BANGUI, 23 mars 2003 (AFP) - 12h41 - Le nouveau régime centrafricain, au pouvoir depuis une semaine, et les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ont vite scellé des fiançailles de circonstance sur le dos d'un ennemi commun, le Mouvement de libération du Congo (MLC) du chef rebelle Jean-Pierre Bemba.
Mais le général centrafricain, François Bozizé, devra savoir naviguer entre le lointain pouvoir de Kinshasa et son ombrageux voisin de Gbadolite, qui l'a déjà mis en garde jeudi "contre toute tentative de déstabilisation".
Une semaine jour pour jour après son coup d'Etat victorieux du 15 mars, le général Bozizé recevait samedi le ministre congolais des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, dans la capitale centrafricaine.
L'émissaire congolais était porteur d'un message du président Joseph Kabila, qui avait "pris acte" jeudi des déclarations du général Bozizé en faveur d'une "normalisation" entre les deux pays. Le nouvel homme fort de Bangui a transmis samedi ses "assurances" à cet égard.
Avec Bozizé à la tête de la RCA, ces fiançailles ne constituent guère une surprise.
Jean-Pierre Bemba a en effet apporté un soutien militaire important au président centrafricain déchu, Ange-Félix Patassé, qu'il a sauvé in-extremis de deux tentatives de coups d'Etats en mai 2001 et en octobre dernier, avec l'aide d'un contingent militaire libyen.
Jusqu'au mois de mars, 2.000 miliciens du MLC s'opposaient en territoire centrafricain à la rébellion du général Bozizé, accusé par M. Patassé d'être soutenu par le Tchad, qui vient de dépêcher en RCA au moins 200 militaires pour sécuriser Bangui.
Le nouveau président centrafricain semble naturellement chercher à s'abriter sous le parapluie N'Djamena/Kinshasa, déjà actif par le passé contre le MLC, à la place de l'axe Tripoli/MLC de son prédécesseur.
Ce retournement d'alliance est lourd d'incertitudes pour un Jean-Pierre Bemba en froid avec l'Ouganda, sous le coup d'une plainte pour crimes de guerre devant la Cour pénale internationale, et qui peine à s'entendre avec Kinshasa sur une sortie de crise en RDC.
Avec M. Patassé, le chef rebelle a aussi perdu, au moins temporairement, sa base arrière naturelle que représente la capitale centrafricaine, séparée seulement par le fleuve Oubangui de la province de l'Equateur sous son contrôle.
Bangui a longtemps approvisionné le MLC en carburant et produits divers en provenance du port camerounais de Douala. Jean-Pierre Bemba y agissait comme chez lui, traitant ses affaires de diamant, d'or ou de café.
Au plan militaire, le chef rebelle congolais peut également se sentir pris en tenaille. Mais s'il se trouvait un jour trop acculé ou asphyxié, la RCA, affaiblie par des années de troubles, aurait tout à craindre de sa réaction.
Le général Bozizé sera-t-il tenté ou contraint à l'avenir de composer entre les liens institutionnels de la RCA avec Kinshasa et son voisinage ancestral, commercial et ethnique, avec les régions contrôlées par Bemba?
Des passerelles ont existé. L'homme d'affaires tchado-centrafricain Sani Yalo par exemple, considéré comme le financier de l'ex-rébellion de Bozizé, a jadis entretenu des liens très privilégiés avec le chef rebelle congolais.
Le contrat de mariage proposé samedi à Bangui par l'émissaire de Kinshasa tenait en tout cas en deux points essentiels.
Fidélité de la mariée centrafricaine, qui doit mettre "fin aux relations ambiguës" entre Bangui et le MLC. Car "toute autorité en RCA qui prendrait contact avec une rébellion contreviendrait à des principes importants".
Protection de l'époux congolais: en cas d'aggression de la RCA par le MLC, "nous ne saurions tolérer une telle ingérence et ne resterions pas inertes".