L'affaire N'djengbot, premier test politique pour le nouveau régime

BANGUI, 18 avril 2003 (AFP) - 16h23 - L'affaire N'djengbot, du nom d'un général rentré lundi à Bangui après deux années d'exil, constitue un premier test politique pour le nouveau pouvoir centrafricain, contraint de soumettre à l'épreuve des faits sa volonté affichée de réconciliation nationale.

"Attention! Pas de chasse aux sorcières", a écrit à ce sujet le quotidien privé L'Hirondelle. Si l'arrestation de Guillaume Lucien N'djengbot "venait à être confirmée, (cela) marquera un grand coup de frein sur le chemin de la transition, en un mot gênera une réconciliation nationale sincère".

La situation exacte du général, une personnalité de l'influente minorité yakoma, est en effet difficile à établir depuis son retour à Bangui. Il se trouve dans les locaux de la Section d'enquêtes, de recherches et de documentation de la gendarmerie (Serd, police politique), selon lui, à sa demande.

Mais selon le ministre centrafricain de la Justice, Faustin M'bodou, M. N'djengbot, "après sa cavale en RD-Congo", a été reconduit par les forces de l'ordre "pour sa sécurité (...) où il était détenu". "ll s'agit d'une affaire de droit commun", a souligné le ministre.

En effet, Guillaume Lucien N'djengbot a été libéré de prison par les putschistes à la veille du coup d'Etat de mai 2001 ou, selon une autre version, s'est évadé. Soutien inconditionnel au général André Kolingba, au pouvoir jusqu'en 1993, il avait été condamné en 1995 sous la présidence d'Ange-Félix Patassé, à 10 ans de travaux forcés à la suite de la répression d'émeutes en 1992.

Lors de ce putsch manqué, les insurgés, selon l'entourage d'André Kolingba, avaient choisi de porter le général N'djengbot à la tête du pays une fois leur coup réussi. Mais le militaire s'était désisté en faveur de Kolingba, arguant être resté trop longtemps à l'écart de la gestion du pays du fait de sa détention.

Proche de la soixantaine, le teint clair, de taille moyenne, le général N'djengbot est un homme charismatique.

Certains, au sein de sa communauté, voient en lui le successeur naturel, à la tête du parti du Rassemblement démocratique centrafricain (RDC), du général Kolingba, contraint lui aussi à l'exil, comme nombre de Yakomas, après l'échec du coup de mai 2001.

Peu bavard mais prompt à l'humour, le général fait même, pour ses proches, un peu figure de mythe, ne serait-ce que pour avoir survécu dans une période troublée où plusieurs personnalités militaires yakomas sont décédées de mort violente: le colonel Christophe Grélombé, assassiné en 1996, le colonel Alphonse Kongolo, mort des suites de tortures en 1997 ou le colonel Alphonse Konzi, assassiné après le coup d'Etat de mai 2OO1.

Depuis le coup d'Etat du 15 mars qui a porté au pouvoir le général François Bozizé, les nouvelles autorités n'ont cessé d'affirmer leur attachement à une véritable réconciliation nationale.

Evoquant le dialogue national à venir, le général Bozizé déclarait encore la semaine dernière: "ce dialogue, je le souhaite du fond de mon coeur, favorisera une réconciliation nationale, authentique et sincère",

Le RDC, principal parti de l'opposition parlementaire sous Patassé, compte deux ministres dans le nouveau gouvernement et nombre de Yakomas, réfugiés en République démocratique du Congo depuis 2001, ont regagné Bangui ces dernières semaines.

"N'djengbot maintenu à la gendarmerie, M. Idriss Salao et Me Zarambaud Assingambi, ministres (ndlr: RDC) du gouvernement actuel, se retrouveraient dans une position bien inconfortable qui risque de fragiliser le gouvernement du Pr Abel Goumba", estimait, en milieu de semaine, le quotidien privé Le Confident.

"Nous pensons que les nouvelles autorités tiendront compte de la gestion consensuelle de la transition dans toutes les décisions qu'elles prendront", a commenté pour sa part Louis-Pierre Gamba, président du bureau provisoire du RDC.


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