A Bangui: réconciliation le jour, peur du complot la nuit

BANGUI, 24 sept 2003 (AFP) - 16h55 - Animée le jour à l'heure du Dialogue national de réconciliation, la capitale centrafricaine, Bangui, vit la nuit dans la peur du complot, quadrillée par d'omniprésents barrages de police et de gendarmerie.

Lors d'un récent conseil des ministres, le président François Bozizé s'est fait l'écho de "tentatives de déstabilisation" de partisans des ex-présidents Ange-Félix Patassé et André Kolingba et de "réunions nocturnes" de militaires.

Ce climat de méfiance vigilante tranche avec le ton constructif des débats du Dialogue national, qui se tiennent chaque jour au palais de l'Assemblée nationale, pendant que les Banguissois vaquent paisiblement à leur survie.

Depuis une dizaine de jours, 350 délégués issus des partis politiques et de toutes les couches de la société élaborent des recommandations pour tenter d'en finir avec les crises politico-militaires qui endeuillent le pays depuis

Dès la nuit tombée, les grandes avenues de la capitale se vident subitement. Le couvre-feu instauré depuis le coup d'Etat du général Bozizé n'a beau prendre effet qu'à minuit, seuls de rares taxis continuent de circuler après 22H00.

Régulièrement, la lueur d'une lampe torche les fait stopper. Contrôle des papiers, fouille des coffres. Les hommes en treillis sont partout, parfois nerveux ou inexpérimentés.

"Ils demandent +le café+ ou +la cigarette+. Il ne vaut mieux pas trop discuter avec eux", commente un conducteur, évoquant des cas de violence.

Ces contrôles se sont considérablement renforcés depuis trois semaines, peu avant l'ouverture du Dialogue national. Et Radio Centrafrique diffuse en boucle un communiqué appelant au strict respect du couvre-feu.

"Simple mesure de précaution. Il y a des gens qui n'aiment pas le dialogue national et voudraient le saboter en créant des troubles", assure un haut gradé de l'armée centrafricaine.

Le général Bozizé, qui a renversé le président Patassé le 15 mars lors d'un coup d'Etat, a été plus explicite lors d'un conseil des ministres tenu en fin de semaine dernière, avant son départ dimanche pour l'assemblée générale de l'ONU à New York, et dont le compte rendu a été rendu public mardi.

Derrière ces potentiels fauteurs de troubles, il a désigné "les putschistes du 28 mai 2OO1", des partisans de l'ex-président Kolingba, qui doit rentrer d'exil à la fin du mois pour participer au Dialogue national, et "certains +Patassistes+".

François Bozizé a parlé de "réunions clandestines à caractère militaire et subversif", prévenant les intéressés qu'ils devaient "s'attendre à assumer les conséquences de leurs actes, sans s'abriter derrière une prétendue chasse aux sorcières".

L'imminence du retour de Kolingba et l'agitation de Patassé, qui, depuis son exil au Togo continue de signer des décrets présidentiels et appelle le peuple à rétablir l'ordre constitutionnel, alimentent la paranoïa ambiante.

Les services spéciaux, inchangés depuis Patassé, continuent de leur côté de produire leurs célèbres "fiches de renseignements", dont certaines vont jusqu'à prêter des visées subversives à des membres du gouvernement, selon des sources informées.

Le nom du ministre de la Communication, le lieutenant-colonel Parfait Mbaye, membre de l'ethnie yakoma comme l'ex-président Kolingba, mais ancien porte-parole du général Bozizé dans la rébellion, a ainsi été cité.

"Mbaye a été le seul officier de l'armée qui a pris son courage à deux mains et a rejoint Bozizé dans le maquis", s'est insurgé l'ancien Premier ministre Jean-Paul Ngoupandé, actuel conseiller de Bozizé, qui dénonce les "faiseurs de fiches" et un "retour aux pires moments des rumeurs".

Paradoxalement, le renforcement de la sécurité à Bangui a aussi coïncidé avec un retour de l'insécurité, avec récemment cinq assassinats, attribués pour certains à des hommes en tenue.

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 17