La responsabilité du Président Patassé
dans la crise actuelle de carburant

Par Nditifeï Boyssembé

 

INTRODUCTION

Vous avez suivi comme moi les déclarations du président de la République à Washington et à son retour de Tripoli sur la crise pétrolière dans laquelle le pays est empêtré depuis deux (2) mois. Pour le président Patassé, la victime expiatoire est toute désignée : ce sont les sociétés ELF et TOTAL qui traînent les pieds pour prendre la relève de PETROCA.

Mon propos ici, n'est pas de faire l'avocat du diable mais tout simplement essayer de répondre à l'une des questions que se posent les Centrafricains. Quel est le véritable responsable de cette crise ? Les sociétés TOTAL-ELF incriminés, le gouvernement ou le président de la République lui-même ?

Pour moi, il n'y a pas de doute, le président Patassé endosse l'entière responsabilité de cette crise.

En attendant de fournir des éléments à l'appui de cette affirmation, je voudrais avec votre permission rappeler en quelques mots la réforme du sous-secteur pétrolier nécessaire à la compréhension de la crise actuelle.

1°) CONTEXTE

La réforme du sous-secteur pétrolier s'inscrit dans le cadre du désengagement de l'Etat des activités commerciales et remonte au PAS III autrement dit à l'époque du président Kolingba.

Cette volonté de réforme du sous secteur pétrolier a pris corps le 31 octobre 1995 avec la lettre du gouvernement à la Banque Mondiale signée conjointement par le premier ministre Koyambounou et le ministre des mines, Charles Massi, arrêtant la stratégie de désengagement de l'Etat. Cette stratégie est axée autour de deux points :

libéralisation du secteur de distribution c'est-à-dire la cession des stations services aux privés.
création d'une société d'entreposage des produits pétroliers avec la participation minoritaire de l'Etat.

En application de cette stratégie, le réseau des points de vente de Pétroca était réparti en trois lots : A, B et C et un appel d'offres lancé au mois d'avril 1996 à l'issue duquel TOTAL et ELF ont été retenues. Le lot C qui est réservé aux anciens actionnaires de l'Etat n'étant pas concerné par cet appel d'offres et c'est autour de ce lot C que le président Patassé a déployé son talent de manoeuvrier pour torpiller le processus de libéralisation du secteur.

2°) MANOEUVRES DE TORPILLAGE

    1. Déclarations incendiaires du président condamnant à plusieurs reprises les privatisations " sauvages ". Le décryptage de ce message par les actionnaires privés et les bailleurs de fonds est clair : le président est opposé à la privatisation de PETROCA en dépit de la bonne volonté des gouvernements qui se sont succédés. La prudence dans ces conditions étant de mise chez les investisseurs qui n'entendaient pas risquer leur argent dans un flou artistique entretenu par le président.
    2. Pression de Sorogonpé, conseiller économique du président, alors que le GUN était en pleine négociation avec le FMI pour demander que le lot C soit réservé exclusivement aux centrafricains au mépris des droits des actionnaires privés de Pétroca. Seule la détermination du GUN a fait reculer momentanément le président.
    3. Décision 96.023 du 20 décembre 96 du président Patassé attribuant d'autorité le lot C à ELF oil Africa remettant en cause les engagements du gouvernement vis à vis des Institutions de Bretton Woods (IBW).
    4. Enfin désignation du DG de Pétroca comme liquidateur de Pétroca. Le but de ces manoeuvres autour du lot C à entendre le président, est de préserver les intérêts centrafricains. Du coup, il se pose en défenseur du patrimoine national.

Tout ce discours pseudo-nationaliste n'est qu'un écran de fumée destiné à camoufler le véritable mobile qui ne surprendra personne : C'est la préservation des intérêts personnels du président Patassé qui cherche à contrôler avec ses amis une partie des activités pétrolières. La dernière déclaration du président envisageant sans ambages la création d'une nouvelle société pétrolière est édifiante à cet égard.

Les conséquences de ces manoeuvres sont de deux types :

Plan financier : A force de tergiverser, la cession des lots A et B intervenue dans un contexte de baisse de prix de pétrole, s'est faite au détriment des intérêts de notre pays. (Valeur largement inférieure au montant conclu en 1996).
Calendrier de la privatisation
Le calendrier d'application du programme de privatisation de Pétroca a été perturbé sérieusement. Si tout s'était déroulé selon le programme initial, les nouveaux repreneurs de Pétroca seraient déjà opérationnels depuis janvier 1997 et on éviterait cette crise de carburant.

EN CONCLUSION

La responsabilité de Patassé dans cette crise est totale : il est non seulement à l'origine du retard pris au niveau du calendrier mais c'est à cause de sa diplomatie aventureuse en RDC que son " ami " Kabila a fait main basse sur nos produits. Cette crise de carburant est révélatrice de l'incapacité flagrante du président Patassé et de son régime à satisfaire les besoins élémentaires de la population. Le bilan de 6 ans du 1er mandat en dit long sur l'échec du MLPC.

Comme il l'a fait en 1979 et en 1993 pour se libérer de l'emprise des régimes Bokassa et Kolingba, le peuple centrafricain doit renouer avec sa tradition de lutte afin de mettre hors d'état de nuire davantage le président Patassé et son régime.

Je vous remercie.

Actualité Centrafrique - Dossier 2