Centrafrique : 28 mai 2001-28 mai 2004

Trois années se sont écoulées, de l'eau est passée sous le pont pour certains, la conspiration du silence a repris le dessus, et dans une hypocrisie orchestrée; la vie a repris ses droits.

 Trois années durant, où beaucoup de choses se sont passées, de l'échec du coup d'état du 28 mai au génocide qui s'en est suivi, des crimes contre l’humanité occasionnés par les mouvements de Novembre 2001 et Octobre 2002, sans oublier la chute de Patassé en y adjoignant la libération du 15 mars 2003.

 La vérité, la lumière n’ont jamais été établies dans toute leurs largeurs sur les non-dits de ce coup d’état manqué. Beaucoup de secret d’initiés demeurent jusqu’à l’heure d’aujourd’hui bien gardé, et Dieu seul sait, si l’on saura un jour la vérité « inclusive » de ce coup d’état manqué.

 Les propos dans cette analyse, ne sont pas chercher à justifier la légalité du coup d’état, dans un système que nous avons tous choisi, qui est celui de l’universalité des voix, il est inadmissible que des individus, non dotés de légitimité populaire, se lèvent et mettent de manière délibérée, fin à la marche dite et voulue démocratique. L’individu et le groupe d’individu ayant eu l’onction populaire des urnes, doivent eux aussi à leurs tours, respecter les aspirations et les attentes de ce peuple, dans le cas contraire, que faire ? c’est là que l’exercice démocratique en Afrique en général et en Centrafrique en particulier, n’a pas encore su allier le principe unique de la démocratie et les réalités concrètes, englobant l’incapacité de l’élite à bâtir un espace viable dans toute l’acception du terme.

 Justifié selon certains, condamné d’après les autres ; le coup d’état du 28 mai 2001 a bel et bien eu lieu, la reconnaissance en « Agora » de la paternité de ce coup d’état par Mr Kolingba André, établit une équation toute simple : Kolingba=yakoma=Rdc.

Dans la riposte dite « loyaliste », un grand nombre d’exaction eut lieu, des populations entières furent désignées à la vindicte ; un Armagueddon sur le bitume eut lieu, une vendetta équatoriale.

Cet exploit macabre qui n’a eu de condamnation de la part de la république que représentait Patassé, ainsi que de la communauté internationale, ouvrit la voix à d’autres atrocités quelques mois plus tard.

 Ainsi Mr Patassé va mobiliser les moyens de la république pour mater dans le sang, les quartiers du nord de Bangui après Novembre 2001, lorsque Bozizé déserta. Rebelote en Octobre 2002, lorsque les hommes de ce dernier furent une brève pénétration dans Bangui.

 Des exactions terribles eurent lieu  dès les lendemains du 28 Mai 2001 jusqu’à la prise de Bangui par les hommes de Bozizé : assassinats, meurtres, pillages, destruction, viols,……

 De tous ces horribles crimes, aucune condamnation judiciaire n’en est sortie, rien, les bourreaux d’hier sont dans la place aujourd’hui, achevant ainsi le cycle de lobotomisation du peuple ; l’empêchant de voir le bout du tunnel.

 Rien de bon ne sortira en Centrafrique, si « justice » n’est rendue.

 Trop de question restent sans réponse :
     Les auteurs réels du coup d’état du 28 mai 2001 ;
     Pourquoi n’a t’on pas déployé les moyens de la république pour rechercher les véritables auteurs ?
     Pourquoi un pan entier de la population de notre pays a t’il été jeté à la vindicte populaire ?
     Pourquoi ceux qui hier réclamaient justice et aujourd’hui aux affaires ne font rien ?
     Quel est le degré de responsabilité de l’actuel leadership dans ce coup ?
     Pourquoi les voisins n’ont réagi à temps pour arrêter l’hémorragie ?
     Quel est le degré de responsabilité des ex-Mobutistes et des français dans cette affaire ?
     Qu’ont fait Bemba et Démafouth dans cette histoire ?
     Jusqu’à quand la conspiration du silence dominera ?

 Trop de choses mauvaises et atroces se sont déroulées chez nous, et c’est toujours le même spectacle : SILENCE. Comme si une « Ormetta » régnait chez nous, et pourtant sans justice, les démons du passé continueront de nous hanter, et les gouvernants, se serviront toujours des moyens de la république pour exterminer ceux qui les gênent et/ou transformer la république en un espace de règlements de compte passionnels et personnels.

 28 mai 2001-28 Mai 2004, trois années se sont écoulées, et nos morts se sont tus, leur voix a disparu, leur souvenir est lointain, mais nous ne devrons jamais les oublier, et conjuguer nos actions pour que justice soit rendue ici, maintenant dans le système des choses actuelles.

 A tous nos compatriotes, de L’Est, de l’Ouest, du Sud et du Nord ; le temps est venu pour que nous reformions une nation unique. La formation de cette nation ne devra pas mettre fin aux spécificités régionales et locales qui font la beauté de ce pays, nous devrons nous mobiliser, faire à tout prix que justice soit rendue, mais nous devrons aussi, aujourd’hui et pour toujours continuer de travailler cette pluralité qui fait la beauté de notre pays, mettre hors d’état de nuire, les ennemis de notre république, les partisans de la division et du clanisme.

 Le 22 Octobre 2002, le jour de son investiture, Mr Patassé a dit ceci : « je n’appartiens plus à ma famille, à ma tribu et à ma région. Je ne me laisserai que guider par les intérêts supérieurs de la nation. » hélas que ce dernier ne s’est pas aligné sur ses propres mots. Justice doit être rendue, au nom de nos morts, de nos compatriotes, de nos espoirs et de nos désespoirs.

 Qu’importe l’endroit où nous nous trouvons, je lance ici un appel à tous les compatriotes et amis du Centrafrique : ce 28 mai 2004, observons tous une minute de silence en mémoire des victimes du génocide qui a suivi le 28 mai 2001, des victimes des crimes contre l’humanité de Novembre 2001 et Octobre 2002.

 Clément BOUTE-MBAMBA

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 18