BANGUI, 22 mars 2003 (AFP) - 17h10 - "Ici, on a trouvé des chaises, des bureaux et des climatiseurs" : Casimir Kossekpa, commandant de police du 5ème arrondissement de Bangui, s'active depuis l'aube au quartier Ben-Zvi 2 à récupérer les biens pillés lors du coup d'Etat du 15 mars.
Devant la maison de ce quartier populaire du centre de la capitale centrafricaine où le butin a été saisi, les policiers entassent calmement sur l'allée en terre battue le fruit de leur perquisition, insensibles aux hurlements de la propriétaire.
"Vous nous avez dénoncés", lance en langue nationale sango la femme à ses voisins attroupés. Si c'est comme ça, on va tous vous trahir aussi!"
"Depuis ce matin, on mène des perquisitions dans toutes les maisons", commente le commandant Kossekpa, qui a rapidement repris son service à l'appel du nouvel homme fort de Bangui, le général François Bozizé.
"On demande au propriétaire de présenter sa pièce d'identité et de nous accompagner à l'intérieur. Ensuite on fouille toutes les chambres, sous les lits, dans les placards. S'il résiste, on a reçu des instructions pour employer la force", poursuit le policier.
Samedi, la scène s'est reproduite à l'identique dans tous les quartiers de Bangui où se sont déployés des centaines de policiers et militaires, appuyés par la force de paix de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cémac).
Objectif: récupérer le fruit des pillages et vols effrénés auxquels s'est livrée la population pendant le coup d'Etat, samedi et dimanche dernier.
Villas de dignitaires du régime déchu ou d'expatriés européens, commerces, entreprises, administrations et ministères, rien n'a été épargné.
Le commandant Kossekpa et ses hommes déposent ce qu'ils trouvent au bord de l'avenue longeant Ben-Zvi 2.
Le tout est ensuite chargé dans des camions militaires remplis jusqu'à la bâche et conduit dans l'enceinte de l'Assemblée nationale pour inventaire, avant que les propriétaires ne viennent se manifester.
Une vingtaine de véhicules volés sont garés dans le parkings du Parlement, dissout par le général Bozizé dès son arrivée au pouvoir, et où s'affairent policiers, gendarmes, pompiers, militaires locaux et étrangers.
Le porche du bâtiment officiel est encombré d'un bric-à-brac hétéroclite: chaînes hi-fi, pneus, moteurs de camions, armoires de bureau métalliques, ordinateurs, livres scolaires, brochures de lutte anti-sida, climatiseurs, sièges en tous genres, sacs de farine vides des locaux du Programme alimentaire mondial (PAM).
Le nouveau pouvoir avait averti jeudi que tout pilleur serait "désormais traité comme un objectif militaire", c'est à dire exécuté sur le champ.
Mais, contrairement aux jours précédents, la procédure observée samedi est plus bon-enfant. "On emporte les biens mais on laisse les gens. Sauf ceux qui ont des armes, on les remet aux autorités", explique le commandant de police.
"Moi je trouve qu'ils devraient prendre des mesures plus draconiennes. C'est pas normal de piller les administrations", commente Jean-François Malé, un enseignant qui réside à Ben-Zvi 2.
Sur les avenues de la capitale, les bérets rouges tchadiens, venus à Bangui en renfort, arrêtent bus et mobylettes: présentation des papiers, fouille des coffres et des poches, salut militaire et bonne route. Pas de racket.
Soudain, un groupe se forme autour d'un camion militaire tchadien. Deux soldats y conduisent un jeune homme torse nu qu'ils viennent de déposséder d'un fusil kalachnikov.
Il est mis à terre, frappé à coups de pied par l'officier, copieusement fouetté, et embarqué.