Soutien au général Bozizé, Goumba "les mains propres" ("Mabôko-Vurü") et les structures politiques


Une marche pacifique de soutien au général Bozizé prévue vendredi

BANGUI, 24 mars 2003 (AFP) - 18h49 - Une grande marche pacifique de soutien au président centrafricain autoproclamé François Bozizé se déroulera vendredi à l'appel de la Concertation des partis politiques d'opposition (CPPO), dont le nouveau Premier ministre Abel Goumba est le président, a-t-on appris lundi auprès de la Concertation.

"Cette marche devait être organisée samedi dernier. Mais en raison de certaines contraintes de sécurité (...) elle a été repoussée" à vendredi, a déclaré à l'AFP le Pr Goumba.

"Il s'agit d'une marche de soutien au général François Bozizé, car nous adhérons aux préoccupations exprimées (par ce dernier) dans sa déclaration à la Nation le 16 mars", au lendemain du coup d'Etat, a expliqué le nouveau Premier ministre.

"Nous voulons également exprimer notre ferme volonté de nous opposer à toutes manoeuvres visant à ramener (le président déchu) Ange-Félix Patassé au pouvoir", a ajouté M. Goumba sans autre précision.

Après quelques jours passés au Cameroun après le coup d'Etat, M. Patassé a été accueilli au Togo.


M. Goumba PM en RCA: "une transition plus douce, plus efficace"

BANGUI, 24 mars 2003 (AFP) - 18h40 - Le représentant spécial de secrétaire général des Nations Unies (ONU) en Centrafrique, Lamine Cissé, a estimé lundi à Bangui que le choix de l'opposant Abel Goumba comme Premier ministre permettrait "une transition plus douce, plus efficace".

"Je pense qu'avec lui, la transition sera plus douce, plus efficace" et permettra d"aller vers une ouverture démocratique totale", a déclaré à la presse M. Cissé, chef du Bureau des Nations unies en Centrafrique (Bonuca).

Abel Goumba, 76 ans, doyen de la classe politique centrafricaine, a été nommé dimanche Premier ministre d'un futur gouvernement de transition par le président autoproclamé François Bozizé, qui a renversé le 15 mars le président élu Ange-Félix Patassé à la faveur d'un coup d'Etat.

"Je le connais bien. Il a le sens politique, un sens patriotique très poussé", a ajouté le général sénégalais Lamine Cissé.

"Je crois que c'est un atout d'avoir celui-là, qui pourra faire peut-être l'unanimité de la classe politique, y compris" de l'ancien parti au pouvoir, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), "parce qu'ils le respectent également", a-t-il ajouté.

Le chef du Bonuca a souligné qu'il n'existait "plus en Afrique que deux personnages vivants de ce type", ayant à la fois lutté pour l'indépendance de leurs pays et participé à leur fondation.

Il a cité M. Goumba et "le doyen" sénégalais Mamadou Dia, respectivement ancien vice-président et président du conseil des pères fondateurs de la Centrafrique et du Sénégal, Barthélémy Boganda et Léopold Sedar Senghor.

"C'est un pan de l'histoire, une bibliothèque", a-t-il dit à propos du nouveau Premier ministre centrafricain, qui n'avait participé à aucun gouvernement depuis l'indépendance de son pays.


Les Centrafricains saluent leur nouveau PM, Goumba "les mains propres"

BANGUI, 24 mars 2003 (AFP) - 18h38 - Les Centrafricains de la rue semblaient unanimes lundi pour saluer la nomination comme Premier ministre du vieil opposant Abel Goumba, surnommé "Les mains propres", a constaté un journaliste de l'AFP.

"Moi je suis content. Goumba, c'est un vieux qui a toujours été intègre", résumait un chauffeur de taxi de Bangui, Idriss Fall, 27 ans, au lendemain de la nomination à la "Primature" du doyen de la classe politique centrafricaine par le président autoproclamé, François Bozizé.

Le général Bozizé a lui-même commenté son choix au détour d'une de ses nombreuses visites: "En faisant le tour d'horizon, on a trouvé bon de confier cette responsabilité à un homme d'expérience, et surtout à un homme intègre", a-t-il dit.

Interrogés à ce propos, certains Banguissois souriaient en montrant les paumes de leurs mains. "Goumba, en sango (ndlr: la langue nationale), on l'appelle +Maboko-Vourou+. Ca veut dire +Les mains propres", traduisait un badaud.

"Même si je n'ai rien à manger, je suis beaucoup ravi", abondait Radium Benjamin Ngondjno, un ingénieur à la retraite. "En plus de 40 ans, il n'est jamais entré dans aucun gouvernement. Nous pensons qu'il va amener quelque chose de consistant et qu'il y aura un redressement", ajoutait-il.

"Les autres (régimes) n'ont jamais voulu de lui parce qu'il est honnête. C'est un homme qui n'a jamais fait couler le sang", insistait une femme qui assurait encore: "C'est tout le peuple centrafricain qui est content. Même les vieillards, même les clochards".


Mise en place des structures politiques et poursuite de la sécurisation

BANGUI, 24 mars 2003 (AFP) - 16h33 - Le nouveau pouvoir centrafricain met en place les structures d'"exercice provisoire" des pouvoirs publics tandis qu'armes et biens pillés lors du coup d'Etat du 15 mars sont récupérés par l'armée tchadienne, dont la présence en Centrafrique est critiquée par la presse indépendante tchadienne.

Avec des mesures de sécurité renforcées, le centre de Bangui a retrouvé lundi matin son animation normale. A part certains commerces totalement pillés et saccagés par la foule juste après le coup d'Etat et dont les propriétaires ont quitté le pays, seuls les guichets des banques étaient encore fermés.

Le général centrafricain François Bozizé, président autoproclamé après avoir renversé le président élu Ange-Félix Patassé, a renforcé les structures politiques du pays en rendant public dimanche soir à la radio nationale son deuxième "acte constitutionnel" après celui lui permettant de légiférer par ordonnance.

Ce texte, qui ne s'écarte guère de la Constitution suspendue, définit les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire jusqu'à l'organisation d'élections. Première application de cet acte: la nomination du professeur Abel Goumba comme Premier ministre.

"C'est le couronnement de la vie de combat que j'ai menée pendant 40 ans pour la démocratie dans ce pays", a déclaré dimanche soir, en réaction à cette nomination, ce vétéran de la classe politique centrafricaine.

Ce deuxième "acte constitutionnel" détermine également d'autres prérogatives du président de la République telles que "le maintien de l'ordre et de la sécurité publique".

Après la frénésie de violences qui a suivi le coup d'Etat du 15 mars, le général Bozizé a tenté de sécuriser Bangui en faisant appel à la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cémac) et à l'armée française.

La semaine dernière, 400 militaires tchadiens sont venus renforcer la force de paix de la Cémac composée jusqu'alors de 310 militaires gabonais, congolais (Brazzaville) et équato-guinéens tandis que l'armée française contrôle l'aéroport de Bangui et continue d'acheminer des ressortissants étrangers vers le Gabon.

Les Tchadiens ont remis lundi au nouveau chef de l'Etat 1.300 armes de guerres, de la kalachnikov au mortier, récupérées ces derniers jours.

Quelque 300 véhicules et des montagnes d'objets pillés dans les 48 heures qui ont suivi le coup d'Etat, récupérés de façon parfois radicale avec exécution sommaire des receleurs par les forces de l'ordre étrangères et nationales, ont été présentés au général. Ces biens devraient ensuite être restitués à leur propriétaires.

La présence du contingent tchadien, qui a pourtant permis de réduire les débordements à Bangui, est fortement critiquée par la presse indépendante de N'Djamena.

"François Bozizé se révèle être impuissant, il s'avère n'être pas tout à la hauteur de la situation. Ses éléments ne peuvent pas faire face aux hommes (soldats tchadiens) qui ont permis la chute de Bangui", écrit lundi N'Djamena bi-hebdo, reprenant la thèse soutenue par le régime déchu selon lequel la rébellion du général Bozizé était un cheval de Troie du Tchad.

En novembre 2001, le général Bozizé avait trouvé refuge au Tchad jusqu'à son accueil en France un an plus tard.

Le journal prédit des relations tendues entre le Tchad et la Libye qui soutenait le régime du président centrafricain Patassé.

"Idriss Deby croit avoir sécurisé sa frontière sud (avec la Centrafrique) mais il se peut bien qu'il vienne de réactiver plutôt le front nord", poursuit le journal en référence à la rébellion du nord du Tchad, dont la Libye constitue la base arrière.