DE ZORRO A ZERO OU LA LOGIQUE DE CHANGEMENT

DES INSTITUTIONS EN CENTRAFRIQUE.

Par Gervais DOUBA (*)

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Michaël Moore est mon cinéaste préféré comme l’est depuis toujours un journaliste Centrafricain Willibyro- Passi au travers de ses émissions défuntes telles que "  polélé- lé na lé ".

Invité du journal CHARLIE HEBDO il y a deux ans, Michaél Moore répondait au journaliste qui lui demandait de savoir à quel public il pensait (public cible ou public destinataire) quand il écrivait ses films, il répondit qu’il travaille à mettre en scène la maladie mentale des Etats-Unis d’Amérique mais pour un public qui aimerait passer deux bonnes heures en salle sans jamais s’ennuyer.

Les travaux de Gérard Vergnaud du CNRS sur " la leçon du Porcher " (1) m’ont rappelé ceux qui pour moi, sont des référents quant à l’identification et la mise en scène de la maladie mentale partagée par la plupart des Américains- s’agissant du premier et par tous les Centrafricains ; pour en venir au second.

Selon Vergnaud, une équipe d’ergonomes est chargée de mener une étude dans un laboratoire de porcs, en vue de la modernisation de l’établissement. A la remise de son rapport, le directeur remercie l’équipe en organisant un pot : champagne et petits fours à gogo…

A ce moment, l’un des ergonomes demande :

" Mais ce monsieur qui est à l’entrée de l’abattoir, pourquoi n’a-t-on pas étudié son poste de travail . " ?

Le Directeur rétorque que cette personne ne fait qu’accueillir les porcs et les diriger avec un bâton. Elle n’a aucune qualification mais , est dans la maison depuis très longtemps. Au demeurant, ajoute le Directeur, son emploi sera certainement supprimé dans les nouvelles structures…Les ergonomes insistent pour étudier le poste du porcher… Et s’aperçoivent que c’est la personne la plus importante de l’abattoir. Pourquoi ?

Ce porcher est détenteur de tout un ensemble d’indices (un savoir-faire indicible, le flair en somme !) pour détecter les porcs les plus fragiles et les conduire tranquillement vers le lieu de l’abattage, en les isolant des autres de manière à ce que leur viande ne soit pas perdue. Si on avait mis le Directeur à la place de ce Monsieur, le Directeur aurait fait perdre de l’argent à son abattoir. Il n’a pas cette compétence qui confère à l’abattoir un avantage concurrentiel.

Sans sacrifier au syndrome des anecdotes pour les anecdotes ou l’étalages des poncifs voire des lieux communs dont les pontes Centrafricains nous abreuvent sur Sangonet ou Bé-Africa ou Idée+, quel est le lien commun entre Michaël Moore et Willibyro quant à la définition de la maladie mentale de la société Centrafricaine et de ses institutions. En d’autres termes où je voudrais en venir et quel message voudrais-je amener en débat à travers cette contribution ?

En prenant pour point de départ les faits qui ont émaillé l’histoire de notre pays jusqu’à maintenant , on n’en arrive à s’interroger sur ce qui ne va pas dans notre pays. Quel est l’ancrage théorique- c’est-à-dire le référentiel épistémologique de nos pratiques politiques ? Comment expliquer que ceux qui apparaissent à nos yeux comme nos Zorro ou que nous en avions fait dans la précipitation nos Zorro, au lieu de nous tracer la route du progrès socio économique, nous mettent en déroute, nous déjantent ? Sont-ils les seuls responsables ou c’est notre approche collective de l’accession et de la participation à l’exercice du pouvoir - c’est-à-dire snobe et aristocratique- qui donne le spectacle affligeant auquel nous assistons ?

La rédaction de Sangonet a accueilli favorablement dans ses colonnes trois voire quatre réflexions de mes contributions à l’analyse de la situation politique et socio-économique de notre pays ; des lendemains des indépendances nominales à nos jours. De nombreux pontes ont aussi fait connaître leur approche de la question. Je ne pense pas inventer le monde.(I)

Ce qui ne va pas chez nous, c’est l’émergence et l’affirmation des castes politico-militaires à la solde des forces occultes françafricaines qui ont fait main basse sur notre société et qui, par delà le pillage matériel, hypothèquent irrémédiablement son avenir et devenir, en l’asséchant de toute initiative et en émasculant ses potentialités. Que Dieu me garde de proférer des injures ou d’insinuer des affirmations péremptoires dont la teneur théorique et la faisabilité pratique laisse à désirer.. ( II)

I : Débarquement politique et/ou militaire en héros .

Qu’ils soient démocratiquement élus ou arrivés au pouvoir par la force des armes, nos hommes politiques s’autodésignent des héros, nos Batman Ils arrivent d’abord en messie et en rédempteurs puis finissent au degré zéro de la mesquinerie.

Les premières heures, ils parviennent à réparer – au sens dépannage d’urgence, panser - nos frustrations. Ils vont à cet effet, emmener dans la soute de l’avion qui les ramène au pays, qui des " Drôles de dames, qui des Wanderwoman, des Superman et autres Tarzan " pour faire sortir la société Centrafricaine spectatrice de son sommeil de soumission. A l’exception des imprécations et autres slogans hallucinogènes, personne ne cherchera à traquer les origines profondes d’une culture politique et militaire fondée sur la suspicion, la trahison et l’immédiateté. Nous sommes tous, les géniteurs du système qui engendre de l’improvisation, des attitudes et comportements politiques en patchwork, sans lendemain et sans clés de lecture. Cadres civils et militaires, tout parti politique confondu, la société civile dans toutes ses composantes, nous avons contribué à construire la fabrique des prix Nobels et les recordmans du raccourcis notamment par nos cris et ovations plus que dithyrambiques qui les accueillent.

Personne ne juge utile d’entreprendre le voyage en profondeur pour organiser à l’intérieur de cette nation, la construction de référentiels, des repères pérennes qui guideront le futur des générations à venir.

Nos héros [Zorro, Superman et Tarzan ] et leurs cortèges d’autres Drôles de dames, des Wanderwoman, vont s’atteler à mettre en place des expédients et autres dérivatifs - véritables repaires de dénis de réalités et agrandiront les tanières, les foires et les supermarchés des approximations et des raccourcis. C’est ainsi que sont nés les régimes successifs (de Dacko I et II, de Bokassa – du colonel à l’empereur , de Kolingba, de Patassé et de Bozizé)

Leur échec est notre échec. Leur cécité est notre cécité. Ils se sont appuyés sur des groupies, des griots qui snobent avec les intérêts supérieurs de la Centrafrique.

L’absence de référentiels historiques s’explique par le fait que nous refusons de mettre en chantier la culture de l’expérimentation de bonnes pratiques puis sa duplication sur le plan macro et micro économique, pour privilégier le culte des affrontements et de la castration . Les religieux ( catholiques et protestants), ont pour modèles " Le père Aristide Bertrand " au lieu de Barthélémy Boganda alors que les intellectuels érigent en doctrine politique le tristement célèbre slogan du " soutien tactique et de la démarcation stratégique " de la FEANF d’alors.

L’origine de notre violence et de la culture de la peur de l’autre, du refus de permettre à l’autre de vivre de sa réussite, avait été mise en évidence par Willibyro-Passy en son temps et peut-être maintenant encore.

Notre idéologie du tout répressif , rien que le répressif et le répressif sous toutes les formes est alimentée par les promotions occultes, l’esprit petit-chef ; c’est-à-dire une mentalité d’adjudant. Nous avons réussi à transposer dans notre pays, le syndrome de l’armée mexicaine des années soixante et soixante- dix.

Ce sont nos Zorro qui, en déclinant vers le Zéro, ont favorisé le lit à l’amateurisme politique et à la vedettariat voire la starisation de la culture de casse et de la politique de la terre brûlée. Tout s’obtient par la casse. On rate un examen, il suffit d’organiser le désordre et comme les auteurs de ces casses connaissent notre trajectoire, ils se servent de toutes les armes dont la menace de dévoiler notre astuce ou de dire au grand jour qui nous sommes en réalité et nous cédons...Il est de notoriété qu’un bien mal acquis ne profite jamais. Au nom de quoi occuperons nous une responsabilité en usant des artifices et exigerons d’eux de l’effort et de la sueur au front ! Nous n’avons plus de référentiels communs de l’effort. Nous faisons d’eux des boucliers humains pour déstabiliser le régime en place. Il est normal que les survivants nous présentent la note !

Dans l’organisation du travail, on n’observe ni n’expérimente, de surcroît on évalue rien. A tous les échelons de la société Centrafricaines, ce sont les Tarzan et les Wanderwoman qui font la loi mais contrairement à leur référents, le prix à payer pour s’offrir leur médiocre prestation est hors de portée ; parce que c’est presque une rente viagère. Etc

La question que j’amène en débat ne consiste pas à charger uniquement les acteurs politiques d’alors et de maintenant. Nombreux d’entre eux méritent de bénéficier de la présomption d’innocence. J’en connais qui donneraient le meilleur d’eux-mêmes s’ils avaient une certaine marge de manœuvre et n’avaient pas été placés là en tâcherons pour préparer la carrière politique de leur employeur principal tout en précarisant leur trajectoire professionnelle. Je ne veux pas réduire le débat à l’inventaire des ratés de nos Zorro. Si ceux-ci le veulent, il faut les aider à inventer en innovant les valeurs sur lesquelles doit désormais reposer notre pays.

Revenons à l’histoire du porchers. Il a accumulé un capital d’expérience et de savoir-faire tels que les agronomes ont jugé opportun d’étudier l’influence de son poste de travail dans la réussite du laboratoire. Cette réussite étant non seulement comptable mais également économique et commerciale, car appréciée par les éleveurs.

Comment évoluerons  nous, si nous cultivons le chic, soit de casser le peu d’héritage –en termes de structures et d’infrastructures – que nous a légués notre parent ; le colonisateur ! Le quotidien est difficile pour tout le monde. Le système scolaire en tant qu’ascenseur social est paralysé et ceux dont les parents sont bien situés ne connaissent pas les années blanches. Ces parents les envoient continuer leurs études ailleurs aux frais du contribuables. L’accès à la nourriture quotidienne est un parcours du combattant bref. Ce ne sont là que quelques symptômes du malaise Centrafricain qui engendre le mal-être généralisé et offre à notre pays le spectacle de pays de casseurs et de pays où l’on entretient rien même l’héritage de la colonisation ( Revisitons les fables de Jean de la Fontaine ! )

Comment avancerons nous – aussi tenté que le mot progrès signifie quelque chose pour nous encore !- si la coopération ne nous sert qu’à colmater les casses ! Nous avons acquis aux yeux de l’opinion publique internationale la réputation d’être un peuple de casseurs, des gens qui n’entre tiennent rien , qui , soit laissent tout tomber en ruine soit cassent le peu qu’on leur donne !

.Puissions nous devenir de vrais Zorro plutôt que de débarquer en Zorro et de finir zéro quelques années plus tard ! Je veux dire le temps n’est-il pas venu pour nous d’introduire puis propager une culture, des valeurs entrepreneuriales dans nos équipes de travail à tous les niveaux de notre société ! de la société politique, administrative et militaire à toutes les composantes de la société civile : ONG, associations caritatives etc. Elaborons des outils structurants conçus pour donner aux Zorro et aux praticiens, une vision synoptique des composantes essentielles de la lutte contre la pauvreté et le sous-développement ; ce que j’appellerai " construire ensemble une décennie de culture de développement ; sans grosse prétention, une sorte de plan " Marchal ".

Cet outil serait à la fois ouvert et fédérateur car sera une sorte de schéma directeur de développement local. Il dégagera les grandes orientations de chaque région, proposera une articulation entre les institutions coutumières et les référentiels des institutions Républicaines L’enjeu n’est pas de réaliser une unité nationale métaphysique et creuse – du point de vue contenu et par voie de conséquence source de tous les vertiges. Cet outil se chargera de proposer le montant du tribut à payer par chaque tribu pour s’attribuer les attributs du développement, de la République et de la démocratie. Il passe – non par un DNT piège à cons mais par la probité, le rejet des dénis sous toutes ses formes et le rejet de la désinvolture. Identifions ensemble les vrais porchers afin de mettre terme aux Tarzans tyrans de toutes sortes

Bâtissons ensemble des organisations non pour soumettre et bâillonner mais pour en faire sortir des systèmes socio-économiques organisés pour atteindre un certain type d’objectif. Nos systèmes actuels n’ont aucune lisibilité en terme de but, n’ont aucune division des tâches ni attribution des rôles précis ni mécanismes de prise de décisions et pire encore, pas de règles d’évaluation des activités ; pas de normes. Est-il possible d’arrêter de générer des Zorro qui, peu de temps après, déclinent. Notre système a la richesse d’offrir au monde et à la nation des Messies et des Rédempteurs dont la première qualité est d’être confus, diffus et éphémères…

II) De la transition chaotique à la transaction sans règles de jeu.

Sans fausse modestie, quelques jours après les évènements du 15 Mars, j’adressais au duo Bozizé - Goumba une injonction de faire l’état des lieux et d’avoir la gentillesse de ne pas utiliser le concept de Transition ".

Le divorce entre Goumba et Bozizé - qui voulait avoir un vernis de légitimité en nommant Goumba ; le vétéran de la démocratie en Centrafrique - est consommé. S’en est suivi le déroulement folklorique du DNT- sacre le plus achevé du concept d’entité chaotique ingouvernable…

Aujourd’hui, l’homme de la Transition ; notre Zorro du 15 Mars 2003 fait muer la transition en démarche de Transaction obscure en vue de sa candidature à la Présidence au mépris total des élémentaires règles de jeu de la notion de transaction- qui signifie un contrat. Ceux là mêmes qui ont théorisé sur la légitimité des évènements du 15 mars, sonnent le glas et tocsin.

Je fais observer que je ne suis pas opposant à Bozizé et je suis à des années lumières loin d’être l’opposant politique de qui que ce soit. Cette contribution revendique le caractère d’une analyse théorique fondée sur la neutralité axiologique. Le concept de transition est dévoyé de sa signification et, est entrain d’être remplacé par celui de transaction. D’ailleurs, une des commissions du DNT l’a plus ou moins entériné. Aujourd’hui, ceux qui crient à la machination sont de mauvaise foie. Ces deux paradigmes ; Transition et Transaction ont la particularité d’être antinomiques. La transition est un passage d’un état à un autre. Elle peut être chaotique, ou suivant un processus phasé dans le temps.

En revanche, la transaction est un contrat. On entre en transaction avec un partenaire que pour coopérer ou pour échanger. Il implique l’existence des règles du jeu différentes de celles qui prévaut entre le chat, la souris et la belette ! (Fable de Jean de La Fontaine). Souhaitons vivement que la CEMI ne soit pas une litière de chatons. En tant qu’arbitre du jeu , les chatons sont des prédateurs aussi bien pour la souris que pour la Belette ! Espérons que toute analogie entre cette fable et les gesticulations qui ont cours chez nous actuellement et qui agitent notre classe politique à quelques mois des élections générales ne soit qu’une fiction ? Je crains que la réponse soit oui !

Dans un contexte international complexe et de plus en plus excluant pour l’Afrique en générale et la Centrafrique en particulier, les valeurs qui attireront désormais les investisseurs sont les attitudes, comportements et modes de vie qui rejettent la violence, préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les différentes entités territoriales, les groupes et les Etats. Il s’agit de faire évoluer les méthodes de travail notamment de privilégier l’expérimentation de démarche d’incitation à la démarche d’injonction. Certains pays Africains sont en passe de gagner ce pari. J’avais cité dans mes articles précédents les modèles " Malien et Ghanéen "

Pourquoi nous ne serons qu’un peuple de géniteurs de médiocrité ? Rien - dans la nature ( Théorie générale de la causalité) et dans l’histoire des humains ; surtout Africains- ne dit que nous avons vocation à faire de la République Centrafricaine la réserve à ciel ouvert des pratiques vertiginogènes et des mesures politiques accidentogènes ! Est-ce parce que nous avons la propension à confondre intelligence politique à ruse, roublardise !

Avoir en charge, par les circonstances malencontreuses ou démocratiques, la destinée de trois millions et demie de personnes, de seize préfectures et quarante quatre sous-préfectures n’est pas une affaire de ruse et cela ne se réduit pas à la ruse !

Entendons nous bien sur les termes. En faisant allusion au concept d’intelligence politique qui rejette la ruse et la fourberie, je ne fais point référence aux travaux dits " Echelle de Binet qui mesure le quotient intellectuel ". Je ne me permettrais pas et jamais ce comportement à l’endroit de personne et de surcroît à l’encontre de ceux auxquels les accidents de l’histoire ont remis la gestion des affaires de notre pays. Je n’en ai ni la compétence ni la qualité et n’y vois ni la nécessité ni l’utilité. Je me situe sur le terrain de la gouvernance ou de la construction d’une ingéniérie socio-économique. Par exemple. Ce qu’on attend d’un responsable politique de chez nous à l’heure de la mondialisation et dans le cadre du NEPAD, c’est d’identifier les activités génératrices de revenus sur le plan micro économique et repérer les compétences qui mettraient l’ensemble sous forme de systèmes productifs locaux par filières afin d’aboutir à la construction des pôles structurants et par voie de conséquence à l’émergence des leviers sur lesquels on peut agir pour rendre le pays à nouveau attractif et ainsi, l’insérer dans les échanges internationaux et le rendre à nouveau fréquentable par les ONG de solidarité internationale.

La démarche que je préconise tient compte de nos réalités et a pour objectif de faire émerger le capital social de chaque région, préfectures, sous-préfectures et communes rurales de notre pays. C’est un outil. Il ne s’agit point de placarder des modèles occidentaux. Je l’ai expérimenté en Île Maurice et m’apprête à l’expérimenter en Guinée Bissau. Les autorités politiques de ces pays sont des Africains et sont aussi patriotes sinon autant que nous . Elles- aussi, ont été d’abord des Zorro mais avant d’atteindre le niveau zéro, elles ont été réactives et ont pensé au porcher.

La conduite de la politique de développement d’une nation où il est très difficile voire impossible de déployer des capitaux privés pour financer les activités, où l’emploi rémunéré n’existe que dans l’administration civile et militaire ne saurait se réduire à l’improvisation ou à l’amateurisme. Il faut intégrer le savoir-faire et la compétence distinctive des porchers dans la construction du capital social. (différent du capital humain ou des ressources humaines). Identifier les initiatives locales, leur inculquer les exigences et référentiels de métier pour les amener à sortir de l’économie de subsistance et entrer dans les échanges internationaux, requièrent des outils d’alternatives à la situation actuelle dont chaque parti politique prétendant à la magistrature suprême et chaque syndicat professionnel se doit de se l’approprier. Ce n’est pas suffisant de réduire l’éducation politique à la dénonciation des manœuvres de l’autre ! Sans être une œuvre de génie, un tel défi requiert une didactique de positionnement socio économique national qui vient renforcer la politique de son fonds de commerce…[ Merci de noter que je ne donne de leçon à personne mais met au défi quiconque de relever les insuffisances épistémologiques et la non transférabilité et la non faisabilité- si toutefois transférabilité il y a - de cet outil en Centrafrique]

Nous devons travailler de façon artistique même avec nos moyens rustiques et nos méthodes artisanales pour être capable de changer notre façon de changer…

Conclusion :

Notre contestation du modèle centrafricain actuel repose sur l’incapacité de nos partis politiques et de notre société civile à faire naître une approche alternative de nos institutions.

Nous sommes attachés à l’approche patrimoniale, clientéliste et messianique de la fonction Présidentielle et des missions ministérielles. Le titulaire est notre monarque et peut user et abuser de nous comme il entend. De lui dépend notre épanouissement individuel et collectif. C’est l’employeur puisque l’ascension sociale dans la fonction publique et parapublique dépend de sa volonté souveraine.

De cette approche découlent tous les excès des relais du pouvoir. Ceux qui détiennent une part de cette légitimité en usent plus que le titulaire lui-même et s’arrogent des immunités même dans l’exercice des droits privés alors qu’une immunité est une prérogative de puissance publique mise au service de l’intérêt général. Ils ont fait de leur dame des vendeuses de pourpre, des gérantes de restaurant huppé avec toutes les exonérations fiscales imaginables malgré les honneurs de la République et en dépit du bon sens .:

Exemple :Des passeports diplomatiques ou des passeports de service en rémunération des prestations occultes…

Le pouvoir est exercé de manière féodale. Les vassaux ( Préfets et Sous-Préfets) sont aux aguets de toute opportunité pour s’attirer les faveurs du suzerain immédiatement supérieur ( Le ministre de tutelle) et ainsi va le cercle vertueux. Toutes ces virtuoses retourneront leur veste à la première menace.

Nous préconisons que les Centrafricains refusent les partis politiques, désertent les composantes de la société civile où prévaut l’approche aristocratique et patrimoniale du pouvoir. Rejetons les leadership dominateur et écrasant pour faire appel à des coach, des guides, des capitaines d’équipe qui sont au prise avec le combat du terrain et qui ne cherchent pas à étendre leur emprise sur nous.

Recherchons les Moïse qui ne verront pas la Terre Promise ! Cherchons des partis politiques crédibles, capables de nous éduquer sur le plan civique en lieu et place de ceux qui passent leur temps à faire de la propagande et du prosélytisme .

La détention des matières premières et des produits de base en quantité industrielle n’est plus une force d’attractivité. Le monde moderne est en quête des peuples qui ont un capital social, une aptitude à entreprendre, à dupliquer les savoir-faire, les compétences comme le porcher et à s’insérer dans les échanges internationaux. Les peuples capables de renouveler les problématiques et non ceux qui s’installent ad vitam aeternam dans la victimisation…

J’attends des réactions à cette contribution !

(1) Gérard Vergnaud CNRS " la leçon du porcher " Sciences Humaines n°98 Octobre 1999.
* L’auteur ; Centrafricain d’origine, est enseignant en science de gestion à l’IUT-IUP ( Université de Rouen). 3è Vice-Président de la section française de DEI, il est depuis Février 2004 un des experts du Comité Européen de Coordination de l’entrepreneuriat social et solidaire et membre du Groupe de Travail et de la Commission pour la rédaction de la Norme Française ( AFNOR) pour le commerce équitable. Ces lignes n’engagent que lui.

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