Journée de la Femme Africaine Centrafricaine, 8 mars 2000

Journée de la Femme
Centrafricaine : des défis à relever

Journée de la Femme

Mes compliments à vous soeurs, mères, femmes centrafricaines de naissance ou d'adoption, de Centrafrique et de la diaspora, vous femme du monde qui aviez choisi de nous accompagner dans la vie.

Une vie difficile, semée d'embûches où rien ne nous est épargné. Une vie encore plus difficile pour vous dans ce monde des hommes. C'est peu dire que c'est la lutte qui nous ouvrira à tous et à toutes la route de l'émancipation.

Je vous salue et vous honore Femmes de RCA, Femmes d'Afrique, Femmes du Monde.

Bien sincèrement

Jean-Bosco PELEKET

Et vous mes frères penser à remettre ce message à vos compagnes,filles, soeurs, cousines, mères etc avec vos propres hommages.

(Subject: journée de la Femme

Date: Wed, 08 Mar 2000 09:44:03 CET)

CENTRAFRICAINE : DES DEFIS A RELEVER !

Henri GROTHE, Enseignant, Gonesse (France)

 

La journée mondiale de la Femme, 08 mars 2000, risque fort d’être une journée institutionnelle ordinaire pour la Femme Centrafricaine !

Une journée ordinaire quoique institutionnelle où les discours et l’annonce d’engagements officiels, sur (ou pour) la cause de la Femme, tranchent malheureusement avec les réalités sociales exécrables subies par celle qui est en première ligne des luttes sociales et politiques en Centrafrique.

Au risque de me tromper, loin d’être passive, la Centrafricaine assistera sans participer, sérieusement et directement, à une célébration qui l’enfermera davantage dans des considérations niant la cause et le droit des Centrafricaines, si toutefois elle laisse "filer l’initiative ".

Par ce fait, elle consacrera malgré elle, et une fois de plus, la domination masculine de son frère Centrafricain. Une domination masculine spoliatrice qui s’exprime encore et toujours par l’exploitation des liens familiaux, sociaux et politiques au seul profit de ce dernier. Une domination masculine "émaillée " de violences familiales, sexuelles, sociales et politiques auxquelles la Centrafricaine ne cesse de s’affronter !

Loin de fixer des objectifs à ma sœur "Africaine-Centrafricaine ", il me paraît important, et donc nécessaire, de contribuer par quelques propositions à la lutte émancipatrice et solidaire des Centrafricaines pour l’amélioration du cadre de vie centrafricain.

Une stratégie de communication nécessaire à la valorisation de la Femme Centrafricaine

Tout d’abord, et la Centrafricaine l’a toujours compris, il lui revient de porter haut le flambeau de la lutte féminine. Car personne d’autres qu’elle ne saurait mieux expliquer et exprimer ainsi ce qu’elle ressent et subit dans la société centrafricaine. A l’instar des autres Femmes d’Afrique et d’Ailleurs, il lui appartient(à la Centrafricaine) plus que jamais non seulement "d’inculquer", à la société centrafricaine (d’abord !), sa soif de liberté mais, surtout, de mieux faire savoir et connaître ses sensibilités sur les questions et défis centrafricains qui sont avant tout des Défis féminins.

Comment ? Si ce n’est par la prise de la parole ?

Une prise de parole pédagogique et militante, civique et citoyenne, toujours au service de la solidarité familiale, sociale et nationale comme seule la Centrafricaine sait le faire. Car sans une stratégie formelle ou informelle de communication, la cause des Centrafricaines ne saura pas entendu et surtout compris par la société masculine et la société centrafricaine.

Tout en confortant ou en approfondissant les initiatives en cours dans les mouvements associatives, syndicales et politiques, des Études féminines centrafricaines doivent être encouragées et se pérenniser.

A ce niveau, l’implication des Centrafricaines lettrées (que ce soit en Sango ou en Français) est à recommander ! Qu’elles n’attendent surtout pas d’hypothétiques coups de pouce (création et mise en place de centres d’études et de prospectives, définitions de problématiques ou de centres d’intérêts, subventions financières,…) qui ne viendraient jamais des autorités administratives ou politiques (nationales ou internationales) si elles ne prennent pas le problème à bras le corps. Les Centrafricaines leaders d’opinions et toutes élites féminines doivent travailler à la définition de thèmes de recherches féminines et de centres d’intérêt, à la multiplication des médiums ou canaux de sensibilisation, d’informations et d’analyses au service de la Femme Centrafricaine ou encore à la fédération (mise en commun) de capacités diverses émancipatrices et solidaires.

Il me semble déjà percevoir des ricanements machistes du genre "cause toujours tu m’intéresses, du moment que la Femme ne pense pas… " ! 

Il est de l’intérêt premier de la Femme et de tous ceux qui ont à cœur son émancipation de ne point se laisser divertir par de telles provocations bassement masculines qui hélas trouvent, des fois, malheureusement, échos même chez certaines femmes !

Comme partout, la Centrafricaine devra continuer à lutter avant tout contre ceux qui lui sont chers. C’est à ce niveau qu’agissent, très souvent, les "forces du mal " déstabilisatrices d’initiatives louables, dans la mesure où elles ("les forces du mal ") ont compris depuis toujours l’intérêt à diviser la Femme pour mieux conserver l’avantage de la domination masculine.

Si elles le désirent, les lettrées Centrafricaines peuvent relever ce défi. Elles en sont capables.

Malgré la domination masculine, la société centrafricaine et le monde du travail s’honore de la présence encore très mitigée des femmes à tous les niveaux. Leurs présences dans les différents espaces publics (associatif, syndical et politique) le témoignent. Leurs participations actives dans l’espace religieux centrafricain viennent renforcer cette conviction. Et contrairement à sa sœur analphabète, la Femme lettrée peut par la prise de parole écrite continuer à valoriser le combat en lui donnant une dimension scientifique et médiatique ; l’écriture, au sens large, étant actuellement le seul moyen d’y parvenir !

Pour la mise en orbite de ce premier grand défi, lycéennes ou étudiantes, ouvrières ou cadres, laïques ou religieuses, ce privilège vous revient !

Pour nos étudiantes le choix de thèmes ou sujets de réflexions sur la Femme Centrafricaine démontrerait le sens aigu de l’engagement, militant et scientifique, pour la cause et les droits des femmes en Centrafrique.

Et pour toutes les autres, en y incluant les premières (étudiantes) l’exploitation des réseaux féminins (associations et mouvements laïques ou religieux, politiques, syndicaux ou civiques) devrait rendre compte de toute la plénitude des luttes sociales féminins, en les valorisant davantage.

Le développement d’une presse privée féminine qui verrait la publication de bulletins de liaison ou de toutes autres publications est à retenir parmi les premiers objectifs. Et comme ce développement aboutira nécessairement à la "libéralisation politique " de l’audiovisuel en Centrafrique, la Centrafricaine sera ainsi préparée pour leur maîtrise et gestion citoyennes.

La Femme Centrafricaine doit conquérir le pouvoir économique

Le combat de la Centrafricaine se doit d’être avant tout politique. Au sens noble !

Si par la maîtrise des canaux ou médiums de communications elle parvenait très certainement à pérenniser la cause des Centrafricaines, il faudra qu’elle accentue cependant son emprise sur le pouvoir économique qui favorisera davantage, en le soutenant, ses droits civiques et citoyennes.

Deuxième grand défi, la conquête du pouvoir économique par la Femme Centrafricaine est depuis à l’œuvre dans la société centrafricaine. Elle se développe sans cesse sous l’emprise de la Crise centrafricaine.

Acculée par les manifestations diverses du fléau social et politique, la Femme Centrafricaine innove régulièrement, en excellant d’ingéniosité, dans la maîtrise du phénomène. Mais les cas encore isolés et les modèles de réussite doivent être valoriser (encore une fois !) - c’est justement à ce niveau que le premier grand défi tire toute la force de sa nécessité. Ce qui non seulement encouragera le sens profond d’initiatives mais favorisera leurs permanences dans l’espace centrafricain.

Des Femmes Centrafricaines, données en exemple à d’autres Femmes Centrafricaines, seront régulièrement célébrées par tous !

De la célèbre "Gbalakuma " ti Pétévo en remontant à la femme commerçante (bouchère et toutes autres vendeuses : restauratrices ambulantes ou sédentaires, marchandes d’épices, poissonnières…) et en passant par les femmes chefs d’entreprise artisanale, de services ou commerciales (couturières, coiffeuses, distribution de boissons, prestataires de services divers,…) ;  de la paysanne à la travailleuse intellectuelle, les filières et stratégies de lutte contre la pauvreté s’enrichissent incontestablement de l’apport féminin ! Plus que des stratégies de survie, la lutte contre la pauvreté trouve son accomplissement dans des créneaux jusqu’à là "réservés " à son frère Centrafricain.

De part son intégration à marche forcée dans le social et l’économique, la Femme Centrafricaine donne assurément l’exemple en marquant de son empreinte indélébile son environnement familial et plus largement social (villages, quartiers et villes).

La consolidation de ce pouvoir économique, par l’éclosion de groupements de femmes centrés sur la mobilisation de l’épargne, dans nos villes de l’intérieur, marque un grand tournant dans la conquête du pouvoir économique au service bien compris de la Centrafricaine et de la société tout entière. Leur saine gestion garantira le développement du micro-crédit et si l’épargne devient conséquente, de sérieux investissements dans les domaines clés que sont la santé, l’éducation et l’économie mutualiste.

En accompagnant l’intégration de la Femme, les micro-crédits mis à disposition, à des taux raisonnables, lui permettront directement d’améliorer les conditions matérielles de son existence. Par un apport régulier de numéraires, la qualité de vie familiale s’en ressentira d’autant que ce soit au niveau de l’alimentation, du logement, de l’accès à l’éducation ou de la santé…Bref du bien-être familial.

Dans un tel schéma, seules une poignée de Femmes Centrafricaines pourraient utilement tirer leur épingle du jeu si l’effort n’est pas partagé. Afin d’échapper aux schémas de réussites individuelles galvaudées par certaines sociétés, dont les médias sont le reflet, ses réussites ne trouveront leur accomplissement que dans une solidarité éprouvée par des liens mutualistes.

Ainsi collectivement, par la consolidation de l’intégration économique, la maîtrise du pouvoir économique, la Femme Centrafricaine investira utilement aussi bien dans la construction et l’administration d’écoles privées en association avec d’autres mouvements ou organismes (religieux notamment) que dans la création et la gestion de centres de santé primaire et de pharmacie rurale. Sans oublier, bien sûr, le développement de l’outil premier qu’est l’épargne mutuelle. 

L’investissement éducatif verrait le développement de nouveaux concepts scolaires centrés sur l’acquisition des outils fondamentaux et des notions clés à la maîtrise des savoirs et des connaissances en ce qu’ils seront axés sur un autre modèle d’éducation à expérimenter, contraintes matériels, budgétaires et politiques obligent ! [une réflexion encours contribuera précisément à ce débat : l’école face au désengagement de l’État].

La rentabilité de cet investissement éducatif est insoupçonnée. L’alphabétisation des enfants en âges scolaires parallèlement à ceux des adultes sera très bénéfique. Les centres scolaires, affectés à une utilisation polyvalente éducation/culture, contribueront à la diffusion des cultures et des aptitudes intellectuelles : bibliothèque, centre culturel, centre de formation et école pouvant (et devant cohabiter) pour le grand plaisir de tous. L’école sera ouverte sur son environnement et participera certainement au développement local. Des exemples ailleurs l’attestent fort bien (France, Mali, Burkina…).

La création et la prise en charge mutuelle de dispensaires avec unité d’urgence médicale "de brousse " participeront conséquemment à la baisse du taux de mortalité infantile ou de la mortalité tout court, à la diffusion de l’hygiène (eh, oui ! ), à la prévention médicale, à l’encadrement des matrones ou d’infirmiers dans les villages éloignés…pour ne citer que ces exemples. L’accès aux soins pour tous ne serait plus un miroir aux alouettes qui agrémente les discours politico-administratifs ou les statistiques inhumaines !

Le concept de pharmacie rurale amoindrirait les coûts onéreux des médicaments tout en préservant le Centrafricain contre la circulation de faux médicaments. Les médicaments génériques seraient un passage obligé !

Par la mise en commun des ressources financières et leurs orientations mutualistes, l’épargne populaire, ainsi soutenue et rentabilisée, transformera assurément les assauts actuels en conquêtes réussies du pouvoir économique.

La lutte des Femmes est avant tout politique !

Qu’on ne s’y trompe pas ! La lutte de la Femme Centrafricaine est avant tout politique. A cet effet, elle doit donc évaluer utilement sa capacité à conquérir les pouvoirs tout en consolidant ses statut et fonction, particulièrement dans la famille et plus généralement dans la société.

Si les espaces à conquérir sont encore nombreux, la méthode pour les apprivoiser sont à la portée de la Femme Centrafricaine. Cependant la fédération des potentialités devra se faire en dehors des clivages et appartenances petitement politique, telles qu’elles s’expriment actuellement !

A la société civile, dans son expression féminine, de relever les défis féminins !

Gonesse, 06 mars 2000 - 3h00

Actualité Centrafrique - Dossier 2