En Centrafrique, on recherche "ministres intègres" pour transition

BANGUI, 26 mars 2003 (AFP) - 12h19 - Le nouveau régime centrafricain tente de former un gouvernement de transition consensuel composé de "ministres intègres" pour restaurer l'unité perdue du pays et rassurer des bailleurs de fonds dont la Centrafrique en ruines a le plus grand besoin.

En souffrance de légitimité extérieure, le président autoproclamé François Bozizé, auteur d'un coup d'Etat du 15 mars, a confié dimanche cette mission au doyen consensuel de la classe politique centrafricaine, le Pr Abel Goumba, 76 ans.

Surnommé "Mains propres" pour son intégrité et un parcours politique de 40 ans sans compromission, M. Goumba a tenté d'absoudre le putsch du nouvel homme fort de Bangui. "Ce n'est pas un coup d'Etat, mais une révolution, une libération", assurait-il dimanche.

Actuellement en intenses consultations, il a indiqué mardi qu'il annoncerait probablement en début de semaine prochaine la composition d'une équipe regroupant "toutes les tendances".

Le général Bozizé lui a tracé une feuille de route relevant de la quête du Graal en réclamant des "ministres intègres, travailleurs, ayant le sens de l'Etat".

La Centrafrique est notoirement minée par une corruption généralisée. Ses élites intellectuelles et politiques baignent depuis 20 à 30 ans dans le même petit marigot comme autant de crocodiles s'arrachant à coups de dents postes et prébendes.

Ministères, douanes, régies financières, justice, sociétés para-Etatiques, administrations: la gangrène a gagné en profondeur tout le corps de l'Etat.

Ces errances conjuguées aux crises militaires à répétition ont découragé les bailleurs de fonds, plongé le pays dans la misère et la population dans une sorte de ras-le-bol résigné qui a explosé en pillages généralisés le 15 mars.

Pour réussir l'électrochoc, le Pr Goumba va puiser dans le vivier de l'opposition au Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) du président déchu Ange-Félix Patassé, aux commandes depuis 1993.

Celle-ci est composée d'une bonne douzaine de petits partis dirigés par autant de candidats potentiels à la présidence, comme les députés Paul Bellet et Charles Massi ou l'ancien Premier ministre Jean-Paul Ngoupandé.

Le Premier ministre se tournera aussi vers la première formation parlementaire d'opposition, le Rassemblement démocratique centrafricain (RDC), de l'ex-président André Kolingba, ainsi que la société civile.

Consensus oblige, M. Goumba devrait solliciter aussi les partis centristes alliés au régime défunt, tel le Mouvement pour la démocratie et le développement (MDD) de l'ex-président David Dacko.

Sans compter les compagnons du général Bozizé, comme son porte-parole, le capitaine Parfait Mbaye, ou le représentant de la branche politique de sa rébellion, Karim Meckassoua.

Tous se connaissent parfaitement et se sont parfois durement affrontés par le passé. Chacun nourrit des ambitions qui ne pourront que s'attiser au fur et à mesure que la transition consensuelle promise par Bozizé arrivera à terme et que se profileront les élections présidentielles.

S'il souhaite légitimer par les urnes un pouvoir ravi au bout du fusil, le général Bozizé pourrait lui-même être tenté dans l'avenir par un rapprochement avec le MLPC auquel, en tant que militaire, il n'a jamais adhéré malgré sa longue proximité avec le président déchu, selon certains observateurs.

Le parti "paysan" de M. Patassé va connaître sa traversée du désert. Mais il demeure le mieux structuré et implanté, la seule vraie machine électorale du pays.

"Bozizé doit faire attention. Car le peuple est versatile", relevait cette semaine le quotidien indépendant Le Citoyen en lorgnant vers la Côte d'Ivoire.

"Le même peuple qui a crié +vive Houphouët+ a ensuite crié +Houphouët voleur+. Après avoir dit +Vive Bédié+, il a scandé +A bas Bédié+", rappelait le journal.