L'ordre tchadien règne en Centrafrique

BANGUI, 25 mars 2003 (AFP) - 11h45 - Disciplinés, efficaces, 400 militaires tchadiens ont rétabli en quelques jours l'ordre dans la capitale centrafricaine, livrée à un dangereux flottement anarchique au lendemain du coup d'Etat du général centrafricain François Bozizé, le 15 mars.

Cette intervention ultra-rapide a permis au général "libérateur" d'asseoir une popularité menacée par une peur grandissante, face à l'insécurité délétère qui régnait à Bangui dans les premières 48H00 de son coup de force.

Elle a aussi sûrement dissuadé la rébellion congolaise du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba de s'aventurer dans une contre-offensive visant à rétablir au pouvoir son allié, le président déchu Ange-Félix Patassé.

L'opération a été si rondement menée qu'elle semble avoir laissé peu de place à l'improvisation, comme en témoigne la présence à Bangui d'officiers supérieurs tchadiens proches du président Idriss Deby.

Juste après le putsch, la situation à Bangui laissait craindre le pire: pillages généralisés, partisans de Bozizé renouant, armes au poing, avec les joies de la capitale, braquages, tirs intempestifs, exécutions sommaires.

Le nouveau régime semblait débordé, quand la "cavalerie" tchadienne est arrivée. D'abord mercredi dernier par avion, puis le lendemain par la route, avec camions et pick-up montés de mitrailleuses lourdes et d'orgues de Staline.

Au total, 400 Tchadiens de la garde présidentielle, de la garde nationale nomade, de l'armée de terre et de la gendarmerie se sont déployés à Bangui, officiellement en renfort des 310 hommes d'une discrète force de paix de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cémac).

Ils sont commandés par le colonel Khalil Daoud Soumaine, ancien chef d'état-major particulier du président Deby, récemment promu chef d'état-major adjoint des armées, assisté du chef de la garde présidentielle et d'une armada de colonels, ainsi que d'agents du contre-espionnage militaire.

Omniprésents aux grands carrefours de la ville, ces Tchadiens ont contribué de façon déterminante à une vaste opération de police visant à récupérer les multiples armes de guerre en circulation et les biens pillés dans la confusion du putsch. Sans racket, ni violences apparentes.

En fin de semaine dernière, les rebelles civils du général Bozizé, parmi lesquels de nombreux mercenaires tchadiens, étaient désarmés et cantonnés dans les casernes. Au moins 200 véhicules volés et 1.300 armes de guerres de tous calibres avaient été récupérés pour restitution.

Craintifs à l'arrivée des redoutés soldats tchadiens, les Banguissois exprimaient lundi leur soulagement. Et le représentant permanent de l'Onu en RCA, le général sénégalais Lamine Cissé, saluait le "professionnalisme" des Tchadiens.

Visiblement conçue au plus haut niveau depuis N'Djamena, l'intervention tchadienne pourrait sembler donner raison, a posteriori, au président déchu Ange-Félix Patassé, qui accusait le Tchad de soutenir le général Bozizé.

Le Tchad, où Bozizé s'était exilé entre novembre 2001 et octobre 2002, avant de gagner la France, a toujours démenti. Mais la tension était vive.

N'Djamena n'appréciait pas l'alliance passée entre M. Patassé et la Libye, qui avait envoyé en RCA un contingent militaire, évacué fin décembre.

En février, les exactions perpétrées contre les civils tchadiens de RCA, lors d'une offensive des forces pro-Patassé contre les rebelles de Bozizé, avaient fait sortir le président tchadien de ses gonds.

Dénonçant "un plan d'extermination des Tchadiens", M. Deby avait évoqué publiquement "un problème de régime à Bangui".

Complice ou non de Bozizé, le Tchad semble déterminé à consolider le nouveau régime "ami" de Bangui. Une Centrafrique stabilisée lui permettrait d'envisager avec sérénité le lancement de l'exploitation du pétrole du sud tchadien, frontalier avec la RCA, dès cet été.