilisé. Il ne s’agit point de « renaissance » mais de créer les conditions propices à une métamorphose plutôt qu’une révolution. Révolution ou renaissance ou réveil induit une marche forcée vers un état sous l’impulsion des autocrates.[ Travaux de Karl Popper sur la société ouverte et la société fermée ] La renaissance implique une procédure ; parfois contre nature et sans la participation volontaire et l’implication des personnes concernées. A titre d’exemple, le discours  portant sur la bonne gouvernance.

 

Le management en Afrique ; une composante de la bonne gouvernance, est un management d’injonction  paradoxale et de prescription violente. Ce n’est pas un management de régulation, d’incitation..

 

En revanche, la métamorphose implique la participation de chacun en fonction de ses moyens, par la prise en compte des données de la nature. Même si la métaphore est empruntée à l’animal ([2])  la métamorphose relève plutôt du processuel que du procédural.

 

Le tropisme qui doit animer les  initiatives et les orientations des politiques publiques devra être est la nécessaire participation des 17, à la réalisation d’au moins 4 sur les  8 Objectifs du Millénaire pour le Développement, L’Afrique au sous-sol riches en matières premières  est sommée  d’arrêter de vaciller entre entre la Chine et l’Europe, pour commencer à rendre ses territoires attractifs et capter les externalités technologiques que lui offre opportunément les ONG et les autres médiateurs  La réalisation des objectifs du millénaires pour le développement  fait injonction aux dirigeants actuels de prêter une attention majeur aux mineurs par l’éradication des phénomènes tels les enfants soldats et les enfants Talibeys et la recherche d’une réponse pertinente et adéquate à la pénurie des enseignants. Selon une récente étude ([3]) il faudra 2,3 millions d’enseignants en Afrique Subsaharienne d’ici 2015.

 

 

Conclusion

 

Nous lançons un appel au coup d’envoi du  premier centenaire des indépendances des 17 en ces termes. Loin d’être utopique ,l’enjeux pour le premier centenaire des indépendances réside d’une part dans la ferme volonté d’arrêter d’être des pupilles des ONG et de la communauté internationale et d’autre part de faire de la participation et l’implication, le moteur de la métamorphose, si l’on est tenté d’accrocher cette région de la planète au wagon de la mondialisation..

S’agissant du statut de pays indépendants mais pupille. Ce n’est pas avec des diagnostics approximatifs et réducteurs des situations politiques internationales complexes que l’on aura la levée du statut actuel d’Etats dits politiquement indépendants mais pupilles de la communauté internationale et économique sous perfusion pour certains et complètement sous dialyse pour d’autres. L’appel des ONG pour l’annulation de la dette est un geste de charité au sens Alfred Sauvy du terme mais il faut lui donner sa mesure ; il s’agit de vider l’océan de la pauvreté et de l’ignorance avec une louche.

Pour ce qui est de la participation et de l’implication comme étape de métamorphose tant des communautés humaines que des collectivités territoriales en milieu rural, la solution à cette problématique ne réside guère dans le fait de se jeter cupidement dans les bras de l’empire du milieu après avoir pactiser longtemps avec le club de Rome et le Consensus de Washington . La réponse réside dans le processus de démarginalisation des pauvres par la reconnaissance de leurs droits de propriété et la sécurisation des transactions étendue au secteur informel. [ Travaux de Hernando de Soto ]

 C’est la conjonction des deux qui engendrera  indépendances  et créativité . La lutte contre la pauvreté et pour le triomphe des droits civiques en vue de faire naître le développement ; aussi bien humain que matériel ne réside pas, dans l’élévation autocratique des monuments de renaissance de l’Afrique ou dans la construction des basiliques de prestige, qui ne génère aucun levier de transformation sociale et sociétale. Cette lutte ne passe pas non plus par un maintien du pauvre dans la résignation et l’asservissement par l’alimentation de ses pulsions et ses peurs ; en tant que variables d’ajustement,  mais par l’aiguisement  de sa raison et sa créativité. 

 

Gervais Douba



[1] )  Yash Tandon « En finir avec la dépendance à l’aide » Publication du CETIM n° 34  nov 2009.

[2] ) [ Prof Austruy  «  La chenille et le papillon et le prof Edgar Morin ; la métamorphose dans Sciences Humaines ] 

[3] ) Jean-Marc Bernard «  La scolarisation va marquer le pas en Afrique noire ; il faudrait 2,3 millions d’enseignants en Afrique Subsaharienne d’ici 2015 » Rubrique Planète du journal Le Monde quotidien du 9 décembre 2009.