Etat de grâce mais immense chantier pour le régime Bozizé

BANGUI, 22 mars 2003 (AFP) - 10h25 - Une semaine après un putsch condamné pour la forme à l'étranger, le général François Bozizé conforte son pouvoir en Centrafrique, où il jouit d'un véritable état de grâce alors que l'attend l'immense chantier de la reconstruction d'un pays divisé et en ruines.

Fonctionnaires, hauts gradés prétendûment loyalistes, partis d'opposition ou alliés à l'ancien pouvoir, syndicats: tous saluent le "changement" survenu le 15 mars à Bangui lors du coup de force du chef de l'ex-rébellion et le discours consensuel du général.

"Bozizé a débarrassé le pays d'un dictateur", s'est ainsi félicité le doyen des opposants centrafricains, Abel Goumba, balayant les condamnations qui fusaient à travers l'Afrique au nom des principes démocratiques.

"Ouf, il est parti", soupire en Une Le Citoyen, premier quotidien local à avoir reparu. Une caricature montre le général Bozizé campé sur ses pieds tandis que l'ex-président, Ange-Félix Patassé, fuit à toutes jambes.

Le "soulagement" de voir disparaître, coûte que coûte, un régime accusé d'avoir plongé le pays dans la misère et l'instabilité militaire chronique revient sur presque toutes les bouches.

Vendredi, le convoi militaire du général Bozizé a été acclamé par la foule aux cris de "Libérateurs!", lors d'une sortie inopinée en ville.

Le petit peuple de Bangui avait explosé lors du coup d'Etat, se livrant à deux jours de pillages effrénés, dont la villa du président déchu, fut, symboliquement, la première cible.

"Mon peuple m'aime", répétait-il pourtant. Au Niger quand tout a commencé, M. Patassé s'est trouvé pris de vitesse. Il n'a pu que poser son avion au Cameroun pour constater le "fait accompli". L'homme aux noeuds papillon et à la célèbre barbichette s'est ensuite envolé vendredi pour le Togo, pays de son épouse Angèle, où, jadis opposant charismatique, il avait passé 10 ans d'exil dans les années 1980.

Le nouvel homme fort de Bangui a su trouver les mots quand M. Patassé tergiversait depuis des mois entre logique de guerre et dialogue national de réconciliation.

Sans surprise, le général "patriote" a suspendu la Constitution, dissout l'Assemblée nationale, limogé le gouvernement.

Mais, dans sa première allocution solennelle à la nation, prononcée dimanche au lendemain de son coup de force, il a promis une "transition consensuelle" avec "toutes les forces vives" et des élections "transparentes" à l'horizon.

"Les chefs d'Etat (ndlr: d'Afrique centrale) sont très intéressés par cette vision, car ce pays a beaucoup souffert de désunion", lançait dès mardi à Bangui le ministre congolais des Affaires étrangères, Rodolphe Adada, après un entretien avec le "président" Bozizé en forme d'adoubement diplomatique.

Mais "c'est au pied du mur qu'on voit le maçon", a rappelé l'émissaire de Brazzaville. Or le chantier est énorme.

Bangui subit une insécurité galopante. Débordé, le régime a prévenu: pilleurs et braqueurs sont "désormais considérés comme des objectifs militaires". De fait, on exécute séance tenante tout individu convaincu de vol.

Plus de 200 militaires tchadiens sont arrivés en renfort de la force de paix de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cémac), déployée en décembre, pour aider à sécuriser Bangui.

Au risque d'excéder un peu plus le chef rebelle de RDCongo Jean-Pierre Bemba, dont les combattants du Mouvement de libération du Congo (MLC) ont combattu avec le régime Patassé contre Bozizé, qu'il accuse d'être soutenu par N'Djamena en collusion avec son ennemi de Kinshasa.

L'économie centrafricaine est à terre. Le sida, galopant. L'administration et les sociétés d'Etat, déjà peu efficaces, dévastées. Les fonctionnaires, pas payés. Les liens avec les institutions de Bretton Woods, au point mort.