LIBREVILLE, 17 mars 2003 (AFP) - 18h46 - La France et les instances africaines ont condamné unanimement le coup d'état du général centrafricain François Bozizé, sans trop pleurer le président légal, Ange-Félix Patassé, perçu par beaucoup comme un obstacle à la paix dans son pays déchiré.
Seul le président du Niger, Mamadou Tandja, a manifesté lundi un clair soutien au président Patassé, en appelant à "une action concertée" pour "rétablir l'ordre constitutionnel" en Centrafrique, où le général Bozizé s'est auto-proclamé président dimanche.
La France, ancienne puissance coloniale, longtemps présente militairement en Centrafrique, a réagi la première, dès samedi, au coup d'Etat éclair du général Bozizé, qui était officiellement réfugié à Paris depuis octobre.
Paris a rappelé "sa condamnation de toute tentative armée pour renverser un chef d'Etat légitimement élu", et estimé que "seule une solution politique permettrait de sortir de la crise en Centrafrique".
Mais pas un mot en faveur d'un rétablissement dans ses prérogatives du président Patassé, auquel elle avait pourtant sauvé la mise par le passé, en réprimant avec son armée les mutineries militaires de 1996-97 à Bangui.
Les relations Paris-Bangui se sont, il est vrai, fortement distendues ces dernières années. Le président Patassé, déjà victime d'une tentative de coup d'état de son prédécesseur, André Kolingba, en mai 2001, avait lancé des accusations à l'emporte-pièce contre "la France colonialiste".
Son rapprochement avec la Libye et le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, qui avaient dépêché des contingents militaires dans la capitale centrafricaine, n'avait guère été appréciés par Paris.
Le ministère français des Affaires étrangères a de nouveau commenté lundi la crise centrafricaine pour dire que "seul un dialogue véritable et sans exclusive peut permettre le retour à la légalité, à la cohésion nationale et à la paix civile".
Mais le message semblait s'adresser surtout au nouvel homme fort de Bangui, entérinant d'une certaine façon le "fait accompli" évoqué dimanche par le porte-parole du général Bozizé, à l'instar des autres condamnations exprimées en Afrique.
Après la Communauté économique des Etats sahélo-sahariens (Censad), la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cémac), le Gabon, l'Union africaine (UA), l'Afrique du Sud, la Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme (FIDH) et l'Assemblée parlementaire de la francophonie et l'Organisation internationale de la Francophonie ont condamné lundi le coup d'Etat.
L'OIF "condamne fermement la prise de pouvoir par la force en République centrafricaine" et plus largement "toute prise de pouvoir par la violence, les armes ou quelque autre moyen illégal", conformément à la Déclaration de Bamako acceptée par ses Etats membres, a indiqué le secrétaire général de l'OIF, Abdou Diouf.
"Fermement", "sans équivoque": ces instances ont rivalisé de qualificatifs. Mais elles se sont bornées à dénoncer une violation flagrante des résolutions de l'Union africaine condamnant "toute prise de pouvoir par des voies non-constitutionnelles".
Même le leader libyen, Mouammar Kadhafi, s'est abstenu de citer le nom de son protégé. Ses troupes déployées à Bangui de juin 2001 à décembre 2002 avaient pourtant sauvé in extremis le régime Patassé lors des deux coups manqués survenus à cette période.
Seul le président gabonais Omar Bongo, médiateur de la Cémac pour la Centrafrique est entré dans une colère noire contre le général Bozizé, selon la rumeur sous-régionale.
Depuis 1996, M. Bongo n'a pas ménagé ses efforts au chevet d'une RCA minée par cinq crises militaires en sept ans, lentement aspirée dans le bourbier de la RDCongo voisine au fil des alliances passées par les frères ennemis centrafricains.
Inlassablement, il a tenté de convaincre des vertus du dialogue et de la réconciliation un président Patassé rétif, n'accordant plus sa confiance qu'à une infime poignée d'hommes, adepte d'options militaires dont il n'avait guère les moyens alors qu'il devenait lui-même la cible d'une plainte de la Fédération internationale des droits de l'homme.
Le doyen des chefs d'Etat d'Afrique centrale avait pourtant réussi ces derniers temps à convaincre le président centrafricain d'organiser un Dialogue national "sans exclusive". Samedi, son édifice diplomatique s'est effondré.