Bozizé est "venu avec les armes nous libérer de la misère"

BANGUI, 27 mars 2003 (AFP) - 12h12 - Militant des droits de l'Homme, Jean-Marie Makoudou mobilise son quartier pour la grande marche prévue vendredi à Bangui en soutien au général François Bozizé, au pouvoir depuis son coup d'Etat du 15 mars en Centrafrique.

"Depuis trois jours, nous sensibilisons les gens pour qu'il viennent massivement. Nous espérons être 300.000", explique M. Makoudou, trésorier de la Ligue centrafricaine des droits de l'Homme pour le 7ème arrondissement de la capitale.

Attaché aux principes démocratiques, ce militant associatif reconnaît le paradoxe de son action. Mais il veut croire avant tout que le général Bozizé "est venu avec les armes nous libérer de la misère".

"Nous allons l'aider avec notre marche. Après, ce sera à lui de nous aider, de payer les arriérés de salaires des fonctionnaires, les bourses, les pensions. Le gouvernement doit demander aux bailleurs de fonds de faire cela pour nous", explique-t-il.

Le discours est simpliste. Mais en moins de deux ans et autant de coups d'Etat manqués, Jean-Marie Makoudou a perdu son travail, son épouse, et son honneur.

"Nous les Centrafricains, on ne croit pas à la politique. Si tu payes bien les gens, qui va aller perdre son temps à aller discuter dans un parti politique? Tu pourras gouverner longtemps", relève-t-il.

Lors du putsch manqué du 28 mai 2001, il quitte quelques jours la capitale avec sa famille pour se réfugier sur l'autre rive du fleuve Oubangui, en République démocratique du Congo (RDC) voisine.

Comme 25.000 Banguissois, il fuit la répression des forces loyalistes au président Ange-Félix Patassé, qui sévit dans les quartiers du sud de Bangui, supposés complices de l'auteur du putsch, l'ancien président André Kolingba.

A son retour, sa maison a été intégralement pillée et les 2.400 poulets de son élevage disparus. Cette activité familiale rapportait au foyer environ 80.000 francs CFA par mois. "Avant, on était pauvres mais ça allait. C'était pas encore la misère", se souvient-il.

M. Makoudou s'est mis à cultiver un jardin potager pour nourrir les enfants. "Ma mère nous apportait deux ou trois bassines de manioc par mois".

Puis est venu le coup d'Etat du 25 octobre 2002, première tentative manquée du général Bozizé, férocement réprimée par les rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC), alliés au régime Patassé.

Son épouse, partie rendre visite à sa mère, au nord de Bangui, à eu le malheur de croiser en chemin cinq de ces "va-nu-pieds", qui l'ont violée, comme apparemment beaucoup de femmes des quartiers nord.

"Elle a eu des infections. Elle ne voulait plus manger. Les médecins m'ont dit qu'elle était séropositive. Elle est morte le 11 janvier", raconte M. Makoudou. "Longtemps, je n'en ai parlé à personne. A cause de l'humiliation. C'était vraiment trop".

Jean-Marie Makodou dénonce le régime précédent: des diplômés sans travail, faute d'appartenir au parti au pouvoir ou aux bonnes ethnies, des salaires pas payés, la misère, la corruption.

"Quand tu vois celui avec qui tu as étudié rouler dans une voiture de 50 millions de FCFA (75.000 euros), bâtir une belle villa, pendant que toi, tu restes à pieds et que tu n'as pas 10 FCFA (1,5 centime d'euro) pour payer un cachet d'aspirine à ton enfant, ça te rend malade", dit-il.

Le 15 mars, lors du coup d'Etat de Bozizé, les Banguissois ont laissé exploser leur frustration dans une liesse destructrice. Les pillages ont été massifs, visant d'abord les maisons des dignitaires.

"La population veut un changement radical, conclut M. Makodou. Nous voulons un régime qui ait le sens du travail, qui comprenne qu'il est là pour tout le monde et pas seulement pour son clan".