"Bozizé libérateur!": Bangui fête en masse son jour de gloire

LIBREVILLE, 28 mars 2003 (AFP) - 16h46 - "Nous sommes libérés! Nous sommes Libérés! Nous sommes libérés!". A perte de vue, l'avenue Barthélémy Boganda, en plein centre de la capitale centrafricaine, n'est plus vendredi qu'une immense marée humaine.

Environ 100.000 Banguissois, jeunes ou vieux, femmes aux pagnes colorés, hurlent, chantent et dansent leur jour de gloire, agitant des branchages au milieu des sifflets ou des tam-tam.

Ils ont convergé depuis le matin de tous les arrondissements de Bangui pour célébrer la "Révolution du 15 mars" et apporter leur soutien au général "Libérateur" François Bozizé, qui a chassé le président élu Ange-Félix Patassé.

"C'est pour prouver à l'opinion internationale que ce qui s'est passé en RCA était un mal nécessaire", explique Urbain Randall, membre du service de sécurité de la marche.

En début de matinée, les marcheurs des quartiers sud, riverains du fleuve Oubangui, ont fait halte devant l'ambassade de France pour entonner l'hymne national centrafricain: "Brisons la misère et la tyrannie..."

"Oui à la réconciliation nationale", proclame leur banderole. Leur groupe ne cesse de grossir en avançant vers le centre.

Devançant les différents cortèges, des enfants des rues en haillons font des galipettes sur le bitume, sous le regard placide de policiers sans armes ou de commerçants.

Le nouveau Premier ministre, Abel Goumba, costume vert sombre, protégé du soleil brûlant par une femme portant une ombrelle, dépose une gerbe au pied de la statue de Barthélémy Boganda, père de la Nation centrafricaine, dont il fut le compagnon de lutte pour l'indépendance.

Devant les chefs des partis de l'ex-opposition, le doyen de la classe politique prononce un discours sobre au porte-voix, appelant chacun, "après l'enthousiasme", à s'atteler à "l'immense tache" de la reconstruction.

"Il faut qu'on fasse aussi de ce pays le pays des hommes intègres", commente l'opposant Paul Bellet, en référence à la Révolution burkinabè de Thomas Sankara.

Mais le gros de la foule, impatiente, n'a pas attendu le discours et s'est déjà déversé vers le stade Boganda.

"FMI, oui! avec Bozizé, libérateur de la RCA", "Patassé, profiteur, démagogue, opportuniste, criminel!", proclament les pancartes.

"Amenez-nous Patassé, on va le manger!", hurle un jeune qui porte une affiche électorale du président déchu dont il a découpé les yeux, la bouche et la barbiche. Un autre manifestant se promène avec un singe habillé en laisse.

Le flot compact et rapide s'écoule pendant une demi-heure. "C'est historique. Du jamais vu en Centrafrique", commente depuis son balcon Mathurine, secrétaire comptable dans une société d'informatique.

"C'est à cause de la misère et de la dictature. A un moment, les gens ne pouvaient plus supporter. La souffrance a amené le peuple à dire +non+".

Le cortège disparaît. Mais déjà s'en profile à autre à 400 mètres, et l'avenue Boganda est à nouveau remplie jusqu'à l'horizon.

Plus tard, sur l'esplanade du stade Boganda, la foule a fondu sous la chaleur pour la fin de la manifestation. Un orchestre de rumba congolaise improvise des airs à la gloire du nouvel homme fort.

L'arrivée sous bonne escorte du général trois étoiles en treillis soulève une grande ovation. Bozizé s'asseoit à l'ombre d'une tribune improvisée, aux côtés de son Premier ministre.

Souriant, il écoute les félicitations et les conseils des chefs des partis politiques, des représentants des jeunes, des femmes, des opérateurs économiques, des confessions religieuses.

Le délégué des jeunes lui lance: "il vous est fait obligation de vous méfier des rapaces et de faire appel à des gens compétents".


Marche de soutien: test de popularité réussi pour le nouveau pouvoir

BANGUI, 28 mars 2003 (AFP) - 16h04 - Du jamais vu en Centrafrique: plus de 100.000 personnes ont défilé vendredi dans le calme à Bangui en soutien au général centrafricain François Bozizé, auteur du coup d'Etat du 15 mars, qui les a appelés à remettre le pays au travail.

L'importance et le caractère pacifique de cette marche de soutien constitue un succès populaire incontestable pour le nouveau régime qui a renversé le président élu Ange-Félix Patassé dans un putsch officiellement condamné par la communauté internationale.

Dès 07h00 locales (06h00 GMT), des dizaines de milliers de personnes ont convergé vers le centre en cortèges séparés venus des différents quartiers de la ville, à l'appel de la Concertation des partis politiques de l'opposition (CPPO) et de nombreuses associations.

"Bozizé libérateur", "nous sommes libérés", criait la foule. Sur une banderole, on pouvait lire: "la révolution de la RCA (République centrafricaine) a eu lieu le 15 mars 2003".

Dans une ambiance bon enfant, les marcheurs se sont rassemblés au monument à la mémoire du père fondateur de la Centrafrique, Barthélémy Boganda, où le Premier ministre Abel Goumba a fait sa première intervention officielle depuis sa désignation.

"Il faudra que notre propre effort de reconstruction soit visible avant d'en appeler à la communauté internationale, une communauté internationale à qui j'exprime la reconnaissance de tout le peuple centrafricain pour les aides qu'elle nous apportera dans cet effort", a-t-il déclaré.

"Mais l'appauvrissement du pays est tel qu'aucun résultat spectaculaire ne doit être attendu dans des délais rapides", a averti le chef du gouvernement de transition.

"C'est une renaissance de la RCA qui commence. Nous avons besoin du soutien de tous les compatriotes pour retrouver l'unité mise à mal, pour reconquérir notre dignité foulée aux pieds par des hors-la-loi", a ajouté le Premier ministre surnommé "mains propres".

Ces cortèges se sont ensuite fondus en un unique défilé jusqu'au stade Boganda où la foule a ovationné le général Bozizé.

Dans un vacarme indescriptible, le président autoproclamé, en tenue militaire, a dû effectuer à pied la centaine de mètres pour accéder à la tribune, malgré les efforts de son service d'ordre qui tentait d'écarter la foule compacte pour permettre le passage de son véhicule.

Il a clos la grande marche par une première déclaration publique en langue nationale, le sango, au cours de laquelle il a félicité les manifestants et les a invités à se mettre au travail. "Il n'y a qu'un seul remède pour relever le pays: le travail, rien que le travail", a-t-il martelé.

"La communauté internationale peut maintenant savoir qu'en RCA, la population est unanime à vouloir le changement", a-t-il dit.

"Le pays était tombé par terre. Il était pillé. Le jeu démocratique n'était pas respecté. Nous avons beaucoup souffert. Mais je vous assure, nous avons beaucoup à faire pour le relever. Maintenant, le vrai changement est là", a-t-il assuré.

En milieu de journée, la manifestation s'est dispersée dans le calme. Echaudées par les pillages massifs commis dans la foulée du coup d'Etat, les nouvelles autorités avaient mis en garde les éventuels fauteurs de trouble. Des gendarmes sans armes apparentes encadraient la manifestation en plus du service d'ordre.

De l'avis de nombreux témoins, la capitale centrafricaine n'avait jamais connu une manifestation d'une telle ampleur, y compris lors du renversement de l'empereur Jean-Bedel Bokassa en 1979.


Le général Bozizé félicite les manifestants et les invite au travail

BANGUI, 28 Mars 2003 (AFP) - 15h27 - Le général François Bozizé a clos une grande marche organisée vendredi à Bangui en soutien à son coup d'Etat du 15 mars par une première déclaration publique en langue nationale, le sango, au cours de laquelle il a félicité les manifestants et les a invités à se mettre au travail.

"Je vous félicite, je vous félicite, je vous félicite", a déclaré le général Bozizé, ovationné par les manifestants, dans une brève intervention, sa première déclaration publique devant les Centrafricains depuis son discours à la nation retransmis par les médias d'Etat au lendemain du coup d'Etat.

"La communauté internationale peut maintenant savoir qu'en RCA, la population est unanime à vouloir le changement", a-t-il dit.

"Le pays était tombé par terre. Il était pillé. Le jeu démocratique n'était pas respecté. Nous avons beaucoup souffert. Mais je vous assure, nous avons beaucoup à faire pour le relever. Maintenant, le vrai changement est là", a-t-il assuré.

"Il y aura beaucoup à faire au Conseil national de transition, au gouvernement national de transition", a poursuivi le général Bozizé. "Et c'est pourquoi j'ai décidé de confier le poste de Premier ministre à un homme d'expérience, un homme honnête, que personne ne peut tromper et qui est intègre".

"Comment s'appelle t-il ?", a demandé le président autoproclamé à la foule qui a répondu: "les mains propres" (Maboko a vourou, en sango). "Pour ceux qui ne le connaissent pas, je vais leur présenter le Pr (Abel) Goumba", a dit le général tandis que son Premier ministre se levait et remerciait les manifestants pour leurs applaudissements nourris.

Le général Bozizé a réaffirmé que le gouvernement sera composé d'"hommes intègres, honnêtes et travailleurs (...) Nous allons nous atteler à la reconstruction du pays. Mais il faut que la RCA retrouve la paix, l'unité, et que Bangui redevienne Bangui la Coquette (NDLR: surnom de la capitale). Unis dans la paix, la concorde, sans démagogie, nous allons relever notre pays", a-t-il conclu avant d'ajouter: "il n'y a qu'un seul remède pour relever le pays: le travail, rien que le travail".

Le président autoproclamé a pris la parole après les interventions des organisateurs de la marche, la Concertation des partis politiques de l'opposition (CPPO) et de la principale formation de l'opposition parlementaire dans l'Assemblée nationale dissoute, le Rassemblement démocratique centrafricain (RDC) d'un ancien président, André Kolingba. Des représentants de la société civile se sont aussi exprimés.

Un orateur a également pris la parole en soutien au général Bozizé au nom du groupe des partis centristes. Mais il a été hué par les manifestants pour lesquels ces partis étaient de fait des partisans du président déchu Ange-Félix Patassé.

Organisation politique - "15 mars 2003"