Ces propos démagogiques des politiciens centrafricains

Le petit Larousse en couleurs, édition de 1991, donne la définition suivante du terme démagogie: "Attitude consistant à flatter les aspirations à la facilité ou les préjugés du plus grand nombre pour accroître sa popularité, pour obtenir ou conserver le pouvoir."

Comment la nouvelle génération de politiciens centrafricains apprend à exceller dans l'art d'osculter les vérités. Voici deux exemples parmi d'autres. Un membre du gouvernement va annoncer sur les ondes de la radio nationale que le gouvernement a pris ou prend l'engagement formel pour payer régulièrement, et à échéance, les salaires des fonctionnaires de l'administration. Vous observerez à ce sujet que depuis 1977, chaque gouvernement des régimes qui s'étaient succédés à Bangui avait, tour à tour, fait cette promesse par la voix du chef de l'état lui-même, de celle du premier ministre ou encore de celle du ministre de l'économie et des finances en personne. Depuis cette époque, cinq régimes politiques s'étaient essayés par exemple à résoudre le problème épineux des arriérés des salaires. Aujourd'hui, le régime de Bozizé et son Premier Ministre se prennent à ce même jeu de la promesse fallacieuse et gratuite. Les salaires ne sont toujours pas payés à échéance aux fonctionnaires comme ils en avaient fait la promesse. Mais dites-moi donc, vers quelle institution or quel saint les fonctionnaires centrafricains devraient se tourner, si ceux qui veulent gouverner ce pays sont incapables de respecter les paroles qu'ils donnent à leurs citoyens? Dans les sociétés mieux organisées, le peuple aurait demandé à chacun de ces gouvernements de démissionner, à tour de bras, pour cause d'incompétence. Si le peuple en avait fait la demande ferme et avec plus de conviction, peut-être que ce problème d'arriérés de salaires aurait déjà été réglé. Mais hélas, le peuple centrafricain a plutôt appris à s'accomoder de ces inconvénients que ces politiciens leur imposent. Ces engagements du gouvernement qui sonnent creux donnent à mépriser, parce que l'on sait quels moyens ces militaires et politiciens utillisent pour confisquer le pouvoir et garder tout un peuple dans la misère. Ceci dit, ces propos mensongers avaient toujours émané de cette même catégorie d'hommes politiques que l'on appellerait démagogues. Malheureusement, fort est de constater que tous les politicians le sont ou le deviennent par la force des circonstances et des opportunités qui se présentent à eux. A ce sujet, nous attendons que chacun qui objecterait, nous apporte la preuve du contraire.

Le second exemple que je m'en vais évoquer est plus récent et informe de la création d'un nouveau parti politique centrafricain, et, de l'intention de son chef d'être candidat aux prochaines êlections prêsidentielles en Centrafrique. Dans un des articles paru sur le site de Sangonet, celui-ci se serait proposé de vendre toutes les grosses cylindrées de l'administration comme une des mesures que son gouvernement prendrait, afin de régler les problèmes de la Centrafrique. A faire une lecture superficielle, l'on se dirait que cela ne serait pas une mauvaise idée après tout, puisque celle-ci avait déjà été essayée en 1982 par Thomas Sankara, lorsque celui-ci avait pris le pouvoir en Haute-Volta. Bien que pratique, cette initiative n'est donc pas vraiment originale et malheureusement ne satisfait pas le désir du public d'en savoir un peu plus sur ce futur candidat au poste de chef de l'état. Ce que nous attendons d'un candidat centrafricain aux élections présidentielles, ce ne sont pas des anecdotes ayant trait à de petites initiatives mercantiles du genre qui était décrit sur Sangonet. L'article ne nous dit pas comment le gouvernement de ce candidat procéderait à la liquidation de ces grosses cylindrées. Ferait-il organiser une vente aux enchères publiques ou simplement une vente en catimini et de gré à gré? Comment protégerait-il l'état contre d'éventuels conflits d'intérêt qui sont monnaies courantes et un des modes de détournement qui privent l'état des ressources nécessaires à son fonctionnement courant? A quelles fins serviraient les recettes de ces ventes de cylindrées? En prenant l'exemple des grosses cylindrées l'on serait bien en droit de se demander quelles économies si importantes seront engrangées, et, qui en vaudraient vraiment la peine? Les exemples de pratiques malhonnêtes, orchestrées par les autorités civiles et militaires abondent et indiquent comment les médicaments, les dons de ciment, le carburant, les logements administratifs, les petites unités d'usinage, les propriétés des domaines de l'état avaient été usurpés par ceux-la même qui prétendaient être au service de l'état. L'on ne serait donc pas surpris de retrouver ces grosses cylindrées, immatriculées sous les noms des membres du gouvernement, de ceux du CNT, ou des leurs. Mais jouons bon jeu et accordons à ce candidat le crédit de cette initiative. Outre cela, quelles seraient les autres initiatives que celui-ci envisagerait de prescrire pour résoudre la crise économique et les autres problèmes du pays? Si nous suivons son raisonnement, celui-ci proposerait ce que les économistes des grandes institutions financières avait deja fait. Par exemple engager la liquidation des agences et organisations étatiques dans les secteurs de l'énergie, des télécommunications, des postes, de l'agriculture et autres dont les opérations financières ne seraient pas rentables. Tout cela est facile à prescrire si l'on ne soucie pas des retombées négatives de telles restructurations sur les employés qui perdront leurs emplois et sur leurs familles. Quelles seraient les conséquences sociales si l'état liquidait ces secteurs? Ce candidat aurait-il profondément réfléchi et pensé aux mesures d'accompagnement qui permettraient à ces salariés de continuer à être productifs ailleurs et de subvenir ainsi aux besoins de leurs familles? Si non, quelles autres alternatives propose-t-il dans les programmes de la politique de son parti? Ceux sont là quelques exemples de questions fondamentales qui demanderaient mures réflexions et auxquelles un homme politique ou un candidat aux présidentielles, digne de ce nom, est tenu d'apporter des réponses convaincantes et des solutions pratiques, efficaces et acceptables par la majorité des électeurs. L'effort de développement économique réel ne devrait pas se résumer à des messages superficiels, histoire d'attirer l'attention. La politique demande plus que ces petites boutades; elle exige la participation de tous, une profonde réflexion, une vision large et pertinente et la mise en place de stratégies judicieuses pour initier le développement à court, moyen et très long terme. Donner un comprimé de cafénol au malade 'crise centrafricaine' à l'exemple de la vente des grosses cylindrées de l'administration, ne fera pas sortir ce malade de l'hôpital communautaire.

Sans prétention aucune, l'on pourrait suggérer aux futurs candidats aux présidentielles d'arrêter d'user de propos démagogiques et de tenir des discours intelligents qui convaincraient la majorité de tous les citoyens de leurs visions et dévouements pour sortir la Centrafrique du sous-développement. Etre dirigeant politique ne signifie pas vouloir prendre le pouvoir par tous les moyens pour s'enrichir et enrichir frauduleusement son clan au détriment du peuple. Le peuple centrafricain apprendrait peut être un jour à faire la part des choses et se convaincrait enfin que ce ne seront pas les propos des démagogues qui sortiront le peuple de cette mauvaise situation. Ce n'est pas la création d'un n-ième parti politique, ni la vente des grosses cylindrées de l'administration qui apporteront le redressement économique du pays. C'est la grande capacité de réflexion des hommes politiques, c'est la maturité des membres des partis politiques et des syndicats, c'est la vivacité de toute la société civile, c'est la recherche des solutions pratiques et moins couteuses aux problèmes de l'heure et de ceux à venir, c'est le respect de l'intégrité de l'administration, c'est l'application d'une justice noble et équitable, c'est l'ardeur des jeunes aux études, c'est le dévouement des hommes et des femmes au travail qui apporteront le développement de la Centrafrique. Le développement n'arrivera jamais par l'annonce de quelques anecdotes ou autres propos lapidaires des candidats aux futures élections présidentielles en Centrafrique.

Jean-Didier Gaina

Virginie, Etats-Unis d'Amérique

(Sent: Sunday, September 21, 2003 9:36 AM)

Actualité Centrafrique de sangonet- Dossier 17