La trajectoire du grand parti MLPC aurait peut-être atteint son apogée.

A l’instar du MDI-PS et du PUN qui avaient tenu leurs assises il y a quelques mois, afin de préciser les nouvelles orientations desdits partis et de reconstituer leurs bureaux politiques, nous lisions sur le site de Béafrica-Opinions que le MLPC, lui aussi, avait procédé au renouvellement de son bureau politique national, afin de mettre un terme à la polémique des divisions au sein de ce parti. C’est maintenant chose faite. Et l’on se demanderait si tout ce remu-ménage serait le signe d’une certaine renaissance des partis politiques en Centrafrique ou est-ce que ce serait simplement le signe précurseur du recommencement d’une même histoire qui a fini par lasser, même les centrafricains acquis à la cause de la démocratie. Cependant, accordons tous le crédit dû à ceux qui avaient organisé ces évènements et reconnaissons que ces grandes réunions sont bien un des ingrédients nécessaires à l’existence et au maintien d’une certaine forme de liberté démocratique dans le pays, même si pour ce qui concerne le MLPC tout cela avait donné l’apparence d’une farce.

L’on serait bien en droit de se demander si ces congrès proclamés à cor et à cri étaient une fin en soi. On aurait attendu de ces assises que le bureau politique du MLPC fasse un exposé détaillé du bilan politique et économique des actions du gouvernement de Patassé. Mais seulement voilà, aucun d’entre les ténors de ce parti n’avait voulu avouer l’échec politique total qui avait forcé la mise à l’écart de Patassé. Tous avaient clamé et clament encore que le MLPC et Patassé avait oeuvré inlassablement au développement du pays. Mais dites nous donc de quoi il s’agit! Au cours de ces assises du MLPC, le porte-parole du bureau politique national avait volontairement refusé de donner aux camarades-militants de ce parti dont la majorité se trouve dans le pays et n’a pas accès à l’Internet, des explications convaincantes sur les raisons profondes de la crise politique actuelle dans le pays? Etait-ce l’incapacité à reconnaître la médiocrité des résultats de leurs actions ou plutôt un manque de courage et d’honnêteté? Le citoyen ordinaire avait depuis compris les véritables ambitions du bureau politique du MLPC quand Patassé avait déclaré qu’après avoir été élu démocratiquement, il n’avait plus de compte à rendre aux électeurs qui réclamaient sa démission. Ne trouvez-vous pas qu’il y a quelque chose qui sonne faux dans cette assertion et qui est contraire à l’exercice démocratique du pouvoir? Est-ce qu’au cours de ces assises, il y avait eu ce souci de la part des membres du bureau politique national du MLPC de déterminer avec exactitude et une certaine humilité toutes les responsabilités du "Grand Camarade" et d’avouer leurs coupables complicités dans toutes les mauvaises décisions qui avaient abouti aux évènements douloureux durant le règne du MLPC et de Patassé? Comment voulez-vous que la démocratie fasse du progrès si les parts des responsabilités ne sont jamais établies et si les dirigeants politiques décident de ne pas tirer des leçons de leur humiliante prestation? Et pour cette seule raison, les grandes lignes de l’action politique du MLPC demeurent donc caduques et inappropriées parce que n’intégrant aucune critique ni aucune mesure corrective de réajustement pour le présent et l’avenir de ce parti.

Pour essayer d’apporter la lumière à ces incompréhensions, nous nous permettrons dans un premier temps de faire les observations suivantes. La première est celle de rappeler que le MLPC n’a que trois victoires incontestées à son bilan, qui se résumeraient par le fait d’avoir contribué au renversement de trois régimes politiques - Bokassa, Dacko et Kolingba -. Et l’arme du MLPC avait été le verbe et la démagogie. Beaucoup avait cru au MLPC et aux changements positifs que ses dirigeants mettraient en place. Malheureusement Patassé et sa clique de loyalistes s’étaient accaparés du bureau politique pour détourmer le mouvement de ses grands objectifs d’une société éduquée, dynamique et libérée de toute tyranie. Pour ce qui concerne l’essentiel, c’est à dire le développement social et économique, nous n’arrivons toujours pas à identifier les vestiges de cette réussite économique qu’aurait laissé le MLPC, après plusieurs années d’exercice du pouvoir. Le refus de dire toutes les vérités, mêmes si elles sont embarassantes, est l’un des premiers obstacles à franchir, afin d’aller vers un semblant d’honnêteté qui avait manqué au véritable militantistme politique en Centrafrique. L’observation des activités du MLPC avait fait croire à la liberté des débats publics honnêtes, cependant avait laissé percevoir de fortes dissensions au sein du bureau politique national du MLPC. En effet, un groupe remettait en question la qualité du leadership de Patassé et réclamait la formation d’un nouveau bureau politique. Mais il n’en était pas question, protestait un second groupe qui avait crié à la trahison et exigeait le maintien en place de Patassé et de ceux qui lui étaient restés fidèles. Remarquer que les membres du bureau politique du MLPC et certains militants s’étaient comportés de la même manière que ceux du MESAN dont ils étaient tous issus d’ailleurs. Ils s’étaient offusqués au sujet de la demande du renouvellement du bureau politique du MLPC quand ils avaient estimé qu’ils avaient le mieux géré les affaires pays par rapport aux régimes qui les avaient précédé. Ils avaient certes fait de leur mieux. Malheureusement, leurs efforts n’étaient pas suffisants et les résultats sont là pour en témoigner. Et être membre d’un bureau politique, serait aussi d’avoir la sagesse et la capacité de reconnaître les signes de la nécessité d’une succession et l’obligation de passer le bâton. C’est peut-être le prix à payer pour sauvegarder les grands idéaux d’un parti, maintenir une dynamique enrichissante et pour en assurer la survie.

Si la nouvelle de la ré-élection de Patassé au poste de président du bureau politique national du MLPC était confirmée, nous nous demanderons ce qui s’était bien passé. Qu’avait-on fait de l’opinion des autres membres du MLPC qui étaient entrés en dissidence et demandaient le départ de Patassé du bureau politique? Parce qu’ils avaient exprimé tout haut leurs pensées, Patassé les avait radiés de la liste des militants du MLPC, au nom de l’application des règlements du parti quand cela lui convenait. Mais est-ce que le MLPC va toujours se refuser d’écouter les voies discordantes comme l’avait fait Patassé lorsqu’il était à la villa adrienne? Mais n’est-ce pas cette pratique condescendante, instituée par les membres du bureau politique du MLPC et Patassé, qui avait fait couver puis exploser les mutineries au sein de l’armée, initier les différentes tentatives de coups d’état, puis instituer l’anarchie dans le pays? Est-ce que cette pratique ne s’appellerait pas une dictature du MLPC au sein d’une entité nationale que l’on voudrait démocratique, mais qui en réalité ne l’était pas? Quels avaient été les détails de la procédure des élections qui avait abouti à la ré-élection des anciens membres du bureau politique national du MLPC? Est-ce qu’il y avait réellement des délégués représentant les militants de l’intérieur du pays et ceux de l’extérieur, toute tendance confondue ("aigris" ou loyalistes)? Combien étaient-ils? Ou bien était-ce seulement une réunion d’un collège d’électeurs, choisis sur une liste restrainte de militants favorables à l’ancien bureau? Tout ces points avaient été tus dans ce rapport véritablement succinct, affiché sur le site de Béafrica-Opinions. Est-ce que les membres du bureau politique du MLPC n’avaient pas cru nécessaire de porter ces détails à l’attention de leurs militants et du public? Ce rapport des travaux du congrès du MLPC est resté très avare sur les mots. Et si c’était le rapport officiel du MLPC, l’on est bien forcé d’admettre que l’on est encore témoin aujourd’hui du modèle autoritaire et manipulatif du MLPC et de la manière superficielle dont ses dirigeants traiteraient le public et les informations s’ils retournaient au pouvoir à Bangui. Où avaient-ils donc fourré le fameux principe de la transparence? Mais n’est-ce pas cette absence de transparence qui avaient donné l’occasion aux dirigeants du MLPC de se sucrer sur le dos du peuple qui leur avait fait confiance, en organisant des magouilles en tout genre? Enfin, le MLPC semble avoir réglé ses problèmes internes. Mais pendant qu’ils y étaient, ce congrès de militants auraient dû faire amender les statuts du MLPC et faire de Patassé son président à vie à l’exemple de son ancient maître! Cela aurait peut-être définitivement règlé les comptes, ne trouvez-vous pas!

Mais à quel point ce règlement des problèmes internes au MLPC affecte-t-il tous les citoyens du pays, militants du MLPC ou pas? Je suis surpris que les militants du MLPC n’aient pas réussi à identifier en leur sein de nouvelles têtes capables de continuer dans un bureau politique remanié l’oeuvre que les anciens avaient commencée. Les résultats de ces élections des membres du bureau politique du MLPC ressemblent pour beaucoup aux mauvaises décisions prises par les militants du MESAN voici un peu plus de 30 ans qui avait fait de Bokassa, le maréchal, le président à vie et l’empereur de la cour de bérengo. Etrange, n’est-ce pas! L’histoire se répète. Une frange importante de la société nationale n’a toujours pas apprécié la mauvaise gestion des affaires de l’état par le régime de Patassé. Et l’on voit qu’une minorité au sein du MLPC ne l’a toujours pas compris. Mais citons pour exemple l’appropriation par Patassé, ses associés et les siens de grands domaines fonciers du pays pour l’exploitation minière et pour l’exploitation des ressources forestières. Comment ces secteurs pourrait prétendre être des sources de revenu pour le trésor publique si ces enterprises appartenaient au chef de l’état? Quel fonctionnaire aurait l’audace de réclamer à Patassé le payment de toutes les taxes assujetties? En fait combien ces enterprises de Patassé avaient-elles payé à l’état centrafricain au titre des taxes relatives à toutes ses possessions et aux activités afférantes? Citons les expropriations qui avaient affecté de nombreuses populations autochtones à qui l’on avait interdit l’accès de leurs terroirs qui étaient devenus des exploitations de Patassé. Pensez-vous que Patassé aurait eu la décence de dédommager ces populations ou ces communautés? Citons les militaires de sa garde personnelle qui veillaient sur ces domaines et dont les salaires émargeaient bien entendu sur le budget de la défense nationale. Cet état de chose ne serait-il pas considéré comme un détournement de biens publiques? Citons les invitations faites aux troupes libyennes et à celles du rebelle congolais Jean-Pierre Bemba pour violer l’intégrité du territoire et la souveraineté nationale, afin de protéger son pouvoir et d’assujetir le citoyen centrafricain qui comprenait bien évidemment des militants du MLPC. Cela ne constituerait-il pas une trahison? Citons toutes les destructions de propriétés publiques et privées qui avaient été le résultat des mauvaises décisions de Patassé. Cela ne serait-il pas de l’incompétence et ne prouverait-il pas l’absence totale d’un bon leadership? Citons les morts, les viols des femmes et des enfants sans que Patassé, le MLPC et ses militants n’aient levé le petit doigt pour protester. Cela ne se qualifierait-il pas de complicité et association de malfaiteurs? Citons l’insécurité qui avait résulté de l’incompétence de son gouvernement à éradiquer ce problème. Citons les crimes économiques liés aux sorties frauduleuses des pierres précieuses et à la sous-estimation des valeurs des bois exportés par Patassé ou ses associés, et, qui avaient privé l’état de ressources pour par exemple payer les salaires. Citons l’association de son gouvernement avec des malfrats prétendus hommes d’affaires. Citons les détournements de biens de l’état par les membres de son gouvernement. Voulez-vous que l’on apporte des preuves formelles? Le moment arrivera bien un jour où toute la lumière sera faite sur ces malversations. Mais qui était donc le chef suprême de l’état centrafricain pendant que se commettait tout ce forfait? Qui avait donc été l’ultime responsable de tous ces crimes? A notre humble avis, les présumés coupables sont bien Patassé et tous ceux du MLPC qui l’avaient soutenu et qui n’avaient émis aucune objection quand chacun de ces faits s’était produit. Aujourd’hui, pensez-vous que le peuple a tout oublié de ce passé du MLPC dont Bozizé assure fidèlement la continuité? C’est une injure aux militants du MLPC que de les mettre devant le fait accompli et de faire croire qu’ils avaient voté la ré-élection de Patassé. Et ce semblant d’exercice des élections démocratiques des membres du bureau politique national du MLPC est sans aucun doute une grossière fraude.

Le peuple devra sortir de sa torpeur et demander devant la justice internationale, des comptes à cette organisation de camarades qui ne pensent qu’à la mise en place d’escroqueries, à tromper le peuple et hypothèquer tout le domaine foncier national. Peut-être qu’un jour ces camarades tireront enfin des leçons et comprendront que le peuple centrafricain voudrait simplement un dirigeant honnête, courageux et clairvoyant et des membres d’un bureau politique, lucides et intègres pour les remettre au travail et ensemble apporter au pays et à ses enfants la sécurité et la prospérité. Et il importe de remarquer que le bureau politique du MLPC et Patassé n’en sont plus capables comme ils en ont encore fait la démonstration.

Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d’Amérique

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 18