Séropositivité: la peur de savoir prime sur la possibilité de soins

BANGUI, 13 fév (AFP) - 9h29 - En Centrafrique, la peur de connaître son statut sérologique, surtout parmi la population masculine, prime sur la possibilité de se faire soigner à temps en cas de dépistage positif, relèvent les milieux médicaux et socio-économiques.

"En deux ans, j'ai vu près de 10% de mes employés mourir du sida. Ils peuvent bénéficier de tests gratuits, mais ils préfèrent se voiler la face", déplore un responsable d'entreprise à Bangui. "Comment les aider à se faire soigner s'ils refusent de savoir?".

Selon les chiffres de 1999 de l'Onusida, le taux de séropositivité est de 14% en RCA. Mais, pour le le Dr Marcel Massanga, chef de la section épidémiologie au Centre national de lutte contre le sida (CNLS), il y a eu "à l'époque une sous-estimation" du problème.

Même si elle ne peut être extrapolée à l'ensemble de la population, une étude préliminaire, bouclée fin 2002, fait état d'un taux de séroprévalence de 17,5% chez les femmes au plan national, avec une nette augmentation dans les zones rurales.

La connaissance d'un statut sérologique positif ouvre fréquemment la porte au drame, surtout pour les femmes qui acceptent pourtant le test plus facilement que les hommes, observe Louise Somoni, conseillère familiale dans une maternité de Bangui.

"Certaines n'ont parfois pas le courage d'annoncer un résultat positif à leur compagnon. Des hommes vont jusqu'à quitter leur femme enceinte si elle se révèle séropositive. (...) Il nous arrive d'en convoquer (des hommes) pour les responsabiliser", dit-elle.

Cette volonté délibérée d'ignorer la réalité n'est pas spécifique aux milieux populaires. "Dans les milieux aisés, c'est la même chose. Et, pourtant, ce sont souvent les plus atteints car leurs revenus les prédisposent à la multiplication de partenaires" dans un contexte de paupérisation accélérée, s'inquiète un chercheur.

Outre le fait que "les gens n'en parlent pas" et qu'il faudrait parvenir à opérer "une véritable révolution mentale", "un des handicaps majeurs de la lutte contre le VIH en RCA, assure-t-il, c'est ce qu'on appelle le fatalisme africain: +il faut bien mourir de quelque chose+..."

Sur une population évaluée à 3,7 millions d'habitants, au moins 25.000 personnes décèdent chaque année du sida, le pays compte 110.000 orphelins du fait de la pandémie et "plus de 300.000 personnes sont contaminées", décline le Dr Massanga.

"En médecine générale, deux tiers des lits sont occupés par des patients contaminés. 60 à 70% des porteurs du virus ont développé la tuberculose", affirme le médecin pour qui "le VIH est devenu un problème de survie des Centrafricains".

Il est vrai que même si le prix des anti-rétroviraux a baissé depuis octobre, il reste prohibitif pour la majorité: 20.000 FCFA, soit environ 30 EUR par mois.

Avant le déclenchement de la rébellion à l'automne dernier, seulement 45% de la population avait accès aux soins de santé primaire. Depuis, le pays est coupé en deux: l'est n'est désormais accessible que par avion depuis Bangui, tandis qu'au nord et au nord-ouest, de vastes territoires sont contrôlés par la guerilla.

Pour le responsable du CNLS, "il nous faut absolument développer les actions de proximité, surtout en zone rurale. Mais avec la situation actuelle, tout devient encore plus difficile".


Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 14