Plus que jamais, l’impératif est à l’apaisement, au dialogue fraternel, à la confrontation pacifique des propositions pour sortir durablement de la crise. Plus que jamais, le rassemblement de toutes les bonnes volontés est nécessaire pour donner un contenu au pacte de réconciliation nationale élaboré par la conférence de mars 1998. Plus que jamais, le souci premier est de privilégier ce qui rassemble et non ce qui divise.

DISCOURS D’OUVERTURE DU DEUXIEME CONGRES ORDINAIRE

Par Jean-Paul NGOUPANDE, Président du Parti

Bangui, le 8 avril 2004

Monsieur le Ministre, représentant du Gouvernement de Transition,

Monsieur le Représentant du Conseil National de Transition,

Madame et Messieurs les Ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques,

Mesdames et Messieurs les représentants des partis politiques,

Distingués invités,

Chers compatriotes membres du Conseil Politique, du Comité Exécutif et du Secrétariat Exécutif du Parti de l’Unité Nationale,

Chers compatriotes dirigeants et membres de l’UFPUN et de l’UJPUN,

Chers délégués au deuxième Congrès,

Au moment où s’ouvrent nos travaux, je ne puis m’empêcher de penser à tous ces compatriotes, parmi lesquels des militants de la première heure et même certains des fondateurs de notre Parti, qui ne sont plus des nôtres depuis notre premier Congrès de juin-juillet 1999. Je ne peux que citer quelques-uns, parmi les plus connus : Michel YAMENGUE, Michel AGUINGO, et, tout récemment Privat YOKOMBO. Pour ceux-là, et pour tous les autres, je vous prie de bien vouloir observer une minute de silence.

Mesdames et Messieurs,

Distingués invités,

Chers compatriotes,

Le chemin parcouru par notre jeune Parti depuis le premier Congrès peut se résumer en une formule : l’engagement total pour la liberté, l’unité du peuple centrafricain et les progrès de la démocratie en Centrafrique. Nombreux sont ceux d’entre nous qui ont dû payer cher cet engagement : tracasseries de toutes sortes, emprisonnement, tentative d’assassinat et exil. Mais jamais nous n’avons baissé les bras.

Le PUN a répondu présent lors de la mobilisation pour soutenir les justes revendications des salariés du secteur public entre octobre-novembre 2000 et avril 2001. Il a répondu présent quand s’est imposée la nécessité de mobiliser toutes les couches de la population centrafricaine pour appuyer le soulèvement militaire dirigé par le Général François BOZIZE, ce qui a abouti au changement du 15 mars 2003.

Depuis un an, il apporte sa contribution au déroulement de la Transition consensuelle qu’avec d’autres forces politiques il a appelée de tous ses vœux depuis le 8 juillet 2000.

A dire vrai, quand on observe le chemin parcouru par ce parti malgré sa jeunesse – il a été légalisé le 4 mai 1998 – on peut estimer à juste titre qu’il n’a cessé d’apporter sa contribution à la consolidation de la démocratie centrafricaine.

Les membres du PUN savent que notre parti a été créé sur la base d’un constat : celui de la nécessité de donner un nouveau cours à la citoyenneté centrafricaine, mise à mal par de nombreuses années de déchirements, de luttes fratricides, de haine tribale, qui ont sérieusement compromis les chances de développement de la Centrafrique. Plus que jamais, c’est encore le souci d’unité, de rassemblement et de réconciliation vraie qui est au cœur de notre combat. L’unité retrouvée, c’est le retour de la confiance entre les Centrafricains. Sans cette confiance, nous continuerons de nous regarder en chiens de faïence. Cette longue période de tensions a ruiné le pays, et c’est peu dire que d’affirmer que la RCA a payé au plus fort le règne de la haine tribale et de l’exclusion.

La situation de la Centrafrique demeure fondamentalement très fragile. On aurait tort de croire que le départ du Président Patassé le 15 mars 2003 a réglé tous les problèmes. Je dirai pour ma part, comme je l’ai déjà fait en juin dernier à l’ouverture de la session ordinaire de notre Conseil Politique, que ce départ n’a fait que mettre en lumière les problèmes qui étaient occultés jusque-là, et qui nécessitent des réponses de maintenant. Nous n’allons tout de même pas nous exonérer de toute charge, en rejetant sur les régimes passés toute la responsabilité de la déchéance de notre pays. Rien n’est plus stérile que de se cacher derrière les fautes du passé pour justifier l’inaction et l’absence d’avancée dans le présent. Nous sommes là pour agir, et redonner espoir en corrigeant par des actes adaptés les errements du passé. Il n’est pas indispensable de rappeler devant chaque difficulté la responsabilité de nos prédécesseurs.

Excellences,

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

Comme chacun sait, notre Parti a fortement plaidé pour une Transition consensuelle. Il en a proposé la configuration, et cela plus de deux ans avant le départ effectif de Monsieur Patassé. Malgré les ratés de l’expérience en cours depuis le 15 mars 2003, nous demeurons convaincus qu’il n’y avait pas d’autre choix pour créer les conditions de la réconciliation vraie. Ce qui est en cause aujourd’hui, ce n’est pas le principe d’une Transition consensuelle, qui correspond à la situation présente de la Centrafrique, pays meurtri par des années de division, et qui a besoin de se réconcilier avec lui-même. Ce sont les petits calculs et les intérêts personnels placés au-dessus de l’intérêt général qui ont dévoyé la Transition. Mais le PUN ne l’enterre pas. Même si nous portons un jugement sévère sur ses dérives, et notamment l’insuffisance notoire de concertation et la tentative visant à jeter le discrédit sur les partis politiques dans le but de les marginaliser, nous croyons toujours qu’il faut tenter de sauver ce qu’il est encore possible de sauvegarder pour que le pays aille sans trop d’accrocs jusqu’aux élections. Une mauvaise Transition consensuelle vaut encore mieux qu’un climat d’affrontements qui sera de nature à compromettre la marche pacifique ver les élections, but ultime de cette Transition consensuelle.

Par ailleurs, je voudrais préciser que je ne me sens pas en conflit ou en opposition frontale avec le Général François Bozizé, qui dirige l’Etat pendant cette Transition. Certes, j’ai eu à ex primer, parfois publiquement, des appréciations critiques concernant certains aspects de la gestion de la Transition. Je l’ai fait le 11 mars dernier, lors de la rencontre du Président avec les partis politiques. Je l’ai fait dans l’esprit d’une critique que je crois constructive. Ceux qui seraient tentés de croire que ce Congrès pourrait être une occasion de déballages et de règlements de comptes seront certainement déçus.

Dans le cadre de la mise en place des institutions de la Transition, j’avais accepté de consacrer un peu de mon temps à aider le Chef de l’Etat en tant que membre de son cabinet. Dès le départ, il avait été entendu que cette contribution serait limitée dans le temps, en raison d’autres responsabilités que j’ai, notamment celle de président d’un parti politique. A l’approche des échéances électorales, il est normal que je me consacre à mon parti. Dans ce but, j’informerai le Chef de l’Etat de cette décision qui ne saurait être interprétée comme une rupture avec la Transition consensuelle. Il n’y a aucune raison pour que cela ne se fasse pas dans la cordialité et la sérénité. Il va de soi que, sauf si le Président en décidait autrement, notre Secrétaire Générale, Léa KOYASSOUM DOUMTA, demeurera à son poste au sein du Gouvernement de Transition, de même que notre premier vice-président, Gaston MACKOUZANGBA, continuera de siéger au sein du Conseil National de Transition. Le PUN n’est pas partisan de la politique du pire. Notre parti milite pour que s’instaure progressivement et durablement un climat de paix et de concorde nationale permettant que nous puissions nous attaquer aux grands défis qui assombrissent l’horizon du développement centrafricain.

Beaucoup, dans le pays, s’étonnent du silence du président du PUN, habituellement un peu plus disert. Certains interprètent ce silence comme une complicité tacite avec les dérives de la Transition, et même comme la manifestation d’un certain désintérêt par rapport aux problèmes du pays. Ils ont tort. Mon relatif silence procède de la volonté de calmer le jeu, et de ne rien faire qui puisse ajouter à la tension latente. Je répète une fois encore que la situation du pays demeure très fragile et qu’il ne faut donner aucun prétexte aux va-t-en guerres, ceux qui aimeraient tellement disposer d’un prétexte pour ralentir ou même contrecarrer le processus électoral. Or il est vital que nous puissions aller aux élections dans la paix et la sérénité. J’ai donné comme instruction ferme à la direction du Parti de ne céder en rien aux provocations, et d’éviter les polémiques stériles. Ce n’est pas parce que telle ou telle feuille de choux instrumentalisée à des fins de calomnies pour discréditer un éventuel concurrent lors des élections à venir, écrit des contre-vérités sur moi qu’il faut réagir à tout prix dans le même style. Notre pays est confronté à des problèmes très sérieux, et c’est avec le plus grand sérieux qu’il faut les aborder. Pour notre part, nous faisons confiance à la capacité de discernement du peuple centrafricain.

Plus que jamais, l’impératif est à l’apaisement, au dialogue fraternel, à la confrontation pacifique des propositions pour sortir durablement de la crise. Plus que jamais, le rassemblement de toutes les bonnes volontés est nécessaire pour donner un contenu au pacte de réconciliation nationale élaboré par la conférence de mars 1998. Plus que jamais, le souci premier est de privilégier ce qui rassemble et non ce qui divise. Le PUN n’a aucun compte à régler avec qui que ce soit. Il n’est pas parti prenante des haines, des règlements de comptes, des rancunes et des velléités de revanche. Il n’a qu’un seul souci : aider à la prise de conscience de l’urgente nécessité pour les Centrafricains de s’entendre pour sauver leur pays. Nous ne serons donc pas au rendez-vous de la haine et de la confrontation. Nous serons là pour répéter inlassablement que nous nous sauverons ensemble, ou nous périrons ensemble.

L’Afrique contemporaine pullule, hélas, d’exemples tragiques, où l’extrémisme de dirigeants irresponsables a poussé des populations qu’auparavant rien n’opposait fondamentalement à s’entredéchirer, avec les conséquences qu’on a pu observer au Rwanda, au Burundi, en Somalie, en République Démocratique du Congo, en Sierra Leone, au Liberia, et tout récemment en Côte d’Ivoire. Nous-mêmes avons tutoyé la guerre civile, et avons risqué de plonger dans le gouffre d’une fracture irrémédiable au sein de la communauté nationale. Au moment où l’Afrique et le monde commémorent le dixième anniversaire du génocide Rwanda, souvenons-nous que le bien le plus précieux que nous puissions léguer aux générations futures de Centrafricains est la paix.

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

En à peu près un an, j’ai parcouru plus de cinq mille kilomètres à l’intérieur du territoire centrafricain. J’ai rencontré des milliers et des milliers de nos compatriotes, en particulier ceux du monde rural. Tous disent qu’ils sont fatigués de la violence qui entraîne l’insécurité et l’appauvrissement. Les responsables politiques, les leaders d’opinion, ont le devoir de prêter attention à ce ras-le-bol. Quiconque refera le coup de feu dans ce pays portera une lourde responsabilité par rapport aux générations futures. Désormais c’est dans le cadre du dialogue pacifique et fraternel que nous devons placer le règlement de nos différends.

C’est dire que le profil du prochain chef de l’Etat centrafricain devra être avant tout celui d’un rassembleur, soucieux de concorde nationale, soucieux d’apaiser les tensions au lieu de les attiser, soucieux de rassurer chacun, chaque composante de la nation, chaque ethnie, chaque région, chaque confession religieuse, chaque catégorie professionnelle. Un président-carrefour des retrouvailles nationales, un président qui, par les actes concrets qu’il posera tous les jours, s’éloignera des tentations de la préférence ethnique et partisane. Un test important sera celui des critères de recrutement dans la fonction publique, notamment dans le secteur très sensible des forces armées centrafricaines. Les Centrafricains sont devenus des Saint-Thomas : ils ne croient plus aux paroles ou aux intentions proclamées : ils entendent juger désormais par les actes. Ils sont attentifs à tout ce qui peut ressembler à la perpétuation des pratiques d’exclusion.

Si nous voulons vraiment que la République centrafricaine ait une chance de commencer à s’en sortir, il nous faut convenir de ce qu’aucun parti, aucune ethnie ou tout autre ensemble, n’est en mesure, tout seul, de gouverner le pays dans les années à venir. D’une certaine façon, le prochain mandat présidentiel devrait être une nouvelle forme de transition, tout à fait contractuelle. Autrement dit, le nécessaire consensus devrait être assis sur des engagements forts, clairs et précis. Pour avoir négligé l’aspect contractuel du consensus, pour l’avoir conçu un peu informel, nous, les acteurs de l’actuelle Transition, n’avons pu réellement en contrôler le déroulement, d’où cette gestion un peu solitaire qui en a substantiellement vidé le contenu. Donc, des engagements forts, clairs et précis doivent lier celui qui aura la lourde tâche de conduire cette nouvelle Transition. En gros, il s’agira que celui là s’engage très clairement à gouverner le pays sur la base d’un pacte de rassemblement national. En d’autres termes, il devra former un gouvernement représentatif des différentes sensibilités politiques, ethniques, régionales et religieuses, un gouvernement dans lequel la compétence, le sérieux et l’honnêteté devront être au rendez-vous. C’est le prix à payer pour le retour de la confiance entre Centrafricains, condition du retour de la confiance avec les partenaires extérieurs.

Il ne s’agira évidemment pas de former un gouvernement-mammouth. Bien au contraire : ce pays n’a pas les moyens de s’offrir un gouvernement de plus de vingt membres, synonyme de dépenses inconsidérées, de lourdeur et d’inefficacité. Les responsabilités d’un Etat croulant sous des défis innommables ne se limitent pas à la distribution de postes ministériels. La question de la confiance et de la stabilité en RCA a souvent été réduite à celle de la répartition des postes de ministres. Or j’estime qu’il y a peut-être plus essentiel : le renforcement des capacités de nos administrations qui doivent être pilotées par des hauts fonctionnaires compétents, bien formés, expérimentés, travailleurs et intègres. Ce sont ceux là qui sont en mesure d’assurer l’efficacité et la continuité de l’Etat.

La faiblesse structurelle de l’Etat centrafricain est l’une des causes majeures de son incapacité à protéger comme il se doit les citoyens. Elle est également la cause des dysfonctionnements et des retards dans le traitement des grands dossiers, y compris ceux qui concernent nos rapports avec les partenaires au développement. La stabilisation des cadres ayant fait la preuve de leur compétence est de nature à renforcer l’efficacité de l’Etat. Or notre pays a pris l’inquiétante habitude de s’amuser – il n’y a pas d’autre formule ! – avec la question de l’encadrement. Les bons cadres, c’est le bien le plus précieux dont une administration publique puisse disposer, surtout pour les pays en développement. Tous nos partenaires au développement se plaignent aujourd’hui des lenteurs de l’administration centrafricaine, dues à la démotivation de la plupart des hauts fonctionnaires centrafricains, de l’incompétence de pas mal d’entre eux nommés sur des critères qui n’ont rien à voir avec le souci de compétence, d’expérience, de capacité de travail et d’intégrité. Pour avoir véritablement joué avec ces considérations essentielles, l’Etat centrafricain a démobilisé et décrédibilisé la haute fonction publique, qui n’a plus de repères. Comment voulez-vous qu’un cadre bien formé, conscient de sa valeur intrinsèque et désireux de bien faire, accepte qu’on lui impose comme « patron » quelqu’un qu’il sait moins méritant que lui, et qui ne doit sa bonne étoile qu’à la chance d’être né dans la « bonne » ethnie, ou d’appartenir au parti au pouvoir ?

Dans l’intérêt de la stabilité, de l’efficacité et de la crédibilité de notre administration, publique et parapublique, un haut fonctionnaire ne devrait quitter son poste que dans les conditions suivantes :

-         il est sanctionné conformément aux textes en vigueur pour avoir failli ;

-         il est promu à une responsabilité supérieure en raison de ses mérites ;

-         il est admis à faire valoir ses droits à la retraite ;

-         pour des nécessités objectives de service, il est muté à une fonction équivalente du point de vue notamment des avantages salariaux.

En aucun cas, un haut fonctionnaire ne doit être muté de façon fantaisiste, parce que sa tête ne plaît pas, parce qu’il est l’objet de fiches mensongères produites par des personnes incompétentes qui aspirent tout simplement à prendre sa place, ou même parce que sa compétence et l’appréciation positive que peuvent porter sur lui les partenaires au développement, en raison de sa compétence, gênent et font de l’ombre. Il est vrai que dans ce pays de paranoïa aiguë et de jalousie irréfreinée, il n’est pas bon de briller et d’avoir une réputation de compétence reconnue. Un certain culte de la médiocrité s’installe dans nos habitudes de gestion des ressources humaines. On tend davantage à tirer vers le bas que vers le haut.

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

Si je donne l’impression de trop insister sur les conditions de la stabilisation et de l’accroissement de l’efficacité de notre administration publique et parapublique, c’est parce que c’est l’un des aspects essentiels du retour à la concorde nationale et à la paix. Les frustrations que génère la gestion scabreuse, parce que trop politicienne, de la fonction publique, conduisent à la perte du sens de l’intérêt général, à la crise de confiance entre Centrafricains et à l’indocilité lorsque les victimes de ce type de gestion se sentent poussés à bout. N’oublions pas par ailleurs que les fonctionnaires méritants ballottés, humiliés, injustement traités, finissent, pour beaucoup, par flancher, se laisser aller et dépérir, d’autant plus que l’Etat centrafricain, depuis longtemps, a « oublié » que l’efficacité de la fonction publique est aussi liée aux conditions matérielles dans lesquelles les fonctionnaires exercent leur métier. Il y a la lancinante question des retards de salaires, sur laquelle je reviendrai, mais il y a d’autres aspects encore plus révélateurs du processus de clochardisation des agents de l’Etat. Sait-on, par exemple, que la République centrafricaine est à peu près le seul pays francophone d’Afrique subsaharienne où il n’existe pas de politique de constructions de logements sociaux pour les cadres ?

Je suis de ceux qui pensent qu’il faut remettre fermement les cadres et tous les agents de l’Etat au travail. Mais ne nous leurrons point : tout ce discours sur les fonctionnaires qui ne travaillent pas sera du prêchi-prêcha tant que le minimum requis pour exiger d’eux l’obligation de résultats n’est pas assuré. Il y a un peu plus de sept ans, à l’occasion de ma déclaration de politique générale en tant que Premier ministre du Gouvernement d’union nationale, j’avais lancé la formule du « donnant donnant », que certains n’ont pas vraiment comprise. Dans cet engagement mutuel, il va de soi que l’Etat a des devoirs au moins aussi contraignants que l’agent. Pour pouvoir sévir contre les fonctionnaires paresseux, les pouvoirs publics ne sont crédibles que s’ils accomplissent ce qui est leur devoir élémentaire, à savoir rétribuer les services déjà rendus. Ce n’est évidemment pas le cas depuis fort longtemps dans notre pays.

Mesdames, Messieurs,

Distingués invités,

Chers compatriotes militantes et militants du PUN,

Dans l’hypothèse du choix clair de la démarche de rassemblement, quelles sont les priorités d’une action de redressement d’un pays sinistré comme le nôtre ? Là encore, il suffit d’écouter la majorité de nos compatriotes pour savoir qu’en ce début d’année 2004, ils aspirent plus que jamais à la sécurité. Le Centrafricain se lève le matin la peur au ventre. Il se couche le soir la peur au ventre. Le paysan n’ose plus trop s’éloigner du village, de peur de tomber sur les fameux coupeurs de route. Il en est question un peu partout en province. Vraies ou fausses, les nouvelles de leurs sinistres exploits tétanisent les voyageurs, et compromettent l’activité des ruraux en cette période de l’année, comme la récolte du miel ou la préparation des champs pour les semis. Les femmes ont peur d’aller très loin pour puiser l’eau, comme elles en ont pris l’habitude en saison sèche.

Qui sont ces groupes qui arrêtent, dépouillent, violent et tuent parfois ? Quand on pose la question aux Centrafricains, ceux de la ville comme ceux de la campagne, la réponse vient presque spontanément. Les Zaraguinas ne sont plus tout à fait ce qu’ils étaient jusque-là. Désormais, on tombe plus souvent sur des coupeurs de route en tenue militaire, puissamment armés, parfois équipés de téléphones satellitaires, s’exprimant quelquefois dans des langues inconnues des Centrafricains, et avouant cyniquement qu’ils braquent pour se payer eux-mêmes de services qu’ils disent avoir rendu. Leurs discours souvent véhéments relèvent plus du registre politique que du gangstérisme ordinaire.

Les Centrafricains sont tout à fait en droit de demander des explications aux pouvoirs publics, et d’exiger des actions vigoureuses pour enrayer ce phénomène inquiétant, d’autant plus inquiétant qu’il risque de peser sur la transparence des consultations à venir, à partir du moment où les candidats ne disposant pas d’hélicoptères ne pourront pas circuler librement pour rencontrer les électeurs et exposer leurs programmes. Or il importe que les élections se déroulent de façon tout à fait équitable, de telle sorte que leurs résultats ne prêtent pas à des contestations houleuses, ce qui replongerait inévitablement le pays dans les affres de la division et des affrontements sanglants. C’est pourquoi le PUN estime que quiconque ferait un tel calcul, celui de miser sur la peur des Zaraguinas pour rouler ses concurrents, prendrait un grave risque avec la paix et la concorde nationale, condition sine qua non pour amorcer la sortie de crise, condition apparemment exigée par les partenaires au développement pour reprendre leur assistance à notre pays.

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

Dans l’action visant à éradiquer l’insécurité, l’outil principal demeure nos forces armées nationales, dont la restructuration est plus que jamais à l’ordre du jour, depuis les états-généraux de 1996. On voit bien qu’il existe un lien direct entre la division et la désorganisation qui ont miné notre armée, et les crises politico-militaires qui ont ruiné le pays. La sortie durable de crise passe donc aussi, je dirais même surtout, par la réhabilitation complète de nos forces armées. La réconciliation effective en leur sein sera le signal fort indiquant que celle-ci progresse dans la communauté nationale. Naturellement, la question des moyens à dégager pour leur équipement se pose. Nos partenaires français ont fait un geste significatif  dans ce sens. Le Soudan, la Chine et quelques autres pays frères et amis ont également fait preuve de bonne volonté. Mais rien ne saurait remplacer notre propre volonté nationale de demeurer fidèles aux grandes orientations fixées par les états généraux. Parmi celles-ci, la question du caractère national, donc multiethnique, de notre armée est fondamentale. Rien n’est plus favorable à la perpétuation de la crise de confiance au sein de l’armée que les recrutements à caractère tribaliste. Le prochain président issu des consultations à venir devra s’engager très clairement sur ce point.

De la même façon, la modernisation des FACA sera facilitée par la volonté de privilégier la compétence en leur sein, de recourir aux plus aptes pour le commandement, sans distinction d’appartenance ethnique ou partisane. La nécessité d’un rajeunissement de l’encadrement impose de sortir des chemins battus, ceux de la préférence ethnique et de la méfiance systématique vis-à-vis de ceux qui ne sont pas membres de l’ethnie des dirigeants. Il faut oser faire confiance. C’est quand la confiance reviendra au sein des FACA que la stabilité reviendra dans le pays. Il faut également insister sur la nécessité d’une gestion rigoureuse des ressources consacrées à la défense. Le retour indispensable de la confiance passe également par là. On n’oubliera pas que, par le passé, la mauvaise gestion des fameuses primes générales d’alimentation a nourri le mécontentement au sein de la troupe et contribué à l’éclatement des mutineries. La saine gestion de ces ressources est, par ailleurs, de nature à encourager les donateurs extérieurs.

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

L’impératif de gestion rigoureuse est le second axe de l’action de redressement de notre pays. Cela fait plusieurs années, en tout cas depuis la période du Gouvernement d’union nationale, que je répète inlassablement aux Centrafricains cette vérité simple : la période de la guerre froide, celle où nous pouvions tirer profit de la rivalité des deux superpuissances de l’époque, les Etats-Unis et l’URSS, est bien finie. Avec la globalisation s’achève l’ère de la pitié et de l’assistanat. Il est impératif que nous comprenions cela. Il est crucial que les dirigeants en prennent conscience et l’expliquent au peuple. Désormais, c’est d’abord de nos efforts propres que viendra le salut.. La communauté internationale peut nous accompagner. Elle donne l’impression de vouloir le faire mais elle attend des signaux forts et sans ambiguïté. Le premier de ces signaux est le retour rapide à la normalité constitutionnelle. Allons donc sans lambiner vers des élections justes et transparentes. Faisons de telle sorte que soit rétablie l’indispensable confiance entre nous et nos partenaires au développement.

La communauté internationale peut voler au secours de la République centrafricaine. C’est souhaitable, et c’est nécessaire, tant le risque d’une implosion du pays sous l’effet conjugué des tensions politiques et de l’extrême misère demeure présent. Notre pays occupe une position stratégique au cœur d’une région du continent africain en proie depuis longtemps à de graves convulsions. Du fait des richesses naturelles dont regorgent les pays de cette région, les grands de ce monde semblent avoir pris conscience de la nécessité de contribuer aux efforts de paix et de stabilité. C‘est ainsi que l’Afrique du Sud, appuyée par les Etats-Unis, s’est fortement impliquée dans la mise en œuvre de l’accord conclu à Sun City, accord dont l’enjeu est de mettre fin aux rébellions armées qui ont morcelé la vaste et riche République Démocratique du Congo. La même Afrique du Sud pèse de tout le poids de son vice-président Jacob Zouma pour mettre fin à la guerre civile au Burundi, laquelle dure depuis dix ans, c’est-à-dire depuis l’assassinat en octobre 1993 du président hutu démocratiquement élu Melchior NDADAYE. Enfin, on aura remarqué la détermination avec laquelle les Etats-Unis poussent les parties en conflit au Soudan à conclure un accord de paix. Tout cela n’est évidemment pas gratuit. L’Oncle Sam ne fait jamais rien pour rien…

Mais le plus intéressant pour nous, Centrafricains, est de savoir que la stabilisation durable de tous ces grands pays voisins est aussi tributaire du retour à la paix et à la stabilité chez nous. La communauté internationale, qui avait, il est vrai, donné l’impression d’abandonner la RCA à son triste sort, paraît donc soucieuse d’aider à sa stabilisation. Les Centrafricains souhaitent un tel appui, et cela se comprend, tant leur détresse est grande. C’est donc à nous, et particulièrement à nos dirigeants, de saisir cette opportunité pour redevenir enfin un enjeu. Cela ne se fera pas automatiquement. Il nous faut donner des gages de sérieux.. Ce sérieux, c’est évidemment dans la gestion du consensus politique national pour ramener durablement la paix et l’entente entre nous que nous devons en administrer la manifestation. Mais c’est aussi, je dirais même que c’est surtout dans notre gestion économique et financière que nous devons nous efforcer de convaincre nos partenaires de ce que nous sommes résolus à tourner le dos au passé.

La République centrafricaine traîne depuis belle lurette une image épouvantable, celle d’un pays pas du tout sérieux, incapable de bonne gestion, incapable de rentabiliser comme il se doit les ressources dont la nature l’a si généreusement dotée. Vu de l’extérieur, y compris de nos frères africains, on a du mal à comprendre l’accumulation phénoménale de mois de salaires, de pensions et de bourses non payés, une sorte de record du monde. Je ne crois ni à la thèse de la malédiction, ni à celle du complot international contre notre pays. Je crois par contre à la nécessité d’un sérieux examen de conscience. Ne tournons pas autour du pot. On sait pourquoi les caisses de l’Etat centrafricain sont désespérément vides. Il n’y a pas de mystère ! Premièrement, la corruption a pris une ampleur telle que ce qui est dû à l’Etat ne rentre pas comme il se doit. Nous détenons ainsi un autre triste record du monde, celui du taux de recouvrement des taxes par rapport au produit intérieur brut, inférieur à 9%, soit, sans doute, le plus faible de la planète.

Deuxièmement, les crises et les violences ont provoqué une rupture de confiance de la part des investisseurs. Le peu qu’il y avait ferme ou délocalise. Les scènes de pillages qui ont suivi le changement du 15 mars 2003 et l’insécurité qui perdure sur nos routes ont fini de décourager ceux qui pourraient venir ou revenir. En dehors de la pègre, toujours à l’aise pour tirer son épingle du jeu dans cette situation peu rassurante, les investisseurs, les vrais, attendent de voir comment tout cela va évoluer. Ils ne sont pas des philanthropes. Ils ne veulent pas risquer leurs sous dans un environnement où les règles du jeu ne sont pas encore claires. Au lieu de nous lamenter, nous ferions mieux de nous poser la question de savoir qu’est-ce qui, chez nous, pousse les investisseurs à fuir notre pays, et donc qu’est-ce que nous devons faire désormais pour les attirer. Sans un flux significatif d’investissements, nous ne ferons pas face sérieusement à la crise de trésorerie qui est devenue un mal endémique chez nous. Plus nous tirerons sur la corde en saignant à blanc les investisseurs qui jouent le jeu de la légalité, et plus nous ferons le vide au profit de ceux dont la spécialité est de frauder.

Ai-je besoin de faire un dessin ? Le sujet du manque à gagner dû à la fraude fiscale et douanière est l’objet de toutes les conversations dans notre pays. Ce qui manque, ce ne sont pas les solutions. C’est la ferme volonté politique de les mettre en œuvre. Faut-il être plus clair ? Le jour où la RCA en finira avec les présidents-hommes d’affaires, alors la question du recouvrement des recettes se posera en termes nouveaux. Je l’ai dit pendant la campagne de l’élection présidentielle de 1999, mais mon propos était inaudible, dans le climat de passion et de fanatisation qui régnait à l’époque. J’ose espérer que les Centrafricains en ont tellement bavé que cette fois-ci chacun réfléchira à deux fois avant de déposer son bulletin de vote.

En vérité, il n’y a pas de fatalité. Ce sont des règles simples, universelles, que nous devons appliquer, mais qui sont contrecarrées par le jeu des intérêts privés liés à l’implication affairiste des dirigeants, souvent au plus haut niveau. La Bible dit : nul ne peut servir deux maîtres à la fois, Dieu et le Diable. Je pastiche en disant : il faut choisir : être soit président, soit homme d’affaires, mais pas les deux à la fois, parce qu’alors il n’y a plus d’arbitre. L’imbrication des intérêts publics et privés est une explication majeure du développement de la corruption et donc de la faiblesse des rentrées fiscales et douanières. Quand des dirigeants politiques ont partie liée avec des fraudeurs, ils sont comme ligotés. C’est un peu l’omerta, en somme, puisque la complicité qui lie l’homme politique affairiste et l’opérateur économique indélicat impose le silence sur les crimes économiques de ce dernier.

Mes chers compatriotes,

Militantes et militants du PUN,

Il nous faut accepter comme conditions nécessaires pour le redémarrage de notre pays la rigueur et la transparence. Nous avons tout à y gagner. De toutes façons, nous n’avons pas d’autre choix pour sortir de l’ornière. Le monde développé est las des pays qui ne manifestent aucune volonté réelle d’efforts pour se prendre en charge. Sachons une fois pour toutes que l’aide n’est pas un dû. Derrière chaque dollar consenti pour l’aide au développement, il y a, dans les pays du Nord, des contribuables comme nous, qui aimeraient eux aussi savoir à quoi sert l’aide au développement qu’ils financent par leurs impôts. Ces contribuables sont aussi des électeurs qui, dans les pays démocratiques du Nord, utilisent le bulletin de vote pour demander des comptes à leurs gouvernements quant à l’utilisation de l’argent public. Voilà pourquoi l’aide va de plus en plus vers les pays sérieux, ceux qui font de la bonne gestion, ceux qui ne vivent pas au-dessus de leurs moyens, ceux qui maîtrisent leurs régies financières, bref, ceux qui se montrent dignes de l’appui qui leur est accordé par les partenaires.

Il faut éduquer les jeunes Centrafricains dans l’esprit de la rigueur et de la transparence, parce que cet esprit est fondé sur des valeurs morales, et parce que la rigueur impose le respect et la considération des partenaires au développement. Il faut donc que la période qui suivra la fin de la Transition soit celle d’une prise de conscience collective, celle selon laquelle le salut de notre pays sera d’abord l’affaire de ses fils et filles.

Le laxisme ambiant ne prépare pas notre jeunesse à affronter avec des chances de succès les défis du nouveau siècle, qui est un siècle de compétition. A ce sujet, je voudrais illustrer mon propos par l’exemple du secteur de l’éducation, véritablement sinistré en République centrafricaine. Ces derniers mois, j’ai vu refleurir des feuilles de choux et des tracts récitant les crimes que j’aurais commis en tant que ministre de l’éducation nationale entre 1985 et 1987. Tout cela se comprend en période électorale. Je suis même tenté de dire : mon Dieu, pardonnez-les car ils ne savent pas ce qu’ils disent. Oui, j’avoue mes crimes : j’ai pris des mesures fermes pour combattre les gaspillages de ressources humaines et financières ; assainir la gestion de l’administration centrale et des établissements ; oui, j’ai combattu avec la dernière énergie les trafics en tous genres qui risquaient de faire chuter le niveau de nos élèves et de nos étudiants ; oui, j’ai, en application d’un texte qui avait été adopté avant mon arrivée au ministère, estimé que la bourse devait aider les étudiants les plus méritants à réussir, surtout s’ils venaient de familles pauvres. J’ai commis un autre crime impardonnable : j’ai réorganisé en profondeur le ministère de l’éducation nationale, en séparant les fonctions de cabinet et celles de l’administration, que j’ai voulu responsabiliser davantage ; en décentralisant la gestion du système par l’entrée en fonction des inspections académiques ; en instaurant le contrôle interne du système avec la création de l’inspection générale ; en cherchant à renforcer le niveau des enseignants en créant un établissement de formation continue et un autre de recherche pédagogique.

La liste de mes crimes est longue. J’ai même tout fait pour éviter les retards dans le paiement des bourses, ce qui est impardonnable. Dans ma naïveté, je croyais que l’Etat se devait de payer les bourses qu’il accordait en toute connaissance de cause. Pour me punir de mes crimes, les bailleurs de fonds ont inondé le secteur de concours financiers. On peut parler de pluie de milliards entre 1985 et 1987, déversés par des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la coopération française, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), ce qui a permis d’équiper le ministère, de construire des écoles, de former des cadres à l’extérieur. Mea culpa, mea maxima culpa 

Soyons sérieux! Les problèmes de ce pays sont trop graves pour être laissés à l’appréciation infantile de démagogues à la petite semaine. De l’école comme d’autres secteurs de l’activité nationale, le seul langage qu’il faille parler à notre jeunesse, c’est celui de la responsabilité et de la vérité. Il nous faut parier sur la qualité des hommes, et nous serons gagnants à tous les coups. Aujourd’hui, ce qui compte principalement pour le développement, c’est la matière grise, bien avant la possession de ressources naturelles. L’école doit être au cœur des préoccupations des autorités qui sortiront des élections, l’école de l’excellence et non de la médiocrité ; l’école du développement, et non du chômage massif ; l’école de la refondation des bases éthiques et citoyennes de la société centrafricaine et non de la perpétuation de la crise morale qui brouille les repères.

En d’autres termes, pour le PUN, les priorités de la reconstruction de l’école centrafricaine peuvent être ainsi résumées :

-         Priorité absolue au développement de l’enseignement de base pour permettre à la majorité des Centrafricains de savoir lire, écrire et compter. C’est là un investissement inestimable parce que l’expérience a confirmé, partout dans le monde, l’effet multiplicateur de l’alphabétisation sur la production agricole, tant il est vrai que le paysan qui sait lire, écrire et compter est le plus apte à comprendre les techniques d’accroissement des rendements et de gestion moderne des gains, ce qui permet de passer du statut de cultivateur à celui d’agriculteur moderne. Pour cela, il faut évidemment investir massivement dans la construction d’écoles et la formation des maîtres. L’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés), lancée par la Banque mondiale, et qui permet de convertir la dette en investissements obligatoires dans les secteurs sociaux de l’éducation et de la santé, peut concourir à cela, de même que la gestion rigoureuse peut convaincre les partenaires de s’impliquer de nouveau.

-         S’agissant du second cycle, son développement obéira à la triple nécessité 1/du renforcement de la qualité par un meilleur équipement et un niveau renforcé du personnel enseignant ; 2/ de la diversification par le renforcement et l’équipement des filières de formation professionnelle pour répondre au déficit criant de cadres moyens dans des filières qui intéressent par exemple le développement industriel du pays, quand on sait par exemple que dans ce pays de production de diamants, il n’y a pas un seul établissement de formation pour la taillerie ; 3/ du développement de l’enseignement scientifique encore largement minoritaire.

-         Quant à l’enseignement supérieur qui n’est plus que l’ombre de lui-même, faute de laboratoires, de bibliothèques et d’encadrement approprié, sa réhabilitation exigera des efforts financiers en contrepartie du renforcement de sa gestion dans le sens d’une meilleure rentabilisation des ressources affectées. Les recherches pour le développement et la promotion de la culture y gagneront leurs titres de noblesse. La formation de professeurs de haut niveau deviendra une exigence prioritaire du fait de la saignée du sida, qui a vidé certains établissements d’une grande partie de leur personnel enseignant.

-         La réhabilitation du métier d’enseignant, dont l’image a été gravement affectée par la clochardisation due principalement aux retards de salaires, est aussi une condition pour donner un nouveau visage à l’école centrafricaine, grâce au renforcement de la formation initiale et continue, à l’amélioration du ratio élève/maître et à la consolidation des capacités de gestion des directeurs d’établissements.

-         L’instauration, partout, d’une gestion rigoureuse pour mener une lutte implacable contre les trafics en tous genres, à commencer par les trafics de notes, d’examens et de diplômes, qui décrédibilisent l’école centrafricaine et met massivement dans le circuit des prédateurs en puissance, qui continueront leurs méfaits dans l’exercice de leurs fonctions, au détriment du pays.

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

A court et moyen termes, le problème des ressources humaines pour le développement est singulièrement aggravé par la terrible saignée du SIDA. L’un des défis les plus redoutables que les autorités issues des prochaines élections auront à relever, c’est celui des conséquences de la pandémie du SIDA sur l’encadrement, tant dans le secteur privé que, surtout, public et parapublic. Dans l’enseignement, à la santé, dans l’armée, la police, la gendarmerie, dans l’agriculture et l’élevage, aux Eaux et Forêts, dans les régies financières, à la Justice, pour ne citer que ces services étatiques, il faudra refaire les comptes, parce que les pertes sont énormes. Avec 14 % de taux officiel de prévalence, mais en réalité au moins 15 %, la République centrafricaine est le pays d’Afrique francophone le plus infecté.

Le temps n’est plus vraiment à la recherche des responsabilités, sur ce que nos gouvernements successifs auraient dû faire pour nous permettre d’éviter ce désastre. Il faut agir, et agir beaucoup plus vigoureusement que par le passé. Voilà une cause qui illustre parfaitement la nécessité d’un fort consensus national et une grande mobilisation de toutes et de tous pour sauver la nation. Le SIDA est le pire ennemi auquel celle-ci est confrontée. Il frappe aveuglement, sans considération d’ethnie, de région ou d’appartenance politique. La lutte contre le SIDA peut fortifier notre volonté d’agir ensemble pour vivre ensemble. De la même façon que nous nous retrouvons souvent ensemble pour pleurer et enterrer nos morts, de même notre mobilisation solidaire face au SIDA galvanisera les énergies nationales pour que soit rendu plus efficace le combat contre ce fléau.

Il faut prendre de toute urgence des mesures de sauvetage. La première de toutes est le renforcement de la campagne de prévention. Certes, les initiatives se sont accrues ces dernières, sous l’action conjuguée du ministère de la santé et de diverses ONG, avec le soutien actif, notamment financier, des partenaires au développement. Mais il faut faire beaucoup plus, et amplifier ces actions pour qu’elles soient vraiment à la hauteur du défi. Avec le chiffre effarant de 300 contaminations par jour pour moins de quatre millions d’habitants, on voit bien que nous avons besoin de faire plus. A titre de comparaison, le Cameroun, presque quatre fois plus peuplé que nous, enregistre un chiffre moyen quotidien de 600 contaminations. Tous les secteurs de la vie nationale doivent désormais concourir à l’action visant à généraliser la prise de conscience, et particulièrement en milieu rural, maintenant frappé de plein fouet par la pandémie.

Le PUN estime que le cas des hauts cadres nécessite une attention toute particulière. Loin de nous l’idée d’instaurer une espèce d’inégalité devant la mort. Toutes les Centrafricaines et tous les Centrafricains contaminés par le virus de l’immunodéficience humaine ont droit à la même attention de la part des pouvoirs publics. Mais il s’agit d’être réaliste. Quand 30%, 40%, voire 50% de l’effectif d’encadrement de secteurs stratégiques comme l’enseignement, la sécurité, sont anéantis, l’Etat court tout simplement le risque de paralysie, quand on sait que la formation de cadres de ce niveau élevé coûte excessivement cher et prend beaucoup de temps. Les pertes dans ce domaine sont donc énormes et ont un coût précis. La proposition que nous soumettons à l’appréciation des pouvoirs publics concernés est donc l’idée de mesures particulières visant à renforcer la prise en charge par l’Etat des traitements pour cette catégorie de Centrafricains que, de toutes façons, l’Etat devra remplacer, avec toutes les difficultés qu’on imagine, s’il les laisse mourir. Dans certains cas, c’est l’un des rares ou même l’unique spécialiste dans tel ou tel service qui risque de disparaître. On n’oublie évidemment pas les autres malades. Il faut s’efforcer de mobiliser toujours plus de ressources pour les soigner. Mais il s’agit de priorités d’Etat à définir.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Distingués invités,

Militantes et militants du PUN

Il n’est pas dans mon intention d’exposer ici un programme détaillé de gouvernement, ce qui n’est pas l’objet de ce Congrès. Il y a tant et tant de secteurs sinistrés de la vie nationale qu’il faudrait un autre cadre, et beaucoup plus de temps, pour aller dans le détail des mesures à prendre. Il faudrait évoquer l’état désastreux de l’appareil judiciaire centrafricain, la déliquescence des infrastructures, notamment routières, les grandes réformes économiques touchant des secteurs comme l’agriculture, l’élevage, le bois, les mines ou le tourisme. J’ai demandé à la commission chargée de l’actualisation du programme de notre Parti de reprendre le travail à partir des grandes orientations qui seront débattues lors de ce Congrès. J’ai également demandé que soit associés tous ceux de nos compatriotes, cadres, experts, qui, sans être membres du PUN, seraient disposés à mettre leur savoir et leur expérience à notre disposition. C’est également dans cet esprit que seront réactualisés les Cinquante engagements pour sortir de la crise qui avaient été rendus publics lors de la campagne présidentielle de 1999. Ces documents de base seront formellement adoptés lors d’assises spéciales qui seront organisées avant l’ouverture de la campagne électorale. Ils s’inspireront naturellement des orientations proposées dans mon propos de ce jour, et qui seront enrichies par les débats du Congrès.

Ce dont il est question ici, c’est ce que nous croyons être les principaux défis à relever pour que ce pays commence à voir le bout du tunnel. Ne nous faisons pas d’illusions : la remontée de la pente sera longue. Il nous faudra nous armer de détermination, de patience et de réalisme. Méfions-nous de la démagogie, qui mène toujours à la désillusion et donc à l’accumulation de nouvelles frustrations. Notre meilleur atout sera le retour de la confiance entre nous. C’est pourquoi vous m’avez entendu répéter tout au long de mon propos l’ardente nécessité du rétablissement de la confiance entre nous. La volonté politique devra être soutenue. Si on ne croit pas à la réconciliation, si l’on nourrit des velléités de vengeance, on ne peut pas réaliser la réconciliation, on ne peut pas rétablir la confiance.

Excellences,

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

La confiance entre nous doit permettre de la rétablir également avec nos partenaires extérieurs, à commencer par nos voisins immédiats. Ces dernières années, la République centrafricaine est devenue un sujet de grande préoccupation pour nos frères de la République Démocratique du Congo, de la République du Congo-Brazzaville, du Cameroun, du Soudan et du Tchad, parce que la « Suisse africaine » du temps du président David Dacko est devenue un dangereux trublion et un incendiaire qui risquait d’exporter ses violences chez les voisins. Leur méfiance vis-à-vis de nous demeure grande, en même temps qu’ils espèrent vivement que la RCA renoncera définitivement à l’agitation et aux déchirements fratricides. Ceux de la CEMAC ont manifesté leur claire volonté de nous aider à nous en sortir. Malgré leurs problèmes internes, ils ont consenti un effort financier pour soulager la Transition consensuelle. C’est un signal très fort qu’il nous faut capter dans le bon sens

C’est pourquoi la nouvelle Centrafrique qui sortira des prochaines élections devra s’engager à vivre en paix avec ses voisins, à veiller à ce que ses frontières soient des lignes de coopération pacifique et fraternelle, et non des zones d’affrontement et de déstabilisation. Les présidents Paul BIYA, Denis SASSOU NGUESSO, Joseph KABILA, Idriss DEBY, et même notre doyen un peu plus éloigné, Omar BONGO MADIMBA, espèrent que les nouvelles autorités issues des élections s’emploieront à réaliser la concorde et non à relancer la tension. Nos frères de la CEMAC et de la CEEAC attendent de nous que nous redevenions un partenaire sérieux, fréquentable parce que fiable.

Excellences,

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs, Chers compatriotes,

Qu’il me soit permis d’évoquer le cas tout particulier de nos relations avec la République sœur du Tchad. Beaucoup d’entre vous savent qu’à titre tout à fait personnel, je suis charnellement lié à ce pays, comme d’ailleurs beaucoup de Centrafricains. L’Oubangui-Chari d’avant 1934 s’étendait jusqu’à Moundou, Doba, et Fort-Archambault devenue Sahr. Le sango était notre langue commune, qui, encore aujourd’hui, est comprise dans une bonne partie du sud tchadien. Après l’indépendance, beaucoup de Centrafricains installés au Tchad sont revenus, mais de nombreuses familles sont restées sur place. De la même façon, beaucoup de Tchadiens, du nord comme du sud, poussés par la guerre civile qui sévissait dans les années quatre-vingts, poussés aussi par la désertification qui contraignait les éleveurs à descendre toujours plus au sud, sont venus s’installer chez nous. Il n’y a pas en RCA de ville, et même de petits bourgs, où on ne trouve pas de commerçants tchadiens.

Jusque-là, les deux pays vivaient en bonne entente. Centrafricains et Tchadiens, dans les conférences internationales, et même dans les diasporas, cultivaient une complicité si étroite que certains pouvaient penser qu’ils venaient du même pays. La situation de vive tension créée au cours des dernières années doit être surmontée. Il y va de l’intérêt des deux pays et des deux peuples. La paix en RCA commande la paix au Tchad, et réciproquement. Il nous faut revenir à des relations fraternelles, détendues, des relations apaisées qui faciliteront la nécessaire coopération économique, quand on sait que les deux pays disposent à leur frontière commune des mêmes ressources, notamment pétrolières, qui peuvent être exploitées de manière solidaire et complémentaire.

C’est le lieu d’aborder le nouveau problème qui, si l’on n’y prend garde, pourrait de nouveau contribuer à la détérioration des relations centrafricano-tchadiennes. C’est le problème de nos frères tchadiens qui ont soutenu la rébellion du général François BOZIZE jusqu’à la prise de pouvoir du 15 mars 2003. S’il est vrai que la majorité des militaires tchadiens installés provisoirement chez nous aident nos forces armées nationales à éradiquer l’insécurité, notamment dans le cadre de la force CEMAC, il en existe malheureusement qui échappent à tout contrôle et qui entretiennent une forme inquiétante de banditisme. Il ne faut pas que le comportement d’une minorité puisse nourrir une tchadophobie en RCA, parce que les deux pays n’ont rien à gagner à cette tchadophobie. Il urge que les deux gouvernements abordent franchement et fraternellement ce problème et examinent ensemble le moyen de le résoudre. Le plus tôt serait le mieux.

Excellences,

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

Depuis  une quinzaine d’années, la globalisation a transformé notre planète en un vaste village à la fois très interdépendant mais en même temps effroyablement impitoyable, surtout pour les petits. A la logique de la compétition effrénée dans laquelle la chute du mur de Berlin et le triomphe de la mondialisation nous avait entraînés s’ajoute depuis le 11 septembre 2001 la montée de nouveaux périls qui bouleversent la donne née de la fin de la bipolarisation. Dans ce jeu planétaire de chocs des intérêts ressemblant parfois à des affrontements de civilisations, l’Afrique se retrouve bien déboussolée, plus paumée que jamais, plus marginalisée que jamais.

Son salut, elle ne peut le rechercher que dans le rassemblement des énergies à l’intérieur des espaces nationaux, mais encore plus dans la solidarité agissante de ses pays et de ses peuples. La construction d’une Union africaine crédible passe d’abord par le renforcement des espaces sous-régionaux de solidarité. Le nouveau pouvoir issu des prochaines élections aura à cœur de manifester notre détermination à apporter notre pierre à la construction de ce qui est le premier cercle de famille, et dont, je le rappelle à tous, nous abritons le siège, je veux parler de la CEMAC.

La Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC) élargit le cercle de famille et nous permet en particulier de trouver un cadre de coopération avec notre plus puissant voisin, la République Démocratique du Congo, avec qui nous partageons 1200 kilomètres de frontière. Les Centrafricains ont le devoir de suivre de très près ce qui se passe sur l’autre rive de l’Oubangui. Nous devons nous convaincre de ce que l’évolution de la République sœur du Congo Kinshasa conditionnera d’une certaine façon le retour durable de la paix  et de la sécurité en Centrafrique. La RDC, c’est le troisième pays le plus vaste du continent. C’est probablement la plus dense concentration de richesses naturelles sur notre continent, allant des immenses potentialités minières aux ressources environnementales et au second bassin fluvial de la planète. Je pasticherai Napoléon Bonaparte pronostiquant l’avenir de la Chine en disant : quand le Congo-Kinshasa s’éveillera, l’Afrique ne tremblera pas, elle tressaillera de joie. La RDC, ce sont plus de cinquante millions d’Africains qui, au travers des épreuves qu’ils ont vécues ces dernières années, ont appris à se battre pour survivre. De la même façon que je pense qu’il ne faut pas assimiler le Tchad aux exactions commises par des « libérateurs » tchadiens, de la même façon, je demande que nous ne réduisions pas le vaste Congo aux inqualifiables exploits des mercenaires du MLC en 2001-2003. La navigation sur l’axe fluvial Congo-Oubangui est essentielle pour notre économie, elle est complémentaire de l’axe routier Bangui-Douala. Retenons ce principe simple : un pays enclavé ne peut avoir que des amis.

Excellences,

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

Notre pays a été longtemps bercé de l’illusion qu’il était la plus belle fille du monde, que toute la planète nous regardait avec les yeux de Chimène. C’est dur à dire, mais nous devons revenir sur terre, et admettre enfin que nous ne sommes pas un formidable enjeu sur l’échiquier africain et mondial. Une fois que nous avons compris cela, l’une des priorités du renouveau centrafricain sera d’engager une diplomatie ouverte, pragmatique, dont l’un des objectifs sera de corriger l’image désastreuse que nous traînons depuis plusieurs années. Pays jeune, composé majoritairement de jeunes, la République centrafricaine doit être un pays ouvert sur le monde. Longtemps, nous avons développé une paranoïa infantile, voyant dans la plupart de nos partenaires au développement de dangereux comploteurs. La France par exemple apparaissait tantôt comme le pire ennemi, tantôt comme le sauveur. J’ai parlé de « syndrome Barracuda » pour désigner cet infantilisme politique consistant à savoir quel camp politique était le mieux aimé de l’ancienne métropole, et lequel était rejeté. Le jeu du « je t’aime, moi non plus » n’a pas peu contribué à donner de nous l’image du pays-enfant qui refuse de devenir adulte et de considérer que les colonisateurs d’hier sont aujourd’hui des partenaires avec qui nous pouvons entretenir des relations sans complexe basées sur l’intérêt mutuel bien compris et le dialogue franc et amical. Cela est valable pour nos relations avec la France, mais cela l’est aussi pour nos autres partenaires du nord, comme les Etats-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou le Japon. Cela l’est enfin pour l’immense Chine en train de s’affirmer comme l’une des plus grandes puissances économiques de demain.

Excellences, Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

Chers compatriotes,

Les défis sont redoutables et la tâche incommensurable. Mais je demeure fondamentalement optimiste, convaincu qu’ayant bu la tasse jusqu’à la lie, ayant souffert dans leur chair, les Centrafricains veulent changer de cap. La volonté de tourner la page est là. J’en fais le constat tous les jours.

A nous, mes chers compatriotes du PUN, de savoir répondre présent au rendez-vous historique du renouveau. Le Parti, forgé dans la lutte, peut aider à catalyser les énergies du renouveau et de la réconciliation. Nous sommes le parti qui veut rassembler. Faisons de sorte que cela se voie dans notre pratique de tous les jours. Soyons un parti ouvert, le parti de la réconciliation vraie, le parti de la volonté de vivre ensemble dans la paix, le parti du dévouement à la cause nationale, le parti de l’espoir et de l’avenir.

C’est sur ces mots que je déclare ouverts les travaux du deuxième congrès ordinaire du Parti de l’Unité Nationale.

Je vous remercie.

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 18