IN MEMORUM : MORT D'UN GEANT, "Boston" PEHOUA

Le 26 Août 2000, François "Boston" PEHOUA s'en est allé au firmament rejoindre les étoiles qu'il a tant aimées. Né en 1930, François PEHOUA a été successivement, directeur du Trésor Public Centrafricain, directeur général de L'UBAC (Union Bancaire en Afrique Centrale), gouverneur de la BEAC (Banque des États de l'Afrique Centrale)... Comme on le dirait en France, il fut un brillant technocrate. Mais c'est surtout à travers le basket-ball centrafricain que ce "géant" - très bel homme de surcroît - s'est taillé une réputation de manager moderne et de meneur d'hommes. Président du Sporting club du Trésor, Président de la fédération centrafricaine de basket-ball et Vice-président de la fédération internationale de basket amateur (FIBA), François PEHOUA, était un promoteur acharné de la balle au panier, un défenseur de la jeunesse Africaine et de la République Centrafricaine. Son amour et son attachement à son pays dépassaient les frontières de son sport de prédilection. Il s'était fait le champion de la fierté et de la dignité du peuple centrafricain. Intransigeant face à la médiocrité, partisan acharné du travail bien fait et de l'entraînement intensif, François PEHOUA a permis à une génération de jeunes centrafricains de se réaliser au plan sportif, scolaire, universitaire ou professionnel. Il avait pour philosophie la maxime de Juvénal : "mens sana in corpore sano".. Pour tous les sportifs centrafricains, il était simplement "BOSTON", témoignage d'une adoption populaire. Il doit ce surnom à l'admiration qu'il vouait à l'équipe américaine du CELTIC_S BOSTON, le club mythique de Bob COUSY et Karim ABDUL JABBAR. François PEHOUA fut le premier président d'une fédération africaine de basket-ball à faire venir des équipes américaines sur le continent. Ces invitations furent ensuite suivies par des tournois ou rencontres avec des équipes chinoises, françaises etc...

Créateur de la Coupe Barthélémy Boganda, il se dépensait sans compter et n'hésitait pas à délier sa bourse personnelle pour fournir à l'équipe nationale centrafricaine les matériels ou équipements les mieux adaptés au sport de haut niveau. L'homme avait très tôt compris qu'une tenue seyante avait un fort impact psychologique sur le moral et la combativité d'une équipe. A cet égard, le déplacement de l'équipe nationale centrafricaine au championnat africain d'avril 1969 à Casablanca (Maroc), fut un morceau d'anthologie du savoir-faire de François PEHOUA en matière de communication, de médiatisation et de vedettariat : bien avant l'arrivée de l'équipe centrafricaine en terre chérifienne, le président de la FCBB dépêchera à Casablanca des posters à l'effigie de tous les joueurs et staff de l'équipe. Ces affiches furent placardées sur tous les murs de la ville blanche. A leur arrivée sur le tarmac de l'aéroport de Casablanca, les basketteurs centrafricains étaient étonnés de se voir en portrait dans l'aéroport et partout en ville. Ils étaient reconnus dans la rue et presque immédiatement adoptés par le public marocain. Ce qui constituait un avantage psychologique indéniable... Boston fit plus ! Équipement à l'américaine, nourritures centrées sur la cuisine centrafricaine acheminées depuis Bangui pour ne pas rompre les habitudes alimentaires des joueurs, préparateur physique et tout le reste à l'avenant.

On ne s'étonnera pas qu'en retour, les joueurs de l'équipe centrafricaine vouait à leur mentor une affectation et une reconnaissance qui ne se sont pas démenties au fil des ans. C'est que le génie de l'homme s'est aussi fait remarquer dans les méthodes de sélection des joueurs et la composition de l'équipe technique d'encadrement.La procédure de sélection était déjà, pour l'époque, un modèle de transparence et de démocratie. Une quarantaine de joueurs composaient l'équipe nationale des Espoirs. C'est dans ce "vivier" que le comité de sélection retenait une liste de 22 présélectionnés. A l'issue du stage de préparation technique, chaque présélectionné était invité à inscrire sur une liste les onze partenaires avec lesquels il souhaitait jouer. les 12 meilleurs scores constituaient l'équipe majeure, c'est à dire la sélection nationale centrafricaine. Le "12 majeur" élisait son capitaine par vote à bulletin secret. Le regretté Sabin KOTEKE, était à chaque fois élu haut la main, pour son charme, sa prestance, sa bonne humeur communicative, son esprit de camaraderie et son entregent auprès des jeunes joueurs. Quant à l'encadrement technique, Boston PEHOUA s'était très vite convaincu, au plus fort du développement du basket centrafricain, de la nécessité de confier la direction technique de ses troupes à des entraîneurs autochtones, seuls à même de sonder et de connaître l'âme des joueurs composant une équipe. Ils devaient être en phase et établir la symbiose indispensable entre un groupe et son entraîneur. SAMBA-BENAM Félix pour l'équipe masculine et MBALLA Chandra Henri pour les filles, furent ses deux coachs. Pour autant, le président du basket centrafricain ne dédaignait pas l'apport extérieur et l'expérience de la haute compétition. Régulièrement, des techniciens étrangers étaient invités. Ils avaient pour mission l'animation de séminaires techniques de courte durée ; l'américain BOUCHARD et le français Robert BUSNEL furent des consultants écoutés. Enfin, c'est surtout la capacité de François PEHOUA à faire communier tout le peuple centrafricain derrière une équipe jeune et inventive, formée d'éléments originaires de toutes les régions de la RCA qui fut l'atout principal de sa réussite. Les Sonny, Darlan, Koït, Limbio, Bimalet, Gambor, Sangha, Anezot, Follot, Bisseni, Mailli, Mabingui, Bengue, Limbassa, Serefio, Zintongo ou Ngoko pour les garçons ; les Magbotiade, Ebokolo, Yokadouma, Nzomoka, Yaya, Sakanda, Goumba, Pereira, Pelema, Mageot, Mayao et Danguin chez les filles, tous les jeunes centrafricains furent appelés en équipe nationale. Je fus partie prenante à cette expérience, j'en garde encore à ce jour une conscience très claire. L'équipe nationale était un creuset où nous étions réunis et guidés par une même et seule éthique : l'appartenance à une communauté unique, la fierté de servir d'exemple, la dignité de faire partie d'une élite choyée. En retour, nous devions payer de notre personne, ne ménager aucune peine à l'entraînement, qu'il pleuve ou qu'il vente. Nous apprîmes à museler notre propension à l'improvisation pour acquérir la rigueur et la discipline qui sied aux grandes équipes. Nous apprîmes à jouer technique, à combiner : le huit chinois en attaque, le un-trois-un en défense. Le succès du basket centrafricain fût immense et sa réputation internationale. C'est ainsi que la RCA représenta l'Afrique Noire à la Coupe du monde de basket-ball en 1974, à Porto-Rico, aux portes de l'Amérique !

Dans une envolée lyrique non dépourvue de clin d'oeil, le chef d'orchestre Prosper MAYELE composa une chanson désormais célèbre : "A nikpa so aké fa doli lakoué" (ces sangsus qui abattent toujours les éléphants !)Les NIKPA furent l'oeuvre majeure de François Boston PEHOUA. Ils sont quelques uns aujourd'hui à pleurer ce grand frère trop tôt disparu. Que Dieu le reçoive au panthéon des illustres fils de l'Afrique, que les hommes lui élèvent un musée où la jeunesse centrafricaine vienne puiser un exemple, un idéal. A ses enfants, à sa compagne, à sa famille et à tous ses parents éprouvés nous adressons notre affection.

Cisco Prosper INDO

(28 août 2000)


Actualité Centrafrique - Dossier 2