Le nouveau régime centrafricain prône "le travail, rien que le travail"

BANGUI, 29 mars 2003 (AFP) - 10h38 - Le nouveau régime centrafricain tente de préparer une population appauvrie à la reconstruction du pays qui ne sera pas "spectaculaire", en prônant l'intégrité et le travail.

"Il n'y a qu'un seul remède pour relever le pays: le travail, rien que le travail", a prévenu vendredi le général François Bozizé, qui a renversé le 15 mars le président élu, Ange-Félix Patassé.

Le nouvel homme fort de Bangui s'exprimait à la fin d'une marche de soutien en sa faveur organisée par les partis de l'opposition au régime Patassé et la société civile, qui a rassemblé environ 100.000 personnes, une première dans l'histoire du pays.

Au delà de l'adhésion souvent vélléitaire au "libérateur" du jour, c'est aussi l'immense attente d'une population en état de paupérisation avancée, avec des fonctionnaires cumulant jusqu'à 36 mois d'arriérés de salaire, qui s'est exprimée vendredi.

Sans doute soucieux de ne pas décevoir et conscient de l'ampleur de la tâche à venir, le général Bozizé affiche une austérité qui tranche avec celle de M.Patassé, stigmatisé vendredi pour ses "mensonges" et sa "démagogie" par les manifestants. Tribun hors pair, le président Patassé savait haranguer les foules, promettant des lendemains meilleurs, un avenir pétrolier.

Avare de ses mots, mal à l'aise devant les micros, le général Bozizé explique qu'il n'est "pas venu faire de la magie".

En répétant à plusieurs reprises qu'il voulait confier sa "transition consensuelle" à des "ministres intègres, travailleurs, ayant le sens de l'Etat", il a pris l'engagement que l'exemple viendrait d'en haut.

Mais son Premier ministre, le vieil opposant Abel Goumba, surnommé "Les mains propres" pour son intégrité reconnue, a lui aussi mis en garde vendredi les Centrafricains contre tout optimisme débridé.

"L'appauvrissement du pays est tel qu'aucun résultat spectaculaire ne doit pas être attendu dans des délais rapides", a-t-il averti pour son premier discours officiel, lançant un appel "à un long effort et un travail assidu".

"Il faudra que notre propre effort de reconstruction soit visible avant d'en appeler à la communauté internationale", ajoutait M. Goumba.

De fait, le coup d'Etat du 15 mars ayant été condamné au plan international au nom des principes démocratiques, la RCA peut difficilement espérer mieux dans l'immédiat qu'une hypothétique aide extérieure humanitaire.

Du côté des bailleurs de fonds, il faudra sûrement attendre au minimum de longs mois, malgré la popularité actuelle du nouveau pouvoir et le fait que plusieurs Etats africains aient déjà "pris acte" du changement survenu en RCA.

La Centrafrique, épuisée par des années de crises militaires et de gestion parfois douteuse, n'a pourtant jamais eu autant besoin d'argent frais.

Finances publiques, administrations, entreprises, régies financières, agriculture, tout est à zéro, dans un environnement social, sanitaire et éducatif catastrophique, encore aggravé par les derniers mois de troubles et les pillages.

La liesse de la "libération" passée, le problème des salaires surgira très rapidement, le nouveau pouvoir devant passer ce cap décisif avec une aide extérieure bilatérale amie.

La Centrafrique doit donc avant tout compter sur elle-même. "Il nous faut sortir de notre torpeur maladive", a prévenu l'ex-opposant Timothée Malendoma.

"La classe politique est consciente que sans intégrité, il est certain que le pays ne pourra jamais se relever", ajoutait un autre opposant à l'ancien régime, Paul Bellet.