PENURIE DE CARBURANT EN CENTRAFRIQUE : LE MINISTRE DÉSIRÉ PENDEMON VEUT CALMER LES INQUIÉTUDES... ET POURTANT...

par Claude LENGA & Henri GROTHE

 

Monsieur le ministre centrafricain des Transports et de l'Aviation Civile, M. Désiré PENDEMON, vient d'annoncer pour lundi prochain, par voie de

presse, la fin de pénurie de carburant dans le pays.

Nous serions très heureux que l'économie centrafricaine chancelante puisse retrouver une bouffée d'oxygène, même provisoirement. Mais nous sommes obligés de constater qu'une fois de plus, les autorités centrafricaines ne cessent de nous surprendre dans leur approche et résolution des dossiers et/ou questions auxquels le pays est confronté.

La gestion politique des crises n'en finit pas de nous démontrer l'étendue de l'incompétence et de l'incohérence dont ces autorités s'honorent définitivement.

Certes, nous les savions "incultes " dans la moindre conception d'un dossier technique [quelques exceptions mises à part qui ne concernent aucunement les surdoués de la Primature centrafricaine]. Mais, contrairement à la méritocratie annoncée, la médiocratie s'étale sans ambages.

Depuis les péripéties politiques de la Pétroca, l'État ne peut plus assumer son monopole de fournisseur en hydrocarbure dans le pays ; l'autorisation donnée aux opérateurs économiques privés de le suppléer l'atteste si bien. Devant la disparition de cette vache à lait, le Centrafricain ne peut que comprendre le désappointement affiché par les caciques du Mlpc, les députés de la mouvance présidentielle et le gouvernement Dologuélé. Il ne peut être que frappé par le décalage entre les propos du ministre PENDEMON et la réalité géopolitique sous-régionale.

Nous imaginons bien, dans ce contexte, que l'opinion nationale comprenne mal comment M. KABILA pourrait autoriser tout acheminement de carburant par voie fluviale alors que le gouvernement de la RDC ne contrôle pas sa région frontalière de la Centrafrique. De plus, depuis plus de trois (03) mois la navigation est interrompue sur le fleuve Oubangui du fait des batailles opposant son armée aux troupes de M. Jean-Pierre BEMBA. Même la population de la LIKOUALA (CONGO-BRAZZA), prise entre les feux croisés de la guerre civile congolaise (RDC), souffre dans la mesure où elle subit aussi une pénurie de vivres et de carburant.

Il reste à savoir si les autorités centrafricaines ont pu trouver finalement un arrangement politique et financier avec les autorités camerounaises et la société Total-Cameroun pour l'acheminement de 360 fûts d'essence stockés à Douala ; objet litigieux de la deuxième rotation de l'avion Antonov El ACP affrété par la Libye ; Cf. article de R. SOFFO du journal camerounais Le Messager).

C'est à croire que nos autorités ont pu retrouver le Directeur Général de Total-Cameroun, au demeurant introuvable, ou que les pressions du Directeur Général d'Elf-Afrique ont finalement débloqué la situation après trois réunions infructueuses.

Au lendemain de la grande messe africaine de Lomé qui a vu l'adoption de l'Acte de l'Union Africaine, quel est le poids de la Centrafrique au sein de la Cemac et de la Ceeac ?

Bref ! Monstrueuse intoxication adressée à l'endroit du peuple centrafricain qui ne cesse de payer chèrement les effets conjugués de la mal-gouvernance et de la diplomatie hasardeuse des autorités centrafricaines.

Il est regrettable que ces autorités persistent dans la désinformation qui est loin d'être un bon allié pour la démocratie, la transparence et la justice sociale.

La sortie du ministre PENDEMON coïncide curieusement avec l'approche de la promesse médiatique de Patassé ; rencontrer les forces vives centrafricaines à son retour du 36ème Sommet de l'Oua de Lomé. Nous sommes en droit de nous interroger sur son éventuel repositionnement dans la course au poste de Premier ministre en vue de succéder à Anicet Georges DOLOGUELE, tombé en disgrâce auprès de son oncle Ange-Félix Patassé.

Nous nous demandons même si la pénurie de carburant n'était pas sciemment provoquée par les caciques du Mlpc avec l'appui tacite de leur Président AFP pour mettre les bâtons dans les roues de Dologuélé et accélérer sa chute libre, en le chargeant au maximum d'une dose certaine d'incompétence. Donc de son impossibilité politique de conduire son gouvernement dit de Renaissance à bon port !

L'analyse des derniers faits accumulés ne peuvent que nous conduire à cette hypothèse qui paraît quelque peu "farfelue ".

Un Premier ministre qui a vu sa tête sauvée in extremis par son oncle alors qu'il était "au plus bas de sa côte ", se voit sermonner vertement par ce dernier, qui le traite d'incompétent, lors d'un conseil de ministre extraordinaire, quelques mois auparavant après l'affirmation publique d'une fidélité sans faille.

Un Président qui, pour saper les efforts de son Premier ministre de neveu négociant avec les opérateurs économiques centrafricains, n'hésite pas à lui damer le pion sans vergogne, en convoquant les banquiers centrafricains et le corps diplomatique afin de leur demander une aide conséquente pour juguler la profonde crise économique et financière.

Un Président qui déploie son charme envers les relations amicales et économiques de son Premier ministre, en les invitant au Sommet Social de Genève ; M. DEJEAN Patrick, Directeur de la SOCACIG (Groupe BOLLORE) et PSHIMIS Serge, administrateur de l'Ubac-Bangui (Groupe FOTSO) et Haut responsable de Télécel, étaient bel et bien dans la délégation présidentielle centrafricaine.

Sauf si, comme son autre collègue de la Défense, il intervient au nom du gouvernement, ce qui ne nous a pas semblé, la stratégie néfaste de "court-circuitage " a t-elle aussi gagnée le ministre du gouvernement de la Renaissance envers son Premier ministre ?

Si telle est le cas la guéguerre fratricide est lancée. Elle gangrènera durablement la politique centrafricaine. M. PENDEMON devrait pourtant savoir qu'à force de se rapprocher du soleil tel Icare, il finira par se brûler .... Le microcosme politique centrafricain en témoigne pourtant.

La Varenne-Saint-Hilaire/Gonesse

15 juillet 2000 - 17h27

(17 juillet 2000)

Actualité Centrafrique - Dossier 2