L'insécurité à Bangui: premier défi du régime Bozizé

BANGUI, 21 mars 2003 (AFP) - 12h58 - Pillages, braquages, coup de feu, "sabotages", règlements de comptes entre voisins: le nouveau régime centrafricain du général François Bozizé est confronté à un premier lourd défi: l'insécurité galopante qui règne à Bangui depuis le coup d'Etat de samedi dernier.

Passée l'euphorie des premières heures du renversement du régime du président Ange-Félix Patassé, la population de la capitale centrafricaine vit plongée dans l'angoisse.

Dès la tombée de la nuit, vers 18H00, une heure avant l'entrée en vigueur du couvre-feu, les Banguissois se terrent chez eux, sursautant la nuit au moindre tir. De nuit comme de jour, des vandales munis d'armes de guerre attaquent des domiciles pour s'emparer de véhicules, d'argent, de bijoux, de postes de télévision.

Parmi les agresseurs semblent figurer des "partisans" du général Bozizé, qui après de longs mois passés dans la brousse, sont avides d'un luxe pourtant tout relatif dans cette capitale misérable, totalement désorganisée, en grande partie mise à sac lors des récents événements.

Forts de leur statut de "libérateurs", ces maquisards lourdement armés et peu formés à la discipline militaire, sont descendus retrouver leurs familles et petites amies dans les quartiers.

Certains s'en sont d'abord pris, avec l'aide active des voisins, aux villas des dignitaires du régime déchu. L'enthousiasme aidant, le phénomène s'est poursuivi.

Les supplétifs tchadiens de la rébellion, qui ont largement contribué au succès de l'aventure du général Bozizé, sont particulièrement craints.

"Ce sont des bandits de guerre", lâche un coopérant français réfugié à l'hôtel après le pillage intégral de sa villa, à propos de ces mercenaires reconnaissables à leur turbans jaunes et à leurs gris-gris autour du cou.

Sans doute à juste titre, le nouveau régime met aussi une partie de ces exactions sur le compte d'affidés de régime déchu, se faisant passer pour des partisans de Bozizé pour le discréditer.

A peine installé, le régime Bozizé semble un peu débordé mais aussi très conscient de jouer sa crédibilité et une popularité durable sur sa capacité à restaurer l'ordre et la sécurité à bref délai.

Après de premiers appels conciliants à la sagesse mais peu écoutés, le général Bozizé a choisi jeudi la manière forte. "Les braqueurs et autre pilleurs (...) seront désormais traités comme des objectifs militaires", a-t-il prévenu dans un communiqué.

Depuis mardi déjà, tout individu, civil, rebelle ou militaire, convaincu de vol, est abattu séance tenante sur le lieu de son interpellation, rapportent des témoins. Chaque jour apporte son lot de cadavres de "pilleurs" encore frais gisant sur les avenues de la capitale, a constaté l'AFP.

Ces exécutions sommaires recueillent apparemment l'assentiment résigné d'une majorité de Banguissois, y compris d'opposants et de syndicalistes, qui y voient le seul moyen dissuasif de régler la question dans une ville muée en vaste arsenal informel.

D'autant que l'unique prison de Bangui et les commissariats se sont vidés de leurs pensionnaires dès les premières heures du putsch et ont été saccagés.

Le nouveau pouvoir a instauré jeudi des patrouilles mixtes (armée, gendarmerie, police, force de paix de la Cémac) pour récupérer les véhicules volés.

Les parachutistes tchadiens, au moins 200, arrivés mercredi et jeudi à Bangui en renfort des troupes de la Cémac, organisent barrages et contrôles d'identité à travers toute la ville.

Chaque conducteur particulier ne disposant pas d'une autorisation expresse de circuler ou des papiers de son véhicule se le voit saisir immédiatement.

Totalement mobilisé par le phénomène, le nouveau régime s'est excusé jeudi auprès de la classe politique de ne pas avoir encore nommé son gouvernement de "transition consensuelle".


Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 15