La Centrafrique se remet du coup d'Etat
de dimanche
BANGUI (Reuters), 17 mars 2003 20:22 - Les habitants de Bangui ont commencé à sortir lundi timidement dans les rues de la capitale centrafricaine au lendemain du coup d'Etat du général François Bozizé, qui s'est autoproclamé président.
Son prédécesseur élu, Ange-Félix Patassé, surpris à Niamey par le putsch, a officiellement demandé l'asile au Cameroun voisin
"La ville semble avoir été balayée par une tempête tropicale", a observé un habitant, devant des bâtiments saccagés et incendiés.
Le coup d'Etat dans ce pays déshérité malgré d'importantes richesses en diamant, a entraîné des scènes de pillage dans la capitale. Des gens ont cassé les vitres et brisé les portes de villas privées et d'édifices publics pour y ravir les objets de valeur.
Une dizaine de corps gisaient à l'entrée de l'hôpital de Bangui. Un de ses responsables a fait savoir qu'une trentaine de personnes avaient été tuées, la plupart pendant les pillages, et qu'une cinquantaine d'autres blessées.
Ancien chef d'état-major des forces armées, le général Bozizé a dissous le Parlement, suspendu la Constitution et a promis de collaborer avec les partis politiques en vue de préparer des élections dans l'ancienne colonie française de l'Oubangui-Chari.
"TOUT A ETE PRIS"
Bozizé a également appelé à la fin des pillages à Bangui, où a été mis en place un couvre-feu nocturne mais des actes de pillages ont été néamoins rapportés lundi par des habitants.
"Tout a été pris. Ils ont mis ma maison à sac et pris ma voiture", a déclaré un Français, qui a refusé de donner son nom.
Quelque 70 ressortissants français ont été évacués vers le Gabon, et environ 150 autres demeurent en Centrafrique.
Les rebelles ont lancé leur attaque au moment où Ange-Félix Patassé assistait au Niger au sommet du Sen-Sad. Il se trouvait lundi à Yaoundé avec sa femme et une quinzaine de conseillers.
Des responsables proches de la présidence camerounaise ont fait savoir que l'asile politique au Cameroun avait été demandé pour Patassé, dont l'avion avait essuyé des coups de feu lorsqu'il a tenté d'atterir à Bangui. Ce responsable a expliqué que le Cameroun ne souhaitait pas que Patassé demeure trop longtemps dans le pays, ni qu'il s'exprime sur la crise politique dans son pays.
L'histoire de la Centrafrique depuis son indépendance, en 1960, a été marquée par une succession de dictatures brutales, de soulèvements et de tentatives de putsch.
Les combattants proches de Bozizé ont pris samedi le contrôle de sites stratégiques, dont l'aéroport. Ils n'ont rencontré qu'une faible résistance, beaucoup de Banguissois ayant accueilli leur arrivée dans la ville par des acclamations et des applaudissements.
Trois soldats de la République du Congo (Congo-Brazzaville) faisant partie de la force de paix de la Cemac déployée à Bangui, ainsi que deux rebelles ont été tués lors des combats.
CONDAMNATION DU QUAI D'ORSAY
Dans un communiqué, le président sud-africain Thabo Mbeki, qui exerce la présidence en exercide de l'Union africaine, a déclaré que le coup d'Etat de Bangui était un frein à la paix et à la stabilité en Afrique.
"Le continent africain ne tolèrera jamais des transferts de pouvoir inconstitutionnels, quels qu'en soient les auteurs", a déclaré Mbeki, qui préside actuellement l'Union africaine.
Le quai d'Orsay a pour sa part appelé au "calme, au respect des personnes et des biens" par le biais de son porte-parole François Rivasseau. "Nous réiterons notre condamnation de toute prise de pouvoir par la force", a ajouté ce dernier. A Ouagadougou, le président burkinabè Blaise Compaoré a lui aussi condamné le putsch.
Ange-Félix Patassé avait su déjouer plusieurs tentatives de coups d'Etat ou de mutineries grâce à l'aide de troupes libyennes et de rebelles congolais (ex-zaïroise). Mais les Libyens ont été officiellement remplacés par un embryon de force de paix de la Cemac forte d'environ 350 hommes, et les rebelles fidèles à Jean-Pierre Bemba, qui se sont retirés du pays, ont fait savoir dimanche qu'ils n'interviendraient pas.
Au Gabon voisin, le gouvernement a annoncé que la force de paix africaine de la Cemac était rentrée dans ses casernes à Bangui.
"Il faut souligner que les 310 membres de cette force ont été contraints de riposter en état de légitime défense", a-t-il déclaré dans un communiqué lu à la radio nationale.
Le général Bozizé, qui n'a jamais caché ses ambitions politiques, a déjà annoncé qu'il comptait poursuivre les discussions avec le Fonds monétaiére internationale (FMI) et la Banque mondiale.
Nommé chef de l'état-major par Patassé en 1993, le général a soutenu ce dernier lors de mutineries à répétition de l'armée en 1996 et 1997, mais il a été limogé sans explication en octobre 2001. [Copyright © 2001 Reuters Limited.]