Jeûne et prières en Centrafrique avant la fête du Nouvel an

BANGUI, 31 décembre 2003 (AFP) - 19h17 - Le dernier jour de l'année 2003 s'est déroulé de manière plutôt austère à Bangui, où de nombreux habitants de toutes les confessions ont observé le "jour de jeûne et de prière" auquel avait appelé le président François Bozizé.

"Il nous faut cette journée pour rendre grâce à Dieu, car il nous a tirés de la guerre civile, il nous a sortis du gouffre dans lequel nous ont plongés nos aventures guerrières et meurtrières", estimait Michel, un artiste centrafricain.

Tôt dans la matinée, la radio nationale avait donné le "la", démarrant ses émissions par des cantiques, entrecoupés de messages de pasteurs, d'imams, de prêtres et de prédicateurs.

Ceux-ci ont invité les pratiquants à jeûner, à prier, à se confesser à Dieu pour lui demander pardon, l'implorer de protéger la Centrafrique, pays qui a connu de nombreux affrontements jusqu'au coup d'Etat du général François Bozizé, le 15 mars dernier.

Dans l'après-midi, les personnalités du pays avaient assisté à des offices religieux, se répartissant les confessions présentes en Centrafrique: le président Bozizé à la Cathédrale Notre-Dame de Bangui, le vice-président Abel Goumba à l'église protestante Philadelphie, et le Premier ministre Gaombalet à la mosquée centrale de la capitale.

Les instructions présidentielles ont été globalement respectées: la journée n'a pas été chômée et les bars étaient dans leur ensemble fermés depuis minuit.

Ce qui n'a pas empêché, dans certains quartiers, des tenanciers de buvettes et gargotes d'ouvrir plus ou moins clandestinement leurs portes durant la journée.

De même, le matin, nombre de vendeurs de petits déjeuners, étaient à leur poste. Car cette journée d'austérité n'a pas fait l'unanimité chez les Banguissois.

"Nous avons toujours jeûné dans ce pays faute de salaire. On ne peut pas nous demander d'observer le jeûne, cela fait partie de notre vie quotidienne", lançait, cynique, Marc, un instituteur qui cumule des mois d'arriérés de salaire.

L'opposant centrafricain Joseph Bendounga a lui carrément choisi d'aller manifester son refus en allant manger en public devant le Palais présidentiel.

Ayant pris avec lui de l'eau, du pain, des bananes grillées et des cacahuètes, il effectuait des va-et-vient en mangeant et en clamant à haute voix: "Je n'observe pas la journée de jeûne et de prière de François Bozizé et Abel Goumba!".

Une bonne partie de la ville attendait 18H00, heure à laquelle les bars étaient autorisés à rouvrir, pour commencer la fête. De nombreux bars avaient fait peau neuve pour la circonstance et des stocks de boissons étaient prêts bien avant l'heure.

Au quartier populaire du KM 5, les habitants n'ont pu attendre et plusieurs buvettes avaient ouvert leurs portes dès 15 heures.

Alors que la ville a été privée de musique (sinon religieuse) toute la journée, le réveillon sera aussi marqué, au stade Barthélemy Boganda, par le concert d'un des plus grands orchestres du pays, le Canon Star, de retour de France après cinq ans d'absence.


RCA: l'opposant Bendounga mange en public contre le jour de jeûne et de prière

BANGUI, 31 déc 2003 (AFP) - 18h44 - L'opposant centrafricain Joseph Bendounga a refusé mercredi d'observer la journée de jeûne et de prière à laquelle appelait le chef de l'Etat François Bozizé, et, muni de nourriture, est allé s'alimenter devant le Palais présidentiel, a constaté un journaliste de l'AFP.

Ayant pris avec lui de l'eau, du pain, des bananes grillées et des cacahuètes, M. Bendounga, effectuait des va-et-vient devant le Palais présidentiel en mangeant et en clamant à haute voix: "Je n'observe pas la journée de jeûne et de prière de François Bozizé et Abel Goumba!" (le vice-président).

"S'ils veulent demander pardon à Dieu", a expliqué M. Bendounga, "qu'ils le fassent seuls, et qu'ils cherchent seuls aussi la repentance, mais qu'ils n'entraînent pas la population victime des +Zakawas+ (mercenaires tchadiens entrés dans Bangui avec la rébellion de M. Bozizé le 15 mars dernier et accusés d'exactions NDLR), dans leur jeu".

Après l'arrivée au pouvoir, le 15 mars de François Bozizé, Joseph Bendounga, président du modeste Mouvement démocratique pour la Renaissance et l'Evolution de Centrafrique (MDREC), s'était déclaré opposé à la prise du pouvoir par les armes et réclamé le départ des mercenaires tchadiens qui ont aidé François Bozizé à renverser Ange-Félix Patassé.

Un moment proche de M. Patassé, dont il avait soutenu la candidature en 1999 et qui l'avait nommé la même année président de la délégation spéciale de la ville de Bangui (équivalent de maire), Joseph Bendounga avait toutefois connu quelques démêlés avec le précédent régime.

Empêché notamment de quitter le territoire centrafricain au mois de décembre 2002, il avait de colère brisé des vitres à l'aéroport, ce qui lui avait valu une courte détention, avant d'être condamné à une légère amende.

Proche de la cinquantaine, Joseph Bendounga, est opérateur économique dans le domaine du bois.

La journée de mercredi, sans être chômée, avait été déclarée journée de jeûne et de prière par un communiqué présidentiel diffusé à intervalles réguliers à la radio nationale.

"En cette dernière journée de l'année 2003 qui expire, le chef de l'Etat invite les Centrafricaines et les Centrafricains, à rendre grâce à Dieu Tout Puissant (...) tant pour les épreuves par lesquelles il a éprouvé notre foi au cours de l'année 2OO3, que pour les bienfaits dont il nous a comblés, et les espoirs qu'il a faits naître en ce qui concerne l'avenir", poursuivait le communiqué.

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 18